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Un juge en campagne

Législatives / mardi 15 mai 2007 par Émile Borne
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Alors que son engagement à droite n’a jamais été qu’un secret de polichinelle, il a fallu attendre longtemps avant de voir Jean-Louis Bruguière se risquer en politique. C’est chose faite, puisque celui-ci brigue aujourd’hui la 3ème circonscription du Lot-et Garonne. Et il le fait à sa manière. Après avoir longtemps avancé masqué, Bruguière ne se fait plus prier pour goûter la cuisine politicienne. En ne négligeant rien. Il a ainsi animé, depuis sa permanence flambant neuve de Villeneuve-sur Lot, les soirées du premier et du second tour du scrutin présidentiel.

« L’amiral » n’est pas du genre à négliger les détails. Dès le mois de décembre 2005, il confia à un certain Gérard Régnier, le soin de l’inscrire sur les listes électorales de Villeneuve-sur-Lot. Certes, Bruguière partage ses origines entre l’Aveyron et le Lot-et-Garonne. Mais pourquoi avoir confié le soin de mener à bien cette banale procédure administrative — qui le rend électeur, mais aussi éligible — à l’attaché parlementaire du député UMP de la 3ème circonscription du département ? Très vite, sur place, a donc couru la rumeur que cette initiative préparait la reconversion du Premier vice-président du Tribunal de Paris. Le jeu de piste passait, par le député sortant, Alain Merly, un élu laborieux, vice-président UMP du Conseil général et maire d’une petite commune rurale plantée dans les coteaux. En attendant qu’une place se libère au Sénat, ce dernier acceptait de céder sa place. Dès décembre 2005, avec de telles cartes en main et un solide réseau pour le guider, Bruguière pouvait raisonnablement penser qu’il y avait « une ouverture », comme on dit sur les terrains de rugby de la région.

Devoir de réserve oblige (ou ce qu’il en reste, avec ce magistrat hors norme ), celui-ci s’est d’abord borné à accompagner la question d’un silence de rigueur. En petit comité, il en allait tout autrement. A partir de la fin 2005, sa présence dans le villeneuvois s’est faite plus régulière. Quelques mois plus tard, l’affaire semblait suffisamment bien engagée pour qu’il soit adoubé par celui qui fut longtemps le patron incontestable de la droite départementale, le giscardien Jean François-Poncet. Au printemps 2006, un déjeuner fut discrètement organisé entre les deux hommes. L’ancien ministre venait de le convier à animer, en compagnie d’un officier du FBI ( !), une réunion publique sur le thème des banlieues. Fidèle à ses habitudes, il avait tout juste accepté d’entendre cette recommandation : « Si vous gagnez en 2007, il vous faudra ensuite prendre la mairie de Villeneuve-sur-Lot, aux prochaines municipales, pour vérouiller votre implantation ». Les promesses de limiter le cumul des mandats électifs ont beau être devenues une constante des déclarations d’intention des hommes politiques, Bruguière devait penser à s’en dispenser !

« Eu égard à ses amitiés bien placées et à son assise certaine sur la scène internationale, ce serait presque un honneur que de l’avoir pour représentant », n’hésitait pas à écrire, le 2 février 2006, le correspondant du quotidien Sud-Ouest, en croyant relayer la vox populi. Après ce frémissement initial, un voile pudique a pourtant vite été jeté sur ces ambitions. Au mois d’août suivant, alors que Bruguière passait quelques moments de villégiature sur les bords du Lot, consigne fut donnée d’observer la plus totale discrétion. Plus un mot dans la presse locale sur ses contacts avec les petits notables UMP. Le discours servi par des proches avait même changé du tout au tout : « Aucune décision n’est prise ; il faut attendre. Et puis, il travaille sur de gros dossiers dont il n’est pas sûr d’être sorti, le moment venu ». Le magistrat s’employait lui aussi à déminer le terrain. Un jour d’octobre 2006, il confia à des interlocuteurs invités comme lui à une conférence organisée à Moscou par l’ex-ministre de l’intérieur russe Koulikov, qu’il envisageait, le jour venu, de passer au service d’une grande organisation internationale. Au même moment, Jean François-Poncet confiait pourtant que le “black-out“ serait maintenu jusqu’en mars 2007, mais que la décision était prise… Pour éviter d’affronter, sans pouvoir répliquer, les critiques de la gauche — sur sa « duplicité » — et les interrogations des gens de robes, au Palais de justice de Paris — sur sa « double casquette » de juge et de candidat UMP potentiel —, mieux valait avancer masqué. On esquive ainsi les coups, sans prêter le flanc aux polémiques, en gagnant quelques mois avant d’avoir à s’encombrer l’esprit avec les vicissitudes d’une éventuelle candidature. Si la posture n’a pas été très courageuse, au moins fut-elle se révéler efficace. Averti de ses intentions politiques, un avocat avait déjà eu l’idée de déposer une requête en récusation pour « manque d’impartialité ». Eric Plouvier avait mis en avant l’engagement présumé du juge auprès de l’UMP. Le 5 octobre 2006, le premier président de la cour d’appel de Paris rejeta la demande, estimant qu’aucune pièce produite ne corroborait ces « allégations ». Le dossier est aujourd’hui à l’étude à la Cour européenne des droits de l’Homme.

Un candidat réservé

Ce choix tactique n’a toutefois pas été sans poser quelques problèmes d’organisation. Car il fallait malgré tout rédiger une demande de détachement auprès du ministère de la Justice, puisque le juge Bruguière ne peut prétendre à une retraite pleine qu’en 2010. Par ailleurs, le calendrier interne de l’UMP précisait que ses comités départementaux devaient statuer dès octobre 2006, avant un avis des instances nationales, le mois suivant. Pour régler ces questions subalternes mais néanmoins incontournables, le magistrat s’est également attaché à cultiver ses relations avec deux collaborateurs du ministre-président, hommes-clé de l’appareil du parti : Brice Hortefeux et Alain Marleix. Ce dernier, député du Cantal, était le missi-dominici de Sarkozy en région. Cette subtile planification confirma au moins son évident savoir-faire dans le maniement des individus…

Le risque de voir Bruguière se planter n’est toutefois pas nul, même si l’élection de Nicolas Sarkozy à l’Elysée va jouer en faveur des candidats UMP en juin prochain. Après tout, l’issue d’un scrutin dépend, en dernier ressort, de la capacité du candidat à se glisser dans la peau des concitoyens dont il brigue les suffrages. Jean-Louis Debré, l’un de ses anciens collègues de travail n’a jamais manqué de le lui rappeler. Son autre ex-collègue Alain Marsaud le reconnaît volontiers : « Je passe plus de temps à m’occuper de la filière "miel de pays en Limousin" qu’à gamberger sur des problèmes de géopolitique mondiale ». Dès lors, un doute subsiste. Une fois fois élu, s’il l’emportait, Bruguière pourra-t-il supporter ce retour aux banales réalités « de terrain » qui se déclinent en de multiples dossiers aussi ingrats les uns que les autres ? Comme celui de l’avenir du Centre hospitalier de Villeneuve-sur-Lot. L’affaire, qui n’a toujours pas aboutie, est sensible puisque cette réalisation est annoncée depuis 2005, en remplacement du vieil hôpital public St Cyr… On est là bien loin de la géopolitique, des filières islamistes vers l’Afghanistan et l’Irak, ou du développement de l’irrédentisme Ouighour en Chine dont Bruguière fait son miel depuis si quelque temps. Sauf à penser que Bruguière espère utiliser le prochain scrutin pour briguer un poste de ministériel.


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