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Ouaga-Cotonou by bus

Road-trip / lundi 8 octobre 2007 par Joan Tilouine
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Embarquement à bord d’un bus reliant les deux capitales ouest-africaines pour un périple de vingt heures au cours duquel bakchich, à défaut d’être lu, est pratiqué sans retenue.

Départ de la gare routière ouagalaise prévu à 4 du mat’. Ponctualité africaine oblige, ce n’est qu’une heure plus tard que le bus largue les amarres ; le temps de charger cabas, motos, et autres bagages fantaisistes. Cap vers Cotonou, la capitale économique du Bénin, nichée au bord du golfe de Guinée. À peine levée l’ancre que les enceintes crachent des rythmes frénétiques de coupé-décalé made in Abidjan. Inconfortablement installés, les passagers de tout âge ne peuvent s’empêcher d’esquiver par-ci par là, un petit déhanché. « La maladie du bouger-bouger, on s’assoit pas ! ». Mais, la maladie incurable de certains hommes en uniforme, les dessous de table, gangrènent les transports routiers d’Afrique qui paient plein pot les gourmandises des « intouchables » en treillis kaki. On n’y échappe pas ! Véritable bête noire des nomades du bitume. Mahdi, le pilote de notre carrosse le concède sans fard : « les arrêts forcés aux postes de police nous font perdre au moins quatre heures par voyage. À chaque fois, nous devons discuter, négocier, marchander le droit de passage… c’est usant. Même si ça permet aux voyageurs d’aller faire la vidange et le plein de nicotine », s’esclaffe-t-il en tapant la main de Bouamé, son équipier. Le soleil se lève peu à peu pendant que la discothèque ambulante progresse vers le sud-est du pays des hommes intègres.

Première halte forcée à Fada, la capitale régionale pour satisfaire un militaire assoupi sous un arbre, une vieille pétoire sanglée autour de la cuisse. Mahdi sort avec le livret du véhicule et un billet de 2 000 FCFA (trois euros) en guise d’offrande. La transaction se fait fissa puis le bus repart dare-dare. La frontière béninoise approche et là, ça se gâte. Zone de perturbation qu’ils pourraient annoncer les deux loustics. Méticuleusement, Bouamé fait la tournée du bus pour glaner les pièces d’identité, de ceux qui en ont, ainsi qu’un bakchich de 500 FCFA par tête (0,80 euros), le prix de la sacro-sainte bibine au maquis, ironise un homme. Sans rechigner, la majorité des passagers s’exécute. Toutefois, dans le fond du bus souffle un vent d’insurrection initié par une femme qui « refuse d’alimenter ce système de corrompu, c’est du racket ». Vite ramenée à la raison par Bouamé et d’autres passagers, elle finit par céder. « Car si tu ne donnes pas les 500, le militaire va demander qui n’a pas payé. Et c’est fois trois le prix pour cette personne », explique un voisin de siège.

Pas d’échappatoire donc. Il faut les 35 000 FCFA (53 euros) dans le chapeau pour le droit d’entrée informel au royaume des vaudous. Plus les 5 000 FCFA (7,60 euros) pour le passage du bus. Sans compter les longues heures d’attente… Rebelote trois kilomètres plus loin au poste de gendarmerie de Porga ô combien réputé pour le zèle de ses agents corrompus [1]. Puis, un passage dans les locaux miteux de la gendarmerie de Natitingou… « Hormis Lagos, où je refuse de me rendre, le Bénin est le pays le plus dur pour nous. Les policiers béninois ne négocient pas… Sous prétexte d’une faille technique ils te fixent leurs prix et c’est tout. Si tu commences à discuter, c’est le double. On n’est pas là pour regarder l’air, qu’ils te disent », raconte un chauffeur poids lourd burkinabé, bon connaisseur des coutumes régionales des hommes en uniformes. Pour les transporteurs de marchandises, le tarif s’élève à 15 000 FCFA (23 euros) et mieux vaut ne pas pinailler, selon les experts.

Quatre heures plus tard, le bus peut reprendre son rythme de croisière et entreprendre la traversée de l’ex-Dahomey. L’étape la plus dure est franchie avec succès. Quelques petits pots-de-vin sont distillés sur la route par l’équipage du bus avant d’atteindre la mégalopole béninoise peu avant minuit. Ouverture des portes… Ouf. Si certains titubent de fatigue à la sortie du carrosse, d’autres prévoient de se savourer une mousse tant désirée en guise de décompression. « Elle ne sera pas volée celle-ci ». Hé hé, à la vôtre.

[1] En plein mois d’août, une affaire de corruption éclate au grand jour, fait jacter des ministères aux maquis et squatte la une des journaux du Bénin. Des informations révèlent un vaste détournement de conteneurs sur l’axe routier Bénin-Burkina. Dans son rapport d’enquête, l’Inspection générale de l’Etat (IGE) révèle que cinq camions, affrétés par la compagnie béninoise de transit et de consignation (COBETRAC), étaient bourrés de marchandises à leur départ du port, mais…vides à leur arrivée au poste frontalier de Porga. Pourtant escortés par un agent de la brigade du port…Pis, le rapport révèle qu’entre le 1er janvier et le 28 juin dernier, quinze autres camions exploités par la COBETRAC ont effectué une centaine de chargements à destination du Burkina Faso… sans jamais traverser la frontière ! Ce genre de magouilles vise à échapper aux lourdes taxes douanières. Un préjudice pour l’Etat béninois estimé à 20 milliards de FCFA, soit plus de trente millions d’euros. Un trafic dans lequel trempaient le chef de la brigade de douane du port de Cotonou, Marcellin Zannou, le directeur général de la douane du Bénin, Charles Adekambi, ainsi que le receveur et le chef de brigade de Porga, respectivement Emmanuel Ogouchina et Honoré Akpako. Un sacré quartet ! Tous ont été limogés par le Président Yayi Boni, l’intransigeant en la matière, qui a fait de la lutte anti-corruption son cheval de bataille et qui multiplient les opérations coups de poings pour tenter de nettoyer les écuries.

Yayi le ravi

Cinq mois après son intronisation, soit en août 2006, le président Boni Yayi décidait de lancer une journée nationale de lutte contre la corruption, le 8 décembre de chaque année. Une date symbolique fixée la veille de la Journée mondiale de lutte contre la corruption. Gare aux embouteillages frontaliers ce jour là, plaisantent les béninois. De même, le 30 août dernier, l’Observatoire de la lutte contre la corruption, présidé par Jean Baptiste Elias, a présenté au centre international de Cotonou la publication du « livre blanc » sur l’état de la corruption au Bénin. L’ouvrage rassemble les enquêtes d’opinion réalisées à Cotonou, Porto-Novo et Parakou. Mettant en lumière les principales manifestations de la corruption tout en esquissant une analyse des causes et de l’impact causé par ces pratiques endémiques. Autre dispositif atypique dont raffole les citoyens : « l’espace de dénonciation » mis en place sur le site Internet du président. « Vous voulez dénoncer de hauts cadres de l’administration publique béninoise qui orchestrent des actes de malversation. Vous voulez dénoncer des collaborateurs directs du Chef de l’Etat qui font preuve de laxisme ou de mauvaise gestion ». C’est sans fioritures que le président exhorte les victimes à balancer les malfrats profiteurs. Plus de raisons de se priver… À noter que selon le rapport 2007 de l’organisation Transparency International, rendu public ce jeudi 26 septembre 2007, le Bénin se retrouve à la 118e place sur 179. Et que le Burkina Faso a dégringolé cette année de la 79e place des pays corrompus à la 105e. Face à ce constat alarmant, le Premier ministre Tertius Zongo monte à la tribune. Une semaine après la publication du rapport, lors de la déclaration de politique générale à Ouagadougou, il s’est engagé à combattre le phénomène et à punir les hommes intègres corrompus. Le chef du gouvernement osera-t-il mettre le nez dans ses administrations ?

Le 31 août dernier, M.Zannou aurait été réhabilité par une commission d’enquête présidée par le chef de l’Etat en personne.


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7 MESSAGES
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Forum

  • Ouaga-Cotonou by bus
    le jeudi 11 octobre 2007 à 17:19
    En tant que connaisseur, je prefere le lire que le vivre c’est bien plus agreable… Merci
  • Ouaga-Cotonou by bus
    le mercredi 10 octobre 2007 à 22:19, kadji a dit :
    bien relaté ce fameux passage de frontiere fantaisiste à souhait et toujours surprenant. Cette frontiere est une aventure à chaque fois car on ne sait jamais le temps que ca va prendre et combient ca va couter. Ce qui est tres angoissant pour les passagers. Y a du boulot pour que Boni prenne le controle de ses fonctionnaires qui ne sont pas prets de se plier à ces exigences. Mais faut esperer au nom de tous les habitues de cette route que ce soit pour voir la famille, les proches ou faire des affaire.
  • Ouaga-Cotonou by bus
    le mardi 9 octobre 2007 à 13:48, SylvainD a dit :
    Pour avoir traverser cette frontière plusieurs fois en bus et en taxi-brousse, dans les 2 sens, pour rejoindre également les 2 capitales, je reconnais dans ces quelques lignes ce que j’ai parfois vécu, bien que je trouve le passage à la frontière un peu exagéré, selon mon expérience… Je n’y ai jamais eu de gros pb, ce qui n’est pas le cas au passage de sa "voisine" entre le Burkina et le Ghana ; là ce n’est pas triste. Et en réponse à Dodoche, la lutte de Boni sera longue à se mettre en place, car au Bénin, comme ailleurs, la corruption est à tous les étages, et est érigée en sytème de vie pour de nombreuses personnes… Il faut lui laisser un peu de temps, et débloquer des budgets ne sera pas suffisant. D’autant que les budgets, faut les trouver… SylvainD… http://reactions.unblog.fr
  • Ouaga-Cotonou by bus
    le mardi 9 octobre 2007 à 13:41, UN CONFRERE DU BENIN a dit :
    TRES BEL ARTICLE SUR FOND DE CARNET DE ROUTE ; SAUF QUE LA CHUTE SEMBLE AVOIR TOUT GACHE : MARCELLIN ZANNOU N’A PAS ETE REHABILITE. LA DERNIERE PHRASE AURA DONC ETE DE TROP. DU COURAGE !
  • Ouaga-Cotonou by bus
    le lundi 8 octobre 2007 à 23:38, dodoche a dit :
    Parole de baroudeur, les petites ou grosses commissions exigées par les douaniers en afrique sont incessantes. Et l’afrique est sur ce plan le plus zélé pratiquant ce qui insuporte terriblement les locaux. Mais bon faudrait peut etre remettre en cause l etat qui sous paye ses employes qui trouvent tant bien que mal de quoi arrondir les fins de mois. Systeme debrouillardise mais les populations en ont ras le bol de payer à la place de l’etat. Je trouve l’idee de yayi boni positive et interessante de recueillir les plaintes sur une boite mail mais m’interroge : A quoi ca sert de compiler les plaintes si les moyens mis en place derriere ne suivent pas ? il faudrait débloquer du budget pour augmenter les grilles des salaires de tous les fonctionnaires payés des poussieres. Ethique et money marchent aussi ensemble donc si on veut plus d ethique de la part des douanier il faudrait plus de money officielles sur leurs fiche de paye tou les mois non ? C’est juste une question…
    • Ouaga-Cotonou by bus
      le mardi 9 octobre 2007 à 11:11, garvey a dit :
      oui mais pasteur Boni est sur la bonne voie pour eliminer la corruption au benin. Y a plus qu’à espere que les voisins de la région s’en inspirent…
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