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Quand Rousselet téléphonait à Jean-Édern Hallier

lundi 12 février 2007 par Michel Ousseuga
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En février 1996, un mois après le décès de François Mitterrand , -et quelques jours après la publication de son brûlot L’honneur perdu de François Mitterrand, Jean-Édern Hallier reçoit un coup de fil de son « ami » André Rousselet

PDG d’Havas, patron de Canal Plus, Rousselet fut l’un des plus proches collaborateurs de Mitterrand. Ceci depuis les années 50. En mail 1981, Rousselet devient ainsi le directeur de cabinet du Président socialiste. Jean- Edern et Rousselet se connaissent bien, le dir-cab ayant souvent servi d’intermédiaire de l’ombre dans les relations orageuses entre le chef de l’État et « le plus grand écrivain de sa génération ».

D’ou le ton « familier » de cet entretien téléphonique. L’intérêt de cette conversation téléphonique est de mettre en évidence à quel point, même après la mort de Mitterrand, les passions restent vives autour du cas Hallier. Sauf à considérer que Rousselet est un total jean-foutre qui ne sait pas quoi faire pour s’occuper…

Au terme de 15 ans d’exil intérieur, Jean-Édern reprend du poil du bête. Il retrouve une émission de télévision, le « Jean Edern Club » Un regain de notoriété, presque de « notabilité » qu’il compte bien mettre à profit. L’occasion aussi de régler quelques comptes avec ces « puissances du mal », titre de son prochain livre et dans lequel il prend pour cible quelques très hauts barons de la mitterrandie ( Roland Dumas , Jean-Pierre François, etc ). Dans le sillage, la fameuse Francisque ou le cas Bousquet. Hallier a entrepris de revisiter le passé. Or c’est là zone interdite.

Cette conversation téléphonique aurait pu ne pas laisser de trace. Il se trouve que Jean–Édern qui peut se targuer d’avoir effectivement été l’homme le plus écouté du pays, recoit ce jour là Dominique Lacour pour un projet de livre. Lacour est venu avec son magnétophone. Saisi d’une intuition, Hallier d’un signe lui demande d’enregistrer la conversation.

Retranscription :

Rousselet (indigné) : Vous n’avez pas honte d’avoir publié ce livre !?

Hallier : Pourquoi aurais-je honte ?

R. : Vous le sortez maintenant que le Président est parti.

H. : Et il m’a empêché de le publier pendant treize ans !

R. : Quand même ce n’est pas correct !

H. : Ecoutez André, vous connaissez les détails de toute cette affaire !

R. : Quoi ?

H. : Vous êtes un des seuls à savoir la clé de toute cette histoire. Tout s’arrangeait lorsque vous m’avez proposé cette émission de télévision. C’est à ce moment là que j’ai fait ma conférence de presse et que la situation est devenue irréversible.

R. : Vous le saviez ça ! Pourquoi culpabiliser les autres ?

H. : Les sous-ordres ! Les sous-ordres font capoter les choses.

R. : Pourquoi avoir fait ça ? Honnêtement ! Je n’ai pas que de l’antipathie pour vous !

H. : Mais vous, vous étiez mon ami ! Mais pour Attali et Lang, il fallait que Mitterrand me fasse la peau !

R. : Mitterrand ne vous a jamais fait la peau, il n’en a d’ailleurs jamais eu envie. Mais méfiez-vous…

H. : De quoi ? De qui ?

R. : Ne faites pas l’innocent. Vous savez bien que la publication de ce livre…

H. : … Rendue nécessaire…

R. : … Peut vous attirer de gros ennuis.

H. : Je suis insubmersible !

R. : De très gros ennuis, j’insiste…

H. : Je ne crains plus rien !

R. : Vous avez tort de fanfaronner. Comme à votre habitude…

H. : …Je ne crains plus rien !

R. : Une fois de plus, vous vous trompez. Méfiez-vous ! N’allez pas trop loin, vous énervez trop de gens. Il pourrait vous en cuire !

H. : Ça fait longtemps que j’énerve beaucoup de monde parce que j’ai une parole de vérité !

R. : Il faut savoir jusqu’où ne pas aller trop loin. Certains pensent que vous avez franchi la ligne jaune…

H. : Oui… Oui… Je vois de qui vous voulez parler !

R. : Alors vous savez bien que ces gens-là ne plaisantent pas. [silence de part et d’autre].

R. : Je vous le redis : je n’ai pas que de l’antipathie pour vous, je voulais vous avertir.

H. : Mais vous étiez mon ami et je pense que vous l’êtes toujours.

R. : Non, non ! Ne vous méprenez pas, je ne le suis plus ! Vous avez gâché trop de choses. Vous êtes trop « humble » ! Vous faites votre vaniteux surtout quand on vous reproche votre vanité.

H. : Je fais semblant de faire le vaniteux mais en fait ce n’est pas vrai.

R. : Allons… [il rit].

H. : La vanité c’est la couche d’ozone qui permet de ne pas être brûlé par le soleil de la vérité.

R. : Vous, vous avez une couche d’ozone qui ne risque rien. On peut utiliser…

H. : …Appelons ça tout simplement la méthode Coué. Je suis un peu un légataire de Mitterrand. Donc vous êtes mon exécuteur testamentaire !

R. : Je suis le légataire, en effet, mais c’est vous qui êtes l’exécuteur !

H. : Non ! Je suis le légataire, parce que avec la vente de mon livre, je me rembourse.

R. : À combien de ventes êtes-vous ?

H. : 250 000 !

R. : Quoi ?!

H. : 250 000 réels en neuf jours. C’est hallucinant !

R. : (Long silence) : Je connais votre fond…

H. : Il est bon mon fond…

R. : Vous devez en avoir un peu honte quand même ! De vous à moi, confidentiellement, je sais que vous avez honte d’avoir publié ce livre…

[Rousselet s’interrompt, la seconde ligne de téléphone chez Jean-Édern sonne.]

R. : Quoi ? Qu’est-ce qui se passe ?

H. : Non, c’est un autre téléphone, on va y répondre.

[Le secrétaire de Jean-Édern décroche sur l’autre ligne].

R. : Bon. Comme vous n’êtes pas totalement mauvais quelque part…

H. : Si vous voulez que je vous livre ma honte, déjeunons. Vous fixez un jour de déjeuner où je me rendrai quand vous voulez. Quand est-ce qu’on peut déjeuner ?

R. : Attendons un peu des délais de [mot inaudible], voulez-vous.

H. : Oh ben c’est idiot !

R. : Attendons un peu ! Attendons un peu !

H. : Mais on n’a pas besoin de déjeuner chez Lipp ! On peut déjeuner chez vous ou chez un ami, discrètement. Moi ça me fait plaisir de vous voir.

R. : Attendons deux mois. Là… Là… Là les plaies saignent encore.

H. : Oh ça je reconnais qu’on en est plein… En tout cas, vraiment…

R. : Je trouve que vous méritez mieux que la réputation que vous avez. Mais vous vous êtes gâché vous-même.

H. : Je fais ce que je peux. J’ai connu la même situation que Victor Hugo.

R. : C’est Napoléon III qui a vécu sous le règne de Victor Hugo ?

H. : C’est ça ! Mitterrand ayant eu Mazarine, il avait besoin d’une mazarinade. De toute façon, il se considérait comme un Napoléon et il avait besoin d’un Chateaubriand comme spectacle de son destin ! Non ?

R. : Vous, vous êtes un garçon tout simple, hein ?

H. : En tout cas, je me suis bien battu. Mais ça a été dur quand même.

R. : Vous avez choisi un mauvais combat. Parce que franchement, il y a des hommes politique qui sont quand même beaucoup plus…

H. : Médiocres ?…

R. : Ignobles…

H. : Oui mais comment… Le jour où… Le jour où… Imaginez mon émission de télévision. Il fallait les pousser à la roue et j’aurais fait une très bonne émission de télévision. Comme je la fais maintenant…

R. : Ce qui est drôle c’est que vous l’aviez obtenue cette émission de télévision !

H. : Mais vous, vous le savez !

R. : Bien sûr que je le sais ! Mais en même temps vous remarquerez que je n’en fais pas état ! J’ai une grande noblesse quant à vos mobiles…

H. : Oui mais vous vous souvenez que j’avais quand même deux positions – la Pologne et au moment des grévistes de la faim irlandais –, j’étais le seul intellectuel à protester… Tous les autres se sont ralliés : Lévy, tout ça, alors qu’ils m’avaient suivi au début. Et comme j’avais attendu six ou sept mois et que la seule chose qui finalement m’intéressait c’était cette émission de télévision que vous m’aviez proposée et donnée et qu’on me retardait mon émission zéro sans cesse, il y a un moment où le chien, quand on lui propose un os, on le retire, on lui redonne, on le retire, etc., il mord ! Et c’est ça qui est arrivé. J’ai mordu de manière irréversible environ à une heure près. Vous m’auriez appelé à 11 heures et demie au lieu de m’appeler à midi et quart en pleine conférence de presse… Il était trop tard, j’avais déjà fait les photocopies de votre lettre. Vous voyez. Ça c’est joué à trois quarts d’heure. Et je me souviens toujours de ça comme d’une fatalité absurde. Mais que voulez-vous ? C’est notre misérable petit tas de secrets.

R. : C’est très humain finalement de constater que vous êtes récompensé par le tort que vous avez fait…

H. : Ça a duré plus de sept mois ces discussions de marchands de tapis ! Trois jours après je reçois mes impôts ! J’ai envoyé ma lettre de mercenaire idéologique où je parlais de Mazarine et tout ça.

R. : La pauvre Mazarine…

H. : En tout cas elle est intelligente, celle-là ! Elle est vraiment bien ! Non ? C’est formidable ! Vous allez voir ! Elle va être président de la République un jour ! [Rousselet se marre.] Je suis sûre qu’elle sera la première présidente de la République française.

R. : Elle est astucieuse, intelligente, elle est charmante, elle a …

H. : André, alors on fait le délai de carence [?] et on se revoit d’une manière intime.

R. : OK ! Et d’ici là faites attention lorsque vous sortez de chez vous.

H. : Merci !!!

R. : Au revoir.


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1 MESSAGES

Forum

  • Quand Rousselet téléphonait à Jean-Édern Hallier
    le vendredi 23 novembre 2007 à 23:52

    H. : Mais vous, vous étiez mon ami ! Mais pour Attali et Lang, il fallait que Mitterrand me fasse la peau !

    Charmant…

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