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Profil d’une « Révolution »

Opinion / mardi 17 avril 2007
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Point de vue sur l’élection présidentielle, l’Afrique, la France, leurs histoires

Alexandre Gerbi, auteur de Histoire occultée de la décolonisation franco-africaine, Ed. L’Harmattan 2006

L’Afrique, pour ainsi dire absente du débat politique français depuis des décennies, a occupé une place sans précédent dans la précampagne présidentielle 2007.

Inquiétude face à l’immigration, crise des banlieues, vertiges de la repentance, sentiment persistant du déclin… Pour toute sorte de raisons, après une éclipse de près de cinquante ans, le continent noir s’impose à nouveau dans le débat politique français.

Singulièrement, ce retour s’accomplit alors que le mot « révolution » revient souvent dans la bouche des candidats. Or, il est bon de s’en souvenir, c’est d’une grave question africaine qu’est née, en mai 1958, la Vème République. Dans un climat, à l’époque, justement, révolutionnaire…

Une fois dénoué l’épisode présidentiel, il faudra au gouvernement sorti des urnes définir les conditions d’une politique africaine aux enjeux cruciaux. Et, sans doute, s’il veut échapper aux ornières du passé, le gouvernement devra se doter, en ce domaine, d’un nouveau regard.

Quel pourrait être ce nouveau regard ? Au cœur de la campagne présidentielle, je voudrais avancer une hypothèse…

La France de 2007 a changé. Au lieu de demeurer, selon le vœu du général de Gaulle, une « petite minorité » , les ressortissants africains sont venus s’établir par millions dans l’Hexagone. Non pas seulement poussés par la misère. Mais aussi parce que nombre d’entre eux, jusqu’au fond de la brousse, gardent de la présence française un souvenir ému et considèrent, aujourd’hui encore, pour aussi étonnant que cela puisse paraître, la France comme leur pays.

Paradoxalement, plongés dans le chaudron de nos banlieues, les enfants de ces mêmes immigrés africains deviennent, trop souvent, hostiles à la France et au peuple français. Mais c’est que l’école et l’histoire officielle leur ont inlassablement répété, et leur répètent encore, que leurs pères n’aimaient pas la France et qu’ils se sont battus, ont versé le sang pour se débarrasser d’elle.

Or en parlant ainsi, la Vème République a menti, et travestit l’histoire franco-africaine. Loin de se réduire à un tissu de haines, l’histoire commune est aussi une extraordinaire et poignante histoire d’amour.

Arbre qui cache la forêt coloniale, l’Algérie et sa décolonisation ont fait, depuis cinquante ans, l’objet d’innombrables études tandis que l’Afrique noire a beaucoup moins passionné historiens et intellectuels. Pourtant, il gît au fond de la mémoire africaine d’étranges souvenirs et de capiteux secrets qui, si on prend le temps de les examiner sérieusement, pourraient bien éclairer la crise que traverse la France d’aujourd’hui, et ouvrir d’étourdissantes perspectives…

Après la Seconde Guerre mondiale, la majorité des leaders d’Afrique subsaharienne ne réclamaient pas l’indépendance, mais l’égalité politique. Leur donner satisfaction aurait provoqué une métamorphose du peuple français. Le Parlement s’en serait trouvé fortement marqué, tout comme le gouvernement. A terme, le président de la République aurait probablement été un « homme de couleur ».

La IIIème République avait promis la citoyenneté française aux « indigènes » de l’Outre-Mer. Mus par cet espoir, durant les deux guerres mondiales, des dizaines de milliers d’Africains versèrent leur sang pour la France. Mais après 1945, sous les IVème et Vème Républiques, la majorité des hommes politiques français, de droite comme de gauche, ne surent se résoudre à accomplir cette « révolution » démocratique que tant d’Africains espéraient depuis des décennies, et que les masses réclamaient à présent par l’intermédiaire de leurs représentants.

Un refus d’autant plus difficile à justifier que tous les sondages de l’époque semblent attester que le peuple métropolitain était majoritairement favorable à ce grand saut. Dans la douloureuse expérience des guerres mondiales, les peuples de la Métropole et de l’Outre-Mer avaient forgé une puissante fraternité…

C’est ainsi que la classe politique française choisit de se séparer des neuf dixièmes de son territoire et des trois quarts de sa population (ces dizaines de millions de « Nègres » et autres « Bougnoules » qu’elle ne voulait pas reconnaître comme Français) au nom d’une certaine idée qu’elle se faisait de la France. Ce choix mûrement réfléchi, le général de Gaulle se chargea de l’exécuter.

Là réside le grand secret : contrairement à une idée répandue, la décolonisation des anciennes colonies ne fut pas arrachée par des peuples et des leaders africains hostiles à la France et avides d’indépendance, mais elle leur fut essentiellement imposée par les hommes politiques français. La majorité des Africains espéraient en effet tout autre chose, c’est-à-dire l’égalité politique dans le cadre de la République une et indivisible.

Par la suite, un large consensus affirma que l’Afrique noire avait réclamé avec force son indépendance, au nom du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». La revendication fondamentale de nombre d’Africains, l’égalité politique dans la République, fut frappée du sceau de l’amnésie officielle. L’attachement, complexe et puissant, qu’éprouvaient tant de femmes et d’hommes d’Afrique pour la France, devint tabou. Les Africains furent renvoyés, de façon exclusive, à leur « africanité », leur pernicieuse part de « francité » devant désormais céder le pas, afin de conjurer tout retour éventuel à une dangereuse revendication d’unité franco-africaine. Enfin, les figures historiques de l’indépendantisme, bien que minoritaires, furent exaltées et érigées en modèles, et surtout présentées comme seules représentantes de la volonté populaire.

Nous sommes les tristes héritiers de cette stratégie et de la vision tronquée de l’histoire qui l’accompagna.

Pour les Français comme pour les Africains, il est aujourd’hui grand temps d’accomplir une juste et saine « révolution », dont ne sortiront pas intactes certaines idoles.

Après avoir dit la vérité, toute la vérité, sur la décolonisation, en osant mettre en lumière ses dessous les plus inavouables, il faudra, sans rien taire des heures atroces du colonialisme, accorder aux pages d’amour de la colonisation franco-africaine toute la place qu’elles méritent dans les livres d’histoire.

Alors seulement un projet concret, ferment de réconciliations profondes, pourra prendre corps, dans une identité plurielle crânement assumée sur deux continents. De riches retrouvailles placées sous le signe de l’enseignement, du développement et de la justice sociale, de la culture, de la République laïque et de la démocratie ; toutes forces garantes les unes des autres, au nord comme au sud de la Méditerranée. Pour l’Afrique autant que pour la France.

C’est-à-dire aussi – puisqu’il faut savoir parler à la fière échelle des siècles – pour toute l’humanité.


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4 MESSAGES

Forum

  • Profil d’une « Révolution »
    le lundi 23 avril 2007 à 18:34, Alexandre Gerbi a dit :

    Cher Elmer,

    La question, je crois, n’est pas là… Réussir, échouer, après tout, qu’est-ce que cela veut dire ? De qui et de quoi parle-t-on ? Et à quelle échelle de temps se situe-t-on ? Vingt ans, un siècle, un millénaire, un million d’années, etc ?

    A mon humble avis, la vraie question est celle de la démocratie. Or dans cette affaire, ce qui est certain, c’est que les peuples ont été méprisés, des deux côtés de la Méditerrannée. Et cela, "on" nous le cache (encore) misérablement… Sur la question "décoloniale", combien aujourd’hui croient encore dur comme fer (et le plus sincèrement du monde) à une thèse qui est, pour ainsi dire, l’exact opposé de la vérité historique ?

    Pour ce qui est de l’avenir, j’ai la faiblesse de croire que si les peuples avaient été écoutés, les choses auraient mieux tourné, en Afrique comme en France… Eh oui, je crois aux vertus de la République et de la démocratie. Bref, je crois à la fraternité. Comme vous sans doute, cher Elmer. Mais rassurons-nous : l’Histoire n’est pas finie…

    Bien à vous,

    Alexandre Gerbi

  • Profil d’une « Révolution »
    le samedi 21 avril 2007 à 12:26, elmer a dit :

    Aurait-on échouer là où l’empire romain avait réussi, retardant son effondrement de quelques siècles de plus… ?

    Les Français-es étaient sûrement prêt-e-s, ce n’est pas pour autant que l’on peut comparer l’élite aristocratique romaine et impériale à notre élite bien plus étriquée… Que ce soit il y a 50 ans ou maintenant…

    Cordialement

  • 1958-2008, Profil d’une « Révolution »
    le jeudi 19 avril 2007 à 15:05, Raphaël a dit :
    Vidéos et Interview de l’auteur sur GOOGLE, suivez le lien.
  • Profil d’une « Révolution »
    le mardi 17 avril 2007 à 12:09, Paul Okili Boyer a dit :

    Le "Travestissement" des envies post-indépendances Africaines ne doivent pas cacher "Les crétins" qui ont cachés la FORET :

    Charles de Gaulle et ses bataillons "répressifs" a Madagascar au Cameroun , englués dans une Vision Manichéenne des "Petits enfants Noir" ont toujours considérés Ces "Peuplades" comme des "SUJETS" et non pas comme des "Egaux".

    Avoir Trompés les PEUPLES d’Afrique , qui demandaient que le rapport avec les Puissances dominantes de l’Epoque soient des rapports d’Egalité , ne pouvait pas être "la notion" de l’Epoque , et même effleurer cette Idée , faisait de vous un dangereux "Communiste".

    Aucun des Leaders de cette époque , n’a vraiment compris ce qui allait lui tomber sur la tête , quand dans les "Esprits Machiaveliques" des "penseurs "de Charles de Gaulle , au premier lieu desquels , Jacques Foccard , la finalité déjà bien concue etait juste de mettre la main sur les richesses phénoménales qui bien répertoriées par le BRGM de l’époque devaient pouvoir aider cette France, qui se croyait au dessus de Tout , ceci au détriment des populations Locales. Je vous rappelle que la Guinée de Sekou Touré et le Gabon d’Hillaire Obame/Leon Mba ne voulaient pas de l’Indépendance a cette époque. Alors au lieu d’être bêtes comme ce candidat de la droite Chiraquienne qui monopolise les médias a raconter n’Importe quoi , essayons d’être réalistes . La France soit disant Patrie des Droits Humain a RATEE sa décolonisation Africaine et comme les "NEU- NEU" qui ont a cette époque , mieux argumentés sur les "Opérations de police" dans les pré carré français , qui n’ont jamais voulus parler de "Guerres Coloniales" et pourtant ? Mais comme en France Gaullienne rien n’a jamais été NET , juste le discour des Dirigeants. ?

    Simple ,sans revenir sur un passé douloureux , Ceux qui comme moi sont de cette époque se rappellent le fameux Discour de Mostaganem en Algerie (c’est en Afrique l’Algerie )…dans ce discour De Gaulle parlait d’Algerie Française , et combien de Pauvres Français se sont laissés prendre a ce jeux "faussé" au départ , pendant que certains mourraient (pour rien..) sauf la grandeur de l’Apôtre de Colombey , ce même De Gaulle , voulait faire le "Deal" de continuer ses expériences nucléaires dans les départements du SAHARA , et ne laisser que la cote aux "AUTOCHTONES"……..Le contrat de "DUPES" de Charles a été le même dans toute l’Afrique francophone , et pour maintenir la Main mise sur ces Richesses qui devaient servir la Grande France mère Patrie , Ce "Charles au Grand nez " n’a pas hésité a faire imposer dans nos différents Pays "Africains" des Supers Préfets…a moitié "Genocidaire -Locaux" dans le genre d’Omar Bongo au Gabon qui n’ont d’autres Envies de Vivre comme des supers Milliardaires , quand le populations Africaines , meurent de faim et de misère , a coté de la Richesse Nationale , Pétrole , Bois , Uranium , manganèse j’en passe et des Meilleures.

    Mais tant que la france Y trouve son compte.

    Les Français n’ont qu’un choix Voter sans Complexe et avec Assurance pour la Candidate qui connait le malheur de cette Afrique et qui veut essayer de redresser , petit a petit ce dérèglement orchestré , Il y a cinquante ans par le Maitre a Penser du petit Nicolas et que le Candidat UMP veut maintenir a son avantage en tant que Maitre Françafricain

    Les Africains aiment leur Pays , Les Africains aiment la France et l’Europe , avec Sarkozy et la Françafrique , Il y aura encore des pleurs et des grincements de dents

    d’ailleurs si un Français , veut redresser la FRANCE et donner une vie Meilleure a ses Enfants et veut penser qu’Il faut remettre en place une Vraie et meilleure Echelle des valeurs : Il n’a qu’un geste a faire Voter pour le PS avec Ségolène ROYAL

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