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LUTTES / CHRONIQUE DU BLÉDARD

Un candidat nommé Rachid Nekkaz

Chronique du blédard / vendredi 12 mai 2006 par Akram Belkaïd
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Il y a plus de dix ans, j’ai reçu un drôle de coup de fil. A l’autre bout de la ligne, mon interlocuteur m’a tenu le discours suivant : « Bonjour. Je m’appelle Rachid Nekkaz. Voilà, je vous explique. Nous sommes deux jeunes qui vivons en banlieue. Nous venons de terminer nos études supérieures, et plutôt que de quitter le quartier, nous voulons montrer qu’on peut y réaliser des choses positives ». Je me suis senti immédiatement concerné, mais lorsque Rachid m’a expliqué son projet, j’ai d’abord cru à une blague. Vous allez comprendre pourquoi.

Avec son camarade Anthony, d’origine tamoule, Rachid - franco-algérien (ses parents sont originaires de la région de Chlef) et sorbonnard diplômé d’histoire et de philosophie - s’était mis dans la tête de sélectionner une demi-douzaine de jeunes de son quartier pour leur faire réaliser une enquête sur, tenez-vous bien, le scandale Eurotunnel. Les jeunes choisis n’avaient absolument pas le même niveau universitaire ni même scolaire que les deux compères. Certains tenaient les murs depuis longtemps, tandis que d’autres vivotaient entre deux petits métiers. Des « lascars » enquêtant sur les dérives du capitalisme boursier et sur la spoliation des petits actionnaires ! Aussi fou qu’il paraissait, ce projet a abouti. L’enquête a été réalisée et elle a donné lieu à un premier livre [1]. Dans un second livre, Rachid et Anthony ont raconté la manière dont ils ont réalisé cette enquête [2].

A mon avis, c’est l’un des meilleurs livres sur la banlieue. On y trouve même des passages hilarants, comme lorsque les deux amis préparent leurs jeunes enquêteurs à découvrir le monde et les codes d’une autre France, celle des analystes financiers ou des journalistes économiques. Visite des Champs-Elysées, mais côté gauche, en remontant vers l’Arc de Triomphe, c’est-à-dire celui des beaux magasins et du Fouquet’s, par opposition aux fast-foods du trottoir droit.

Jean d’Ormesson, prêcheur de barbus

Arrêt aussi dans un café de Saint-Germain-des-Prés, où Rachid et Anthony ont eu toutes les peines du monde à empêcher leur petite troupe de se sauver sans payer… Par la suite, j’ai souvent croisé le chemin de Rachid. Je me souviens par exemple d’une série de débats qu’il a organisés autour de thèmes tels que l’intégration des jeunes Français de culture musulmane. Ah, Rachid ! Cette soirée à la Maison de la Chimie où je t’ai vu, courtois mais ferme, entraîner vers la tribune un Jean d’Ormesson livide parce que dans la salle il y avait des barbus et des jeunes filles en hidjab ! Un tour de force parmi tant d’autres… Car Rachid Nekkaz, 34 ans aujourd’hui, c’est avant tout du culot et une opiniâtreté qui peuvent à la fois irriter et forcer le respect. Du culot, il lui en a d’ailleurs fallu pour faire publier ses deux premiers livres ou pour interviewer les grands de ce monde, à commencer par Bill Clinton, à propos de l’avenir de la planète [3].

Voilà donc (rapidement) présenté Rachid Nekkaz dont je vous parle cette semaine parce qu’il a tout simplement décidé - encore un autre pari impossible ( !) - de se présenter à l’élection présidentielle française de 2007. Je ne vais pas vous ennuyer avec son programme (disponible sur ekkaz.com), mais juste vous dire qu’il fait partie de ces personnes qui se battent depuis plusieurs années pour que les jeunes des quartiers s’inscrivent sur les listes électorales. Il milite aussi pour une reconnaissance du vote blanc et pour que l’Assemblée nationale adopte un projet de loi pour l’inscription automatique des non-inscrits sur les listes électorales. N’allez pas croire que sa candidature est anecdotique ou qu’elle relève de la simple envie de faire parler de lui. Depuis plusieurs mois, trois jours par semaine, sur ses propres fonds, Rachid est sur les routes de France pour rencontrer des maires.

Le candidat surprise de 2007

De tous les candidats à la présidentielle, il est peut-être celui qui connaît le mieux l’état actuel du pays profond avec ses villages abandonnés par le service public, là où la première poste est à cinquante kilomètres. Dans son périple, Rachid a vu et rencontré des maires au chômage (oui, oui, ça existe), d’autres qui survivent à peine avec les quelques centaines d’euros que leur verse l’Etat et certains qui se disent abandonnés de tous. Il y a aussi ces régions où la droite extrême fait des scores impressionnants. C’est, me raconte-t-il, le cas du Languedoc où des agriculteurs sont persuadés qu’il existe un « complot ourdi » (belle expression bien de chez nous) depuis Paris pour les ruiner et les obliger à vendre leurs terres aux acheteurs anglais ou à des promoteurs touristiques. Rachid m’a parlé aussi de la « désespérance » dans les Ardennes, seule région de France où les prix de l’immobilier n’ont pas augmenté et où le temps semble s’être figé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Quand il leur annonce sa candidature, certains maires lui font répéter ses paroles trois ou quatre fois avant de bien comprendre. « Et vous êtes Français ? », lui demande-t-on souvent. « Vraiment Français ? ». Il ne se démonte pas, ne s’énerve pas et répond par l’affirmative en tendant sa carte d’identité et celle de son épouse étasunienne. Parfois, un maire lui pose la question suivante : « Mais…, est-ce que vous avez la même culture que nous ? ». Là aussi, plutôt que de se sentir insulté, Rachid explique, argumente et, souvent, rassure. Et ça marche puisque plusieurs maires lui ont déjà fait confiance et promis leur signature (il en faut cinq cents pour se présenter à la présidentielle). Et si Rachid Nekkaz était la surprise du scrutin de 2007 ? Il ne faut pas hausser les épaules car, avec lui, je vous l’assure, tout est possible. Alors, en bon blédard opportuniste, je me place. Rachid, je sais que tu détestes les passe-droits mais, si tu es élu, j’espère tout de même que tu penseras aux copains. Pour moi, sans vouloir te commander, ce sera un poste de consul au sud des Territoires du nord-ouest canadien, là-bas en Alberta, au pied des Rocheuses. Est-ce que j’ai fait des études pour ça ? Pas vraiment, mais est-ce que ça compte ? Et puis, franchement, ce n’est guère te demander, non ?

[1] Splendeurs et misères des petits actionnaires, Editions Fixot, 1997

[2] On vous écrit d’à-côté, Editions Fixot,1997

[3] Millénarium, quel avenir pour l’humanité, Editions Robert Laffont, 2000


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