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Petite (et dernière) leçon de propagande (4) : côte à côte

21 décembre 2008 à 11h43
Il faut rattacher riches et pauvres, vainqueurs et vaincus - comme des liens de causes à effets. Ne serait-ce qu’en une photo…

La musique adoucit les cœurs

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En 1984, Bernard Arnault le promettait au délégué CFDT de Boussac Saint-Frères :

« Il me racontait comment il allait assurer la survie du textile : ‘Vous pouvez avoir confiance en moi, Monsieur Deroo. Je vais sauver le textile.’ J’avais compris que c’était du bluff : ses intonations, tout ça, il manquait totalement de conviction. C’étaient des phrases stéréotypées, toutes faites… Ben ça s’est vérifié : trois ans après, il n’y avait plus grand-chose. »

Parmi les « restructurés », le père de Mourad :

« Quand l’usine a fermé, on a couru à la mairie pour des bons d’alimentation. Il fallait quémander quasiment, s’agenouiller devant les secrétaires, fournir des justificatifs et des justifications, elles en redemandaient, refaire la queue… Toutes ces vexations pour 50, 100, 200 F. Les Restaurants du Cœur, tout le monde a vécu ça, sa file honteuse, ses plateaux-repas. Ça me révoltait : tant de sacrifices, déjà, et mon père qui doit sacrifier sa dignité aussi. »

Dans son autobiographie, Une Passion créative, jamais Bernard Arnault n’évoque le père de Mourad. Pas plus qu’aucun autre ouvrier de Saint-Frères. D’ailleurs, dans ces 201 pages d’entretiens, jamais « Saint-Frères » n’est évoqué. Le PDG de LVMH se confie plus volontiers, en revanche, sur ses distractions artistiques :

« J’aime Chopin, car il est celui qui a fait le plus pour l’écriture au piano. Suis-je un romantique ? En tout cas, j’aime le piano romantique… Nous sommes montés sur scène au Japon à la demande et sous la direction de Seiji Ozawa qui est un ami. Autant vous dire qu’il faut se préparer, surtout pour exécuter un concerto de Mozart. »

Les maisons, il ne faut pas en avoir trop

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« Je regrette beaucoup Boussac Saint-Frères. » Jusqu’aux années 80, Ginette a vécu plutôt heureuse : « C’est vrai qu’on ne gagnait pas beaucoup, mais j’adorais mon travail. J’ai mon grand-père qui a travaillé là-bas, j’ai mon père qui a travaillé, ma cousine qui a travaillé, des tantes qui ont travaillé. C’était famille, famille, famille. »

Bernard Arnault reprend alors l’affaire et s’engage, en décembre 1984, dans un document écrit, sur le « non-démantèlement du groupe ». Voilà qui garantit, pour Ginette, une existence tranquille… qui s’effondre peu après : « J’ai été mutée à Flixecourt toujours chez Boussac-Saint-Frères. Comme Flixecourt ça a fermé aussi, on m’a remutée à Sièges de France. J’ai fait de la dépression, et enfin j’ai été licenciée. Mon mari aussi a été licencié. On a perdu notre maison neuve, et puis après ç’a été l’enfer. L’enfer. »

Tandis que Ginette descendait en « enfer », le PDG de LVMH s’offrait une « superbe maison dans la résidence des Parcs » à Saint-Tropez (pourvue d’une piscine extérieure).

Un « bel hôtel particulier du VII ème arrondissement » à Paris « regorgeant d’œuvres d’art » (avec « une piscine intérieure qui complète l’ensemble »).

Un « palace au sommet, un refuge d’exception » à Courchevel « dans la station où ses enfants ont appris à skier ». Un « superbe yacht de 70 mètres de long, Amadeus, rebaptisé ainsi en l’honneur de Mozart. L’été dernier, le chanteur Bono et l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair sont venus y passer quelques jours ».

Plus des « pieds à terre » ici et là. Bernard Arnault conclut néanmoins, raisonnable : « Les maisons, je crois qu’il ne faut pas en avoir trop. Il faut avoir le temps d’y aller. »

Source : Challenges, 20 mars 2008.

Les enfants naissent libres et égaux

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« J’ai 46 ans, raconte Eliane, licenciée d’ECCE. J’ai une petite fille en bas âge, et je ne sais pas ce que je vais pouvoir faire. » Cette mère travaillait chez ECCE. Un sous-traitant de LVMH qui, dans le Nord, fabriquait des habits Kenzo. Tout compris, matières premières et main d’oeuvre, le costume revenait à 80 € en sortie d’usine. Il était revendu près de 1 000 € dans les magasins. C’était encore trop, ces 80 €. On pouvait rabioter là-dessus. Produire en Pologne. LVMH en a donné l’ordre.

Interpellé par la déléguée lors de son Assemblée générale ( "Est-ce que les petits actionnaires sont prêts à gagner un petit peu moins d’argent pour que 147 salariés vivent encore ?"), Bernard Arnault s’en excusait presque :

« Je suis désolé des problèmes que ça peut poser aux personnes, mais le problème de fond, c’est la différence de coût de revient, pour un certain nombre de métiers, dont la confection, entre la France et nos voisins de l’Europe. »

« Je suis trop vieille, moi, on me répond, témoigne une ex- de ECCE. En quatre ans, j’ai fait une formation dans la vente, en alternance, et malgré ça, je n’ai rien trouvé dans les commerces ni le prêt à porter. J’ai juste fait 15 jours à ED à côté de chez moi, et y a déjà deux ans de ça. Je postule dans tout. Je me suis renseignée pour travailler dans l’Aisne. J’ai pris le bottin pour chercher des adresses et puis j’ai écrit. J’ai eu des réponses. Positives. Négatives. C’était pour travailler qu’une journée par semaine, mais moi travailler qu’une journée par semaine ça ne m’intéresse pas… - Tu manges sept jours », remarque Eliane. Qui conclut : « On se demande si on a bien fait d’avoir des enfants ».

Pour la descendance de Bernard Arnault, l’avenir paraît plus assuré. Son fils Antoine siège au « Conseil d’indépendance éditoriale » des Echos, rachetés par papa, tout en dirigeant « la communication de Louis Vuitton ».

Quant à sa fille Delphine, elle est « entrée au Conseil d’administration, avec le double record d’être la seule femme et la plus jeune ». Et pour son mariage, son père aimant lui a offert le « mariage d’une princesse d’aujourd’hui » : « une robe (165 mètres d’Organza, 180 de tulle, 152 de dentelle) transportée par camion de Paris à Bazas », comme « carrosse, une Rolls Phantom III 1937 », un « voyage de noces à Los Angelès, Hawaï, les îles Fidji puis Las Vegas où les mariés iront écouter un concert de Elton John ».

Et toutes les fées du beau monde se sont penchés sur leur union : l’Etat (avec Nicolas Sarkozy, Bernadette Chirac, Jean-François Copé, Thierry Breton), l’Argent (le baron Albert Frère, David de Rotschild, Ernest-Antoine Seillière, Serge Dassault), et jusqu’à la Religion : « le nouveau Souverain Pontife, Benoît XVI, avait envoyé sa bénédiction papale et un message personnel aux mariés ». Eux avaient bien besoin des secours de l’au-delà.

Dans cet « éclairage [qui] évoque un décor des Mille et Une nuits », sous «  cette voûte étoilée tendue dans la cour du château », durant « le feu d’artifice d’une magnificence toute particulière », rien n’est venu rappelé l’envers de la fortune. Aucune ouvrière de Boussac, de Saint-Frères ou de ECCE, n’était invitée.

L’envers de Parisot Petite leçon de propagande (3) : Bernard Arnault et la Picardie

16 Messages de forum

  • Petite (et dernière) leçon de propagande (4) : côte à côte

    21 décembre 2008 12:42, par trybuna ludu
    Vive la mort !!!
  • Simplement bravo.
  • Percutant comme un direct dans le foie !
    • (4) : côte à côte 21 décembre 2008 20:07, par rosay
      Dans le foi gras ????? je vote pour " Le Front de Gauche " contre la droite . Rosay . à +
  • Bien,bien,

    Un jour,toutes couturieres,tous couturiers,faudra tailler un costar à B.Arnault,mais aussi tous ceux qui entretiennent cet ordre établi,ce désordre établi,plutot !

  • Petite (et dernière) leçon de propagande (4) : côte à côte

    22 décembre 2008 02:05, par cultive ton jardin
    Pour chanter Veni Creator Il faut avoir chasuble d’or…

    Voir en ligne : Les Canuts

  • Petite (et dernière) leçon de propagande (4) : côte à côte

    22 décembre 2008 07:55, par TIc-Tac- Tic-Tac
    Les toujours pauvres et les nouveaux riches. La manière d’étaler sa pseudoc-culture-là, c’est franchement à mourir de rire, Chopin, Mozart… autant pour ce qui est du goût, il peut se défendre, mais ça sent tout de même son petit béotion qui veut se donner un genre… A côté de ça, Elton John à Las Vegas, on croit rêver !!! lol Debussy ou Schubert ça a quand même un peu plus de gueule…. lol. Et cette vulgarité ostentatoire des nouveaux riches dont ces Arnaud-là sont l’enseigne de vaisseau… Ils ne font illusion qu’à leur semblables… Ceci dit, ne pas exonérer davantage la très riche et ancienne Grand bourgeoisie, quand bien même aurait-elle des goûts bien plus assurés et une culture réellement digne de ce nom. Pourtant le capitalisme paternaliste à la papa avait plus de dignité, comparé à ces agissements de crapules de haut vol dont ces Arnaud, Lagardère et Dassault sont les acteurs principaux sans compter leur ami politique à tous-là, le petit-là… dont j’ai oublié le nom et qui sombrera bientôt dans les poubelles de l’Histoire !
  • Très bon article. N’oublions jamais de dire, notamment aux 45% de salariés en activité ou retraités qui ont voté à droite, que Sarkozy considère que ses meilleurs amis sont les milliardaires qui licencient et précarisent de plus en plus les travailleurs.
  • petit papa noël, sous le sapin, pourrait-on avoir un petit album photo réunissant riches et pauvres avec toutes ces aberrations.

    La bernadette à chichi qui quémande ses pièces jaunes auprès du petit peuple et la bernadette à chichi, assistant au mariage de la fille arnault - elle aurait pu ramasser le pactole à cette cérémonie !!

    Le pape bénissant les foules à st pierre , le pape demandant la paix du pain pour tous et le pape félicitant la mariée.

    Et ainsi de suite , ça voudrait faire un bel album pour noël ou mieux pour défiler dans la rue ; ça serait beaucoup plus parlant que les invectives habituelles.

    Inovons, inovons. !! et relevons la tête.

    Les restos du coeur c’est bien mais à l’avenir il en faudra toujours plus. Ne perdons plus de temps, prenons les fourches.

  • C’est un choix de société, ils l’ont tant désiré et ils l’ont eu : le mépris. Le paradis c’est pas pour les pauvres car trop moches, car trop sales, pas généreux et surtout trop lâches. Oui lâches d’accepter sans se battre, lâches d’accepter sans crier car on le leur a gentiment demandé, alors à quoi ça sert puisque de toute façon c’est comme cela, ils ne sont pas de notre monde. J’ai oublié que notre chère planéte accueillait des extra terrestres !

    Un ex taulard pour fraude financière se voit remettre un pactole de millions d’euros en pleine recession économiqque et montée de la pauvreté et pas une seule manifestation de mécontentement de la population. Mais c’est comme ça, on n’y peut rien et ça ne changera rien

    Alors continuons comme ça car eux l’on bien compris.

  • Arnault, à m… !

    Non je ne laisserai pas la Haine parler à ma place. Non je ne laisserai pas la Haine parler à ma place. Non je ne laisserai pas la Haine parler à ma place. Non je ne laisserai pas la Haine parler à ma place. Non je ne laisserai pas la Haine parler à ma place. Non je ne laisserai pas la Haine parler à ma place. Non je ne laisserai pas la Haine parler à ma place.

    Purée, c’est dur.

  • On pourrait très bien bien les imaginer en perruque a rouleau le visage poudré de blanc , leurs prédécesseurs eux jetaient au mois quelques pièces au bon peuple a la sortie de la messe ; c’est le monde de l’argent décomplexé, à quand le monde du peuple décomplexé. Pourtant ils sont allés a l’école, la fin du XVIII et le début du XIX siècle ne sont peut-être pas étudies dans les écoles de commerce ? ah le romantisme…………….. c’est surement de cela que l’on cause dans les salons du vicomte de Vuiton en compagnie de la marquise de Bercy, je vois bien le jeune Julien Copé Saurel sortir a reculons de la pièce en une succession de courbettes , attention le grand Bernard Henri Voltaire Levy va venir les éclairer de ces lumières. Petite contribution auto régulée a priori. nicolas1973@unblog.fr ps : a vendre fourches, faux,bâtons très peu servies (pour le moment) prix intéressent.

    Voir en ligne : ah ça ira ….. ça ira…… ça ira……. mieux…..bientôt !!!!

  • N’oubliez pas que si ils sont grands c’est parce que nous sommes a genoux !!!!!

    Voir en ligne : ça ira suite

  • Petite (et dernière) leçon de propagande (4) : côte à côte

    15 janvier 2009 15:24, par Rose Sélavy

    Chouette blog, aussi goûtu que celui de Sébastien Fontenelle !

    J’ai un bon livre à conseiller aux lecteurs et lectrices qui confortera cet article salutaire : "Argent public, fortunes privées - Histoire secrète du favoritisme d’Etat" d’Olivier Toscer (Folio documents). Il y a plein de noms qu’on ne peut pas oublier…

    Cordiales salutations.

  • Tant qu’il y aura du fric, il n’y en aura jamais assez pour tout le monde !
  • Les inégalités sont d’autant plus pénibles à regarder qu’on est soi-même au bas de l’échelle. La crise risque d’aggraver les inégalités, le sentiment de colère et d’injustice. De mener à des violences. Qui ne mènent à rien. Quelqu’un a-t-il une solution ?