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Pour Mamadou, La Serpillière

22 mai 2008 à 22h44

Ce soir, France 2 narrait, à 20 heures, la belle histoire de vingt jeunes-des-cités, rebeus et noirs évidemment, que des palaces parisiens avaient recrutés comme stagiaires dans le cadre d’une opération de type humanitaire, genre voyons-si-nous-ne-pourrions-pas-sauver-de-la-rue-l’indigénat-de-nos-lointains-faubourgs.

Cette histoire est belle, te disais-je : car de ces vingt ressortissants de nos départements et territoires d’outre-périphérique (où d’innombrables Africains polygames saturent les rues de leur progéniture à capuche), imagine-toi que dix-sept, un peu comme dans l’un de ces romans où la vie est jolie, ont finalement obtenu, à la fin de leur stage, "un contrat".

(Un CDD, naturellement : faut pas non plus exagérer.

Faut pas trop demander, non plus, au gentil patron blanc qui te fait, Mohammed, la grâce de t’employer au service des pansus possédants qui lâchent, par nuit, dans ses palaces, de quoi nourrir plusieurs dizaines de natifs de nos possessions de (la) Seine-Saint-Denis.)

Et donc, France 2, où la veulerie la plus hideuse atteint régulièrement son point d’ébullition, filmait le patron de palace blanc qui fêtait au champagne l’embauche de cet échantillon de sauvageons cédédisés, de quasi-rescapés du Kärcher - sans dire naturellement, mais il est vrai aussi que France 2, pudique, ne lui posait pas la question, le montant de leur émolument.

Un commentaire off, de ceux qui ont fait dans les hospices la réputation de la télévision de service public, l’assurait juste après : ces jeunes-des-cités (nonobstant leur couleur de peau) ont quelque chose de plus que bien des jeunes-pas-des-cités, qui fait que les patrons les aiment.

Et là.

Dans un moment de sidérante obscénité.

Le patron de palace blanc.

Posément.

Enonçait que, je cite : "Les Marie-Chantal et les Jean-Edouard".

Comprendre : les jeunes-pas-des-cités.

"N’ont pas envie".

Eux.

"De prendre un balai".

Ou : "Une serpillière".

Ni même : "De travailler après vingt heures".

(Ni d’ailleurs le week-end.)

Alors que les Soumaya et les Aziz des cités : si.

Tout le monde le sait : on a dans les banlieues des tas de jeunes ambitieux (au teint foncé il va de soi) qui adorent passer le balai.

Ou la serpillière.

Surtout après vingt heures.

Surtout le dimanche.

Et c’est vrai qu’il faudrait être bien malhonnête pour ne pas convenir que ça leur donne, sur le marché du travail-dans-les-palaces, un avantage certain sur "les Marie-Chantal et les Jean-Edouard".

L’opération publicitaire dont France 2, goulûment, klaxonnait la beauté (en même temps que l’altruisme de ses promoteurs) apparaissait alors, et pour qui en aurait douté, pour ce qu’elle est vraiment : une espèce de marché aux esclaves (salariés) banlieusards, où le patronat hôtelier venait de s’acheter, pour se dorer l’image de marque et pour le prix de quelques CDD, une main-d’oeuvre exotique pour nettoyer dans les tuyauteries de ses palaces la merde où ni Marie-Chantal, ni Jean-Edouard, évidemment, ne tremperont jamais leurs mains.

Pour Fatoumata, le balai.

Pour Mamadou, la serpillière.

(En espérant que Marie-Chantal et Jean-Edouard lui feront la gentillesse de tirer la chasse - même après 20 heures.)

Bien sûr, les mêmes qui assignent les jeunes-des-cités au nettoyage des chiottes (ou au service de salle) pousseront comme toujours de hauts cris, oh, ma chère, vois s’ils sont ethniques, et vois comme ils sont religieux, la prochaine fois que les banlieues s’enrageront.

La Rumeur : "Qui ça étonne encore ?"

Pascal Lamy, Tout En Pudeurs Rions Un Peu Avec La Presse