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Rama ! La Birmanie, c’est pas la Libye

Sourire / mercredi 1er août 2007 par Anthony Lesme
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Après les otages bulgares en Libye, la diplomatie française a trouvé sa nouvelle mission : libérer Aung San Suu Kyi des geôles du Myanmar. Une entreprise une nouvelle fois conduite sans arrière pensée.

L’image de la réussite balaie tout et le reste. D’ailleurs, Super Sarko le dit lui-même, le 24 juillet, au matin de la libération des infirmières, « Il y avait un problème à résoudre, on l’a résolu, point. On ne l’a pas résolu seul, mais on l’a résolu et c’est la seule chose qui compte. » Ne fouillez pas, ne regardez pas ! Qu’importe si les Allemands et l’UE, si près d’un accord avec la Libye (cf. Les infimières bulgares vont revoir Sofia in Bakchich # 40), ont été snobés. Qu’importe si le nucléaire était en jeu. Qu’importe si des avions Rafales feraient partis du deal.

Qu’importe les déclarations inverses des Libyens ! Qu’importe ! Qu’importe ! L’essentiel, c’est l’image. L’image. Notre bonne vieille nation au secours des injustices. Nos bons vieux droits de l’Homme qui donnent le modèle à tout le monde. Le sourire libérateur, l’émotion est trop belle. La Realpolitik efface de nos jours ses sombres calculs au délice des caméras. Des sourires, on en veut, on en bouffe et on veut admirer le génie, le libérateur.

Drague birmane

« Au plan international, la Birmanie reste isolée, mais l’embargo qui lui est imposé par les États-Unis [1] et l’Union Européenne consolide paradoxalement le régime en place qui arrive (plus ou moins) à faire jouer un réflexe d’union nationale contre les Occidentaux qui veulent imposer leurs agendas à la Birmanie.

Le régime échappe aux conséquences de l’embargo occidental grâce à la Chine qui apporte une aide considérable au pays sur le plan militaire et économique. Pour ne pas devenir une simple colonie chinoise, la Birmanie des généraux peut compter sur la rivalité entre la Chine et l’Inde. En effet, ces deux grands pays émergents se disputent la clientèle birmane pour bénéficier de sa position stratégique et de ses ressources naturelles. La Birmanie peut également tabler sur la coopération avec la Russie qui vend des armes dans la région. La possibilité de centrale nucléaire a été évoquée, mais les informations sont rares sur ce sujet qui pour l’instant paraît n’être qu’un projet hypothétique. Dans ces conditions, l’embargo occidental est peu efficace, puisque la Birmanie peut le contourner par la Chine et l’Inde [2], tandis que les pays de l’ASEAN (association des nations d’Asie du sud-est) adoptent une position intermédiaire et modérée qui relativise l’isolement birman. Les campagnes internationales menées en faveur de Aung San Suu Kyi rencontrent peu d’écho à Rangoun. Et l’on voit mal comment la France, puissance sans influence dans la région, pourrait négocier quoi que ce soit avec le régime militaire. Les perspectives d’évolution semblent se situer à l’intérieur du régime militaire birman. Le numéro un du régime, Tan Shwe, est âgé (75 ans) et malade, et seul un successeur plus « ouvert » pourrait offrir la possibilité d’un relachement de la pression et d’un éventuel dégel politique. » François Raillon, directeur de recherche au CNRS, directeur du Centre Asie du Sud-est (EHESS)

Dans la foulée, le tarmac de l’aéroport de Tripoli à peine refroidi, les infirmières à peine revenues au pays des yaourts, Ramatoulaye Yade déclare, ce 24 juillet, qu’Aung San Suu Kyi « mériterait que la France se penche sur son sort ». Emportée par la fièvre irrésistible du « droit de l’hommisme », la jeune déesse de la diplomatie française ajoute avec détermination : « Ce que je compte bien faire ». Sauf que la Birmanie, c’est pas la Libye. La France y fait figure de nain politique à côté des Chinois, des Indiens et des Russes. Selon François Raillon, chercheur au CNRS revenu depuis peu de Birmanie, « si des tentatives sont effectuées par la France, elles semblent relever davantage de coups médiatiques hexagonaux que d’essais sérieux de dénouer la situation birmane sur laquelle elle n’a guère de prise. » Libérer « la Dame » comme on l’appelle dans le pays revient à libérer son peuple. Mme Suu Kyi a refusé l’exil, elle a refusé d’être la seule à être libérée si 1800 de ses compagnons démocrates ne l’étaient pas non plus. Difficile…Difficile de changer la loi de la junte. Même les Américains se cassent les dents. Promouvant une résolution à l’ONU condamnant les Birmans pour leurs atteintes aux droits de l’Homme, ils ont essuyé un double véto russo-chinois le 12 janvier dernier.

Et pourquoi ce serait à Ramatoulaye de s’immiscer dans ce bourbier dictatorial ? Bernard Kouchner connaît bien mieux la Birmanie, il la connaît même très bien grâce à Total, avec qui il entretient de très bon rapports. Peut-être d’ailleurs qu’il s’y connaît trop et qu’on préfère une image plus jeune, plus vierge en quelque sorte. Alors on envoie la secrétaire d’Etat à Genève discuter avec les représentants spéciaux des Nations-Unies. À l’ambassade française en Birmanie, on s’active, on reçoit les opposants. Que se passe-t-il ? Selon une source proche du Quai d’Orsay, l’ambiance est à la reconquête. Pas tant pour libérer le prix Nobel de la paix 1991 - « changer le régime, on n’y croit plus , confie une des petites mains du Quai, les opposants sont en exil depuis trop longtemps et les opposants emprisonnés dans le pays sont trop vieux »- que pour réintroduire la France et son industrie dans la course au butin birman (gaz, pétrole).

De là à faire de la libération de la dame un simple prétexte à de bonne affaires, il y a un pas que Bakchich refuse fort diplomatiquement de franchir. Disons que ce serait la cerise sur le jasmin.

Quelle belle image en perspective… Le sourire libérateur et les poches pleines, la diplomatie façon Sarkozy. Sauf que là, la France joue en terrain archi miné.

[1] Les USA sont les seuls à pouvoir faire peur aux Birmans. Désirant faire passer une résolution à l’ONU condamnant la Birmanie de violation des Droits de l’homme, celle-ci s’est heurtée au double-véto russo-chinois le 12 janvier 2007. Le 18 juillet, pour faire plaisir… la junte birmane a organisé après 17 ans de promesses la première des sept rencontres menant à la démocratie, une farce en grandes pompes

[2] Une récente polémique a été déclenchée par Amnesty International suite à la promesse de vente indienne d’hélicoptères de fabrication européenne (la France fournit les canons) et qui briserait ainsi, de manière détournée, l’embargo sur les armes)


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1 MESSAGES

Forum

  • Rama ! La Birmanie, c’est pas la Libye
    le samedi 4 août 2007 à 14:11, gab a dit :

    bravo pour votre article !

    La déclaration de Rama Yade pourrait être aussi interprétée comme condescendante, voire arrogante (la France est souvent perçue comme arrogante par les étrangers) de la France Si une infirmière mérite d’être libérée, alors pourquoi pas Daw Aung San Suu Kyi.

    Effectivement, ça n’a rien à voir du tout du tout. Suu Kyi ne rentrera pas toute penaude en Angleterre jurant qu’on ne l’y reprendrait plus. Elle aurait pu le faire maintes fois depuis fort longtemps. Elle est de fait une "prisonnière volontaire", ainsi que les leaders de la NLD. Comme on sait, elle a sacrifié sa présence aux cotés de son son mari mourant, de ses enfants depuis 20 ans à la cause de la démocratie, la junte ne lui accordant pas de visa de retour si elle quittait le pays. Quand on l’intérroge sur tant de souffrances consenties, elle se contente de répondre qu’elle est la mieux lotie des leaders de son parti.

    Elle est la seule prix nobel de la paix emprisonnée dans le monde pour ses convictions.

    Ce serait plutôt elle qui devrait décerner les "mérites" question attachement à la démocratie, aux droits de l’homme et nous d’être honorés de les recevoir. On peut être agacé de cette position de "rentier de la révolution de 89" qu’à souvent la France, "la liberté éclairant le monde", etc. En Birmanie, l’"éclairage de la France" est bien terne comparé à celui de daw Suu et de la Lnd, qui tutoie l’héroisme. Dans "In the quiet land", texte de Daw Suu : … The Chinese want a road, the French want the oil, The Thais take the timber ; and Slorc takes the spoils … (ça "fout la honte", non ???)

    Ceci dit, l’enthousiasme de Rama est quand même une excellente chose, et tranche avec 20 années de "chape de plomb" des gouvernements successifs sur la question birmane (qui a commencé à se lever timidement depuis Douste Blazy).

    Il faut dire aussi que Kouchner ministre des affaires étrangères s’est déclaré "choqué" par son homologue birman qui affirmait qu’Aung San Suu Kyi représentait une menace pour le Myanmar, et lui a répondu que pour lui au contraire elle représentait une chance pour le pays. Kouchner a donc apparemment évolué depuis le rapport Total.

    En comparaison, je me souviens d’avoir entendu Lionel Jospin interviewé vers 2001, alors qu’il était premier ministre et prétendait à la présidence, répondre au sujet de la Birmanie (Total/droits de l’homme) "je ne connais pas le dossier". à droite ça aurait été la même chose à l’époque.

    Alors souhaitons bonne réussite et beaucoup de travail à Rama Yade.

    Quant à Kouchner, peut-être ne faut-il pas trop le mettre systématiquement face à son rapport total, même si une "mise au point" (teintée d’excuses) ferait bien plaisir. Le danger serait que la chape de plomb continue (qu’il ne parle pas de Birmanie pour éviter qu’on lui ressorte ce qui fait mal). Il faut savoir pardonner pour aller de l’avant (mais le pardon ne peut s’accorder qu’à ceux qui le demandent).

    A noter que Total en Birmanie n’est pas seulement une honte à l’éthique hexagonale et un provider de dollars pour thamadaw (l’armée birmane). "le régime militaire en tire profit pour déclarer que Total le soutient. Chaque fois qu’une multinationale est présente en Birmanie, le régime le rend public et il y a toute une couverture médiatique, que ce soit dans la presse ou la télévision, pour dire que ces multinationales le soutiennent" (Dr Tint Swe, membre de la LND en exil).

    bien amicalement

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