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Philippe Jaffré meurt 8 ans après avoir enterré Elf

In memoriam / lundi 10 septembre 2007 par Paul Héauduc
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Un grand patron qui meurt ce sont des tonnes de secrets qu’on enterre

Le dernier président de la si amusante entreprise Elf, Philippe Jaffré s’en est allé, à 63 printemps. En cette fin d’été qui tourne à l’hécatombe du côté des grands de ce monde, l’ami patron n’occupe pas toute la place qu’il mérite. Et pourtant, le bonhomme mérité les louanges, tant il a alimenté les gros titres au milieu des années 90.

Le premier parachute doré d’un grand patron français, c’était lui quand même ! Fin 1999, Elf se fait manger tout cru par Total, « Philou », bon gré mal gré démissionne et empoche un pactole de 200 à 300 millions de francs, stock options incluses. Du bel ouvrage de la part d’un pionnier et une récompense fort méritée.

Le pédégé a tôt fait, sitôt nommé en 1993 de faire connaître au grand public la marque et la méthode Elf. La plainte qu’il a déposée contre son prédécesseur Loïk Le Floch-Prigent a véritablement lancé l’affaire Elf, qui dix ans durant secoua le petit monde politico-judiciaire. Détournements de fonds massifs, corruption tant de la classe politique française qu’africaine, droite, gauche et dépendances confondues, interférences dans les guerres civiles congolaises et de menus trafics d’armes.

Un immense déballage qui n’a forcément plus, au moins côté de Chirac et de ses petits copains de Libreville ou de Brazzaville.

Le président gabonais Omar Bongo eut tôt fait de l’affubler du sobriquet de « grand couillon ». Susceptible, le petit Omar a mal pris la prétention de Jaffré à laver plus blanc avec de l’or noir ; d’autant que les juges lancés par sa faute à la poursuite de Le Floch, Tarallo ou Sirven se mettent en tête de fouiller dans ses comptes bancaires suisses. Gênant et fort impoli.

Mais Jaffré a des circonstances atténuantes. D’abord c’est un balladurien dans l’âme. Ensuite l’Afrique l’effraie. A l’approche des grandes forêts du bassin du Congo, une angoisse le prend, que son avion se crashe et qu’il soit englouti à jamais… Plutôt New-York que Libreville donc, une phobie gênante pour le boss d’un groupe pétrolier dont deux tiers des réserves proviennent du golfe de Guinée.

Passé un petit temps d’adaptation à la maison, le garçon a mis toutefois un peu d’eau dans son vin. Nommé par Balladur en 1993, l’inspecteur des finances de formation n’hésite pas à solliciter Chirac dans un fort courtois courrier. « Je suis sûr que grâce à votre appui Elf-Aquitaine pourra continuer à oeuvrer en Afrique », écrit-il en 1996. Un acte d’allégeance en bonne et due forme au président d’alors, qui appellera d’autres compromissions avec sa ligne de rédempteur des bonnes mœurs chez Elf.

Les avocats de la compagnie, dont Jean Veil désormais au service du Chi, s’échinent à défendre le principe de l’immunité diplomatique des dirigeants africains durant toute la procédure Elf, Jaffré charge comme il se doit Loïk Le Floch Prigent lors des audiences du procès, nie toute corruption de la classe politique française et se montre compatissant envers Tarallo, énarque comme lui et surtout condisciple de Chirac sur les bans de l’auguste école. L’exercice de grand écart impressionne, au moins autant que ses qualités de stratèges et de meneurs d’hommes.

Sous son auguste présidence, Elf rate l’alliance avec le Norvégien Saga puis la fusion avec le belge Pétrofina du Belge Albert Frère, cette fois pour incompatibilité d’humeur. « Je ne pouvais admettre que ce monsieur Frère m’appelle par mon prénom ». Attaché à l’étiquette Jaffré s’en sera vu accolé quelques-unes, notamment par ses salariés. Au hasard « l’abruti », le « menteur », « le profiteur », le « cynique » pour sa propension à vouloir serrer les effectifs, satisfaire les actionnaires plutôt que les employés, ou à gaver de stock-options les hauts cadres de l’entreprise…

Une fois Elf avalé par Total, il aurait été dommage de se passer d’un tel talent. Bien heureusement, Pierre Bilger l’appellera à ses côtés pour renflouer Alstom. Jaffré renouera alors avec ses premières amours balladuriennes en négociant le sauvetage de l’entreprise avec le ministre des Fiances en poste Nicolas Sarkozy. Le boulot fait, l’aimable Philippe se laissera aller à la tentation de Bruxelles, au climat fiscal bien plus doux, tout en demeurant vice-président d’Alstom.

Toute une carrière synthétisée dans l’hommage que lui a rendu le Medef à l’annonce de son décès, le syndicat patronal déplorant la disparition « d’un grand serviteur de l’Etat », qui, c’est bien le moins, aura aussi su se servir.


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