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Quand les hommes de Berlusconi pactisaient avec la mafia

Cosa loro / jeudi 30 juillet 2009 par Enrico Porsia (amnistia.net)
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Italie, 1992-94 : opération « Mains propres », assassinat des juges Falcone et Borsellino, arrestation de Toto Riina. Puis Berlusconi arrive au pouvoir et cette saison de violence s’achève. Simple coïncidence ?

Dix-sept ans après les assassinats des juges antimafia Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, des nouveaux témoignages ont convaincu le parquet de Caltanissetta à rouvrir l’enquête. Les magistrats siciliens, dirigés par le procureur Sergio Lari, sont convaincus qu’une véritable « stratégie de la tension » a été mise en œuvre pour déstabiliser le pays et que ce plan n’était pas uniquement l’œuvre de la Mafia, qui à l’époque était dirigée par « le capo dei capi » Totò Riina.

À partir de 1992, la Mafia a commencé à proposer, via des honorables émissaires, un pacte à l’État : l’arrêt des attentats en échange de l’indulgence. Cette tractation a emprunté des canaux obscurs, où l’on retrouve des hommes politiques et des membres des services secrets italiens. Et, vraisemblablement, une forme d’accord a pu être trouvée en 1994, après l’arrestation de Totò Riina. Bernardo Provenzano était alors devenu le nouveau boss de Cosa Nostra et une nouvelle force politique voyait le jour sous les décombres de la première République italienne. Cette nouvelle force politique s’appelait Forza Italia et avait à sa tête un homme d’affaires, un homme d’affaires qui avait déplacé ses intérêts de l’immobilier aux médias. Il s’agissait d’un certain Silvio Berlusconi.

Maxi-procès et maxi assassinats

Essayons d’y regarder de plus près. Les juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino avaient « osé » instruire le « maxi-procès », le plus spectaculaire procès intenté contre la mafia, 475 prévenus, qui se conclut définitivement le 30 janvier 1992 avec 19 condamnations à perpétuité et quelque 2 665 ans de prison distribués aux différents chefs mafieux. Un mois et douze jours plus tard, le 12 mars 1992, Salvo Lima, député européen de la Démocratie chrétienne (DC), ex-maire de Palerme et homme lige de Giulio Andreotti, l’inoxydable homme fort de la DC, est abattu à Palerme.

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Berlusconi doit-il son élection à la mafia ?
© PieR

Tous les yeux se tournent vers le vrai pouvoir qui gouverne la Sicile. La mafia a frappé un de ses principaux référents politiques. C’est la réponse à la sentence contre les chefs mafieux. Le message adressé à la DC de Giulio Andreotti était clair : « Si vous n’êtes plus capables de nous garantir, alors c’est la guerre ». Deux mois plus tard, le 23 mai, Giovanni Falcone, le juge qui avait défié la mafia, fut assassiné avec sa femme et les trois hommes de son escorte. Deux mois après, le 19 juillet, c’est le juge Paolo Borsellino qui est éliminé à son tour.

Le 15 janvier 1993, Totò Riina, le chef de Cosa Nostra, est arrêté à Palerme. « Probablement, l’homme le plus féroce du clan de Corleone a été vendu par quelqu’un, en échange d’une nouvelle ‘politique’ de Cosa Nostra. En échange d’une paix avec l’État », explique notre confrère Attilio Bolzoni, spécialiste des enquêtes sur la mafia pour le quotidien italien La Repubblica.

Le capo Provenzano a-t-il balancé le capo Riina ?

Le mafieux repenti Giovanni Brusca [1] raconte que le général des carabiniers Mario Mori, celui même qui avait arrêté Toto Riina (vraisemblablement vendu par quelqu’un), et qui fut nommé ensuite chef du SISDE (les services secrets civils) par Berlusconi en 2001, avait traité avec la mafia. Face à ces accusations, le général Mori se limita à expliquer qu’il avait « simplement » rencontré pendant l’année 1992 l’ex-maire mafieux de Palerme Vito Ciancimino. Pour quelles raisons ? Pour négocier… Quoi ? Avec qui ?

Selon le colonel des carabiniers Mario Riccio, la raison de la longue cavale du successeur de Toto Riina, Bernardo Provenzano, était due à la couverture que lui fournissait justement son collègue, le général Mario Mori…. Échange de bons procédés, après que Provenzano ait balancé Toto Riina ?

Mario Riccio disposait d’un informateur à l’intérieur de Cosa Nostra. Il s’agissait de Luigi Ilardo, « homme d’honneur » de la mafia à Catane. En février 1994, l’informateur rencontra le colonel Riccio à Messina. « Il y a un mois, les familles siciliennes se sont réunies », balança Ilardo. « Il a été décidé que tous les représentants des différentes organisations présentes sur le territoire national doivent voter Forza Italia. Les chefs de Palerme ont établi un contact avec un membre important de l’entourage de Berlusconi qui a promis que, en échange de l’appui électoral, il garantira des nouvelles lois en faveur des accusés et même des couvertures pour le développement de nos intérêts économiques ». Luigi Ilardo fut abattu à Catane le 10 mai 1996.

En ce mois de juillet 2009, les juges de Palerme Nino Di Matteo et Antonio Ingroia viennent d’ouvrir une nouvelle procédure sur la tractation entre Cosa Nostra et des « hommes des institutions ». Le nom du sénateur Marcello Dell’Utri, bras droit de Berlusconi, déjà condamné à neuf ans de prison pour complicité d’association mafieuse, apparaît officiellement dans l’enquête.

Le Pacte en question

Le procès en appel du sénateur Dell’Utri [2] est actuellement en cours, et voilà que le 10 juillet dernier, le fils de l’ex-maire mafieux de Palerme Vito Ciancimino s’invite aux débats.

Massimo Ciancimino, déjà condamné à 5 ans et 8 mois pour avoir blanchi le « trésor » de son père, a déclaré aux juges que Marcello Dell’Utri et son père, Vito Ciancimino, étaient les grands médiateurs de la tractation avec la Mafia.

Tout d’abord avec le boss Totò Riina et ensuite avec Bernardo Provenzano, qui se faisait appeler par son père « l’ingénieur Lo Verde ». Massimo Ciancimino a promis aux juges de leur remettre un document, écrit et signé par Riina en personne, dans lequel le chef de Cosa Nostra aurait mis noir sur blanc la proposition de la mafia : révision des tous les grands procès antimafia, abolition de la loi portant sur la saisie des biens des mafieux, assouplissement considérable du régime pénitentiaire des capi déjà sous les verrous. Cette proposition daterait de 1992. Ensuite, après l’arrestation de Riina, Provenzano prit la relève et adressa, selon Ciancimino junior, au moins trois requêtes écrites destinées à Silvio Berlusconi. Son père Vito était en contact avec un certain « Franco », vraisemblablement un homme du SISDE, les services de renseignement italiens. Selon Ciancimino junior, ce mystérieux « Franco » était chargé d’apporter au sénateur Dell’Utri les requêtes que les chefs de Cosa Nostra faisaient parvenir à son père.

Les services de sécurité italiens un peu trop impliqués

Il faut bien admettre que les hommes du SISDE semblent omniprésents dans les méandres obscurs qui relient la Sicile au continent. Et ceci déjà avant la saison des attentats mafieux de 1992-1993.

Les enquêteurs disposent en effet du témoignage d’un collaborateur de justice, Angelo Fontana, un mafieux de la « famille » dell’Acquasanta, qui affirme que le 21 juin 1989, alors qu’une première tentative d’assassinat contre le juge Falcone avait été mise à point, les « hommes d’honneurs » se seraient contentés de surveiller la zone aux alentours de la villa du juge. Fontana raconte que l’explosif, destiné à tuer le juge, avait été transporté sur les lieux par d’autres personnes, des personnes qui n’étaient pas des hommes de Cosa Nostra.

Les enquêteurs disposent aussi du témoignage d’une femme qui affirme avoir vu « un homme avec un visage très laid » dans les parages de la villa du juge Falcone, ce fameux 21 juin 1989. Qui est-il  ? « Personne ne connaît son nom. Tout le monde dit qu’il a un visage monstrueux. C’est un agent des services de sécurité de l’État italien », affirme notre confrère Attilio Bolzoni. Luigi Ilardo, l’informateur de Cosa Nostra du colonel des carabiniers Mario Riccio, en avait parlé aussi. Ilardo disait qu’il y avait justement « un agent des services secrets italiens, qui faisait des choses étranges. Il avait un visage monstrueux. Nous avons su que cet agent se trouvait aussi dans les parages de Villagrazia quand l’officier de police Nino Agostino a été tué », a balancé l’informateur des carabiniers.

L’homme « au visage monstrueux », l’inconnu mystère au centre du Pacte

Nino Agostino travaillait pour localiser les chefs mafieux en cavale et fut assassiné avec sa femme le 5 août 1989. Emanuele Piazza, un ami de Agostino, ou plus précisément une de ses sources, a lui aussi été éliminé. « Je ne sais pas pour quelles raisons les services secrets ont participé à ces actions… peut-être pour couvrir certains hommes politiques… », avait précisé le mafieux Luigi Ilardo avant d’être abattu. Le père de Nino Agostino a des souvenirs très précis : « Peu avant l’assassinat de mon fils, deux hommes sont venus chez moi. Ils se sont présentés comme des policiers qui travaillaient avec mon fils. L’un d’eux avait un visage horrible ».

Encore un autre témoin a parlé de cet agent des services secrets italiens au visage « monstrueux ». Il s’agit du fils de l’ancien maire mafieux de Palerme Vito Ciancimino. Massimo Ciancimino a expliqué qu’un homme des services secrets « avec un visage défiguré » était en contact avec son père depuis plusieurs années. La raison du contact ? Toujours la même, la recherche d’une médiation, un pacte entre la mafia et les représentants de l’État.

Une chose est sûre. En 1994, quand pour la première fois Silvio Berlusconi accéda au pouvoir, les attentats cessèrent. Il faut bien admettre que sans la manne électorale sicilienne, jamais le Cavaliere n’aurait siégé sur le fauteuil du président du Conseil italien. Une simple coïncidence, sans doute…

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[1] GIOVANNI BRUSCA est le mafieux qui actionna la bombe qui a tué le juge Falcone,sa femme et son escorte.

[2] Le sénateur Marcello Dell’Utri, actuellement en procès à Palerme pour « concours en association mafieuse » a été condamné en première instance à neuf ans de prison. Fidèle parmi les fidèles de Silvio Berlusconi, Dell’Utri a commencé à travailler avec le « Cavaliere » en qualité de « secrétaire personnel » dans les années 1964-1965. En 1974, Dell’Utri s’installa quelque temps dans la magnifique propriété de son ami Berlusconi, à Arcore, en Lombardie. C’est lui qui introduira une de ses connaissances, le boss mafieux Vittorio Mangano, auprès de Silvio Berlusconi qui cherchait alors quelqu’un pour s’occuper… de son élevage de chevaux ! Dell’Utri a été aussi administrateur unique de deux sociétés immobilières berlusconiennes, avant de devenir le responsable de Publitalia 80, société qui s’occupe de gérer la publicité des chaînes TV de Berlusconi et véritable poumon financier de son empire Fininvest.


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17 MESSAGES
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Forum

  • Quand les hommes de Berlusconi pactisaient avec la mafia
    le samedi 8 août 2009 à 16:33, gegeplus a dit :
    Souvenons nous des milliers de tonnes d’immondices dans les rues de Naples avant les elections, voirie napolitaines gérée par la mafia. Probléme insoluble avant les elections, miraculeusement résolu au lendemain de l’élection de Berlusconi. Si ce n’est pas de la collusion et du renvoi d’ascenseur…….
  • Quand les hommes de Berlusconi pactisaient avec la mafia
    le mercredi 5 août 2009 à 07:24
    putain mais réparez ce bug sur les commentaires signalé depuis des mois !
  • Quand les hommes de Berlusconi pactisaient avec la mafia
    le vendredi 31 juillet 2009 à 01:22, Moi Je a dit :

    J’adore le titre de ce papier avec le verbe à l’imparfait.

    Merci, vous m’avez beaucoup fait rire :-)

  • Quand les hommes de Berlusconi pactisaient avec la mafia
    le jeudi 30 juillet 2009 à 22:57, Jean-Marie Le Ray a dit :

    C’est le passé, le présent et le futur qu’il faut employer. Ce qu’ils faisaient hier, ils le font aujourd’hui, et ils le feront demain si personne ne les arrête…

    JML

  • Berlusconi + Mafia @ Loge P2
    le jeudi 30 juillet 2009 à 21:17
    Une fois de plus, Backchich parvient à nous livrer un article sur les relations mafieuses de Berlusconi sans évoquer une seule fois la loge P2. Chapeau, il faut le faire !
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