A la Une de Bakchich.info
Bakchich : informations, enquêtes et mauvais esprit
Bakchich : informations, enquêtes et mauvais esprit

The world is crying out loud

Gaza : retour sur une guerre qui ne dit pas son nom

24 janvier à 14h29
Il parle de "miracle" lorsqu’il évoque sa présence en France. Les Israéliens et les Égyptiens ont détruit les tunnels et il n’en reste que 3 sur 2000, cachés. La traversée de ces tunnels, a dit Mohammed, « c’est la mort ». Lui a réussi à passer. Cet étudiant gazoui s’est retrouvé à l’air libre à Rafah, puis en Egypte, avec en main le document du consulat français l’autorisant à venir en France. Là, Mohammed a été placé dans une aire militaire pendant quatre jours sans manger ni pouvoir se laver, puis convoyé en bus militaire à l’aéroport du Caire d’où il a pris l’avion pour la France. Ecrit dans un français parfait, son témoignage revient sur l’opération "Plomb durci" qui s’est déroulée de décembre 2008 à janvier 2009 à Gaza.

En fait, je ne sais pas par où commencer. La souffrance est un mot qui ne décrit pas ce qu’a subi le peuple palestinien durant la guerre. Mais je vais raconter l’histoire de l’offensive barbare israélienne contre un peuple isolé.

Cette fois, la situation était bien pire qu’auparavant, puisque les dirigeants de l’armée israélienne ont déployé un arsenal militaire sans précédent contre un population qui ne possédait que quelques fusils, des pierres, mais aussi une forte volonté qu’aucune armée au monde ne peut soumettre.

SAMEDI NOIR

L’histoire a commencé un samedi matin, noir malgré le bleu du ciel. Nous étions comme à notre habitude à l’université Al Aqsa en train d’étudier Molière en cours de Français. Je m’en souviens très bien, nous étions en cours de littérature française et le professeur nous racontait que Molière était un auteur français célèbre et qu’il était considéré comme le père de la Comédie Française. Voilà un cours que je n’ai pas oublié à ce jour et que je ne risque pas d’oublier à l’avenir.

Quelques instants plus tard, la comédie a tourné au tragique, il a commencé à faire sombre et à pleuvoir, à pleuvoir des missiles et des bombes largués par des avions de guerre israéliens qui ressemblaient à des nuages tant ils étaient nombreux.

Chacun d’entre nous a tenté de fuir à la recherche de sa famille. Je me souviens que ma mère m’attendait sur la route pour s’assurer que j’étais en vie et lorsqu’elle me vit, elle me prit dans ses bras, haletante, comme si elle ne m’avait pas vu depuis des années. J’ai su ensuite qu’elle était partie ensuite à l’école rechercher mes petits frères et sœurs.

Plus de 1 500 personnes ont été tuées, la plupart des enfants et des femmes dont les corps ont été brûlés par la plus dangereuse des armes, le phosphore, dont l’utilisation est interdite par la loi internationale et qui a provoqué des nombreux handicaps.

Plus de 5 000 personnes ont été déplacées de leurs habitations qui ont été détruites.

Avec la poursuite du blocus, Gaza étant une prison à ciel ouvert, les choses n’ont fait que s’empirer. Les blessés mouraient en raison de l’absence de traitement approprié et l’interdiction faite par l’occupant de voyage à l’étranger pour se soigner.

ECOLES PRISES POUR CIBLE

Gaza a beaucoup crié mais personne n’a répondu à ses cris. Nous n’avions que Dieu et la côte pour fuir les bombes au phosphore et même les écoles de l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, NDLB) n’étaient plus un abri après que l’armée israélienne les a prisES pour cible de ses bombardements meurtriers.

La guerre a duré environ un mois, et nous étions sans électricité, sans eau, ni gaz, ni carburant pour les voitures. Ce sont les bougies qui éclairaient nos maisons, nous allions chercher l’eau du puits, utilisions l’huile de cuisine pour faire fonctionner nos voitures et nous déplacer (malgré ses inconvénients et la pollution qui s’ensuit). Nous n’avions pas le choix, il fallait surmonter cette épreuve et s’en sortir. De plus, nos mères allaient ramasser des branches de bois pour préparer le repas. La femme palestinienne a joué un rôle fondamental dans ces moments critiques.

L’occupant n’a épargné ni les sièges de sécurité du gouvernement, ni les rues, les écoles, les universités, ni même les hôpitaux. Aucun de ces lieux n’a échappé aux bombardements barbares israéliens. Le blocus était toujours en vigueur alors et il n’y avait plus de médicaments pour traiter les malades : beaucoup sont morts, entourés des leurs, faute de traitement.

L’occupant a cru qu’ainsi il aurait raison du peuple palestinien, qu’il le paralyserait, en réalité il n’a fait que renforcer sa volonté et sa détermination dans sa lutte, sa résistance et son attachement à sa terre. Ceux dont les maisons ont été épargnées ont accueilli leurs frères et sœurs réfugiés, les gens ont donné leur sang pour venir en aide aux blessés : les gens se sont entraidés pour faire face à l’une des armées les plus puissantes du monde.

SOUFFRANCE

J’ai vécu les plus durs moments de ma vie qui ne sortiront jamais de ma mémoire, lorsque je suis allé avec mes amis à l’hôpital pour aider les gens et donner notre sang. Je suis resté muet devant le spectacle des martyrs et des cadavres brûlés empilés les uns sur les autres en raison du manque de place dans les frigos de l’hôpital qui étaient pleins de ces cadavres. Cette scène était juste insoutenable, il n’y a pas de mots pour le dire.

Les caméras des médias n’ont pas capté les scènes de souffrance qu’a vécue le peuple palestinien : les mères disant adieu à leurs fils avant qu’ils ne sortent de la maison, parce qu’elles avaient le pressentiment qu’ils ne reviendraient plus, ces mères s’exclamant qu’il n’y a pas de plus belle mort que celle pour toi Palestine.

A la fin de cette guerre, nous avons aussitôt repris les cours mais cette fois-ci, dans des tentes et petit à petit, la vie a repris son cours à Gaza. Nous avons mis de côté la tristesse parce que nous savons que notre foi et notre volonté sont la seule voie pour la réalisation de notre grand rêve d’émancipation et de liberté.

Et je peux vous assurer -et ce n’est pas parce que je suis palestinien mais parce que j’ai vécu cette guerre- qu’un peuple qui a la détermination du peuple palestinien ne sera jamais défait.

P.-S.

Au printemps prochain, une nouvelle flottille tentera de briser le blocus de Gaza. Le Collectif National pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens et la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine ont décidé d’y prendre part en lançant l’opération un bateau français pour Gaza. (www.unbateaupourgaza.fr)
Désinformation par omission