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Obama sauvera-t-il sa peau ?

Chronique américaine / jeudi 20 mars 2008 par Doug Ireland
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Barack Obama a prononcé un important discours le 18 mars au sujet de la question raciale aux Etats-Unis. Décryptage de Doug Ireland.

Derrière une façade démocratique, le racisme est très présent aux Etats-Unis. Depuis une semaine maintenant, Barack Obama est la cible d’une campagne médiatique aux relents racistes. Ce sont de récents sermons enflammés d’un pasteur noir et ancien conseiller spirituel de Barack Obama, le Révérend Jeremiah Wright, figure de proue de la « Théologie de la Libération », qui ont mis le feu aux poudres. Pourtant, les extraits des prêches controversées du pasteur noir circulent sur Internet depuis un an, et les vidéos de ses discours du Dimanche sont aujourd’hui en vente dans son église (une congrégation de 8 000 fidèles noirs qui est en réalité la plus grande église de Chicago). Mais ce n’est que ces derniers jours que les « grands » médias se sont réellement penchés sur son « cas ». Très exactement depuis la diffusion d’un reportage sur la chaîne de télévision NBC.

Les liaisons dangereuses de John McCain

Tandis que les médias américains multiplient les attaques contre Barack Obama, ils épargent étrangement le candidat Républicain. Et, diable ! Il y en a des choses à dire sur John McCain. Le sénateur-candidat a, par exemple, accepté avec enthousiasme le soutien du Révérend texan John Hagee. Faut-il rappeler que John Hagee est un intégriste chrétien, connu pour ses déclarations anti-catholiques et antisémites ? Sans parler du fait qu’il est aussi le télé-prédicateur américain le mieux rémunéré des Etats-Unis compte tenu des audiences qu’il réalise. Faut-il aussi rappeler que pour le fervent Hagee, l’Ouragan Katrina, qui a dévasté la Nouvelle-Orléans en 2005, n’était ni plus ni moins qu’un châtiment divin parce que la ville avait autorisé une Gay Pride ? Mais quand John Hagee annonçait qu’il soutenait John McCain, les médias étaient restés silencieux. Voilà qui est dit. Revenons maintenant aux polémiques autour de Barack Obama et de ses relations avec le Révérend Wright.

« Que Dieu maudisse l’Amérique »

De fait, Wright a été beaucoup plus que le conseiller spirituel du sénateur Obama. Le brave Révérend a marié l’actuel candidat à l’investiture démocrate et son épouse, puis baptisé leurs deux enfants. Obama avait alors déclaré que Wright était son « mentor », son « grand ami », c’était « comme s’il faisait partie de la famille ». Il a même emprunté le titre de son autobiographie à l’intitulé d’un sermon de Wright.

Les clips enfiévrés du Pasteur Wright aujourd’hui diffusés quotidiennement et en boucle à la télé, ont de quoi exacerber la peur et la colère de beaucoup de blancs sensibles aux préjugés, ainsi que des patriotes inconditionnels. Certaines de ces petites vidéos montrent Wright, à peine cinq jours après les attaques du 11 Septembre 2001, en train de crier que la politique étrangère de Washington est la cause de la catastrophe. Sur d’autres clips, on l’entend clamer qu’il ne faut plus dire « Que Dieu bénisse l’Amérique » mais « Que Dieu maudisse l’Amérique », vu le traitement infligé aux Noirs. Ou encore que le gouvernement américain a inventé le SIDA et importé le crack… pour commettre un génocide contre les blacks. Mais aussi que le sionisme est un « racisme blanc » contre les Arabes. Des clips montrent également le Révérend Wright aboyer sa haine contre les « U.S. of KKK-A » (en référence au Ku Klux Klan, une milice raciste qui lynchait les noirs du temps de la ségrégation raciale).

Depuis une semaine, Barack Obama ne cesse de dénoncer les discours de son ami devant les caméras de télévision : « Ses paroles sont inacceptables », elles « divisent » le pays, « je les rejette sans réserves », elles « ne représentent pas mes opinions », etc. Mais le mea culpa ne suffit pas à stopper l’incendie médiatique, ni à calmer les critiques. Ainsi, le chroniqueur néo-progressiste du Washington Post, Richard Cohen, titrait un de ses derniers articles « Pourquoi Obama a-t-il attendu si longtemps » avant de prendre ses distances avec son Pasteur ?

Résultat : sans surprise, Obama perd des points dans l’opinion. Un sondage réalisé pour la chaîne de télé CBS le 18 mars indique que 15 % des Démocrates et 36 % des électeurs indépendants sont « moins prêts » à voter Obama à cause de ses relations passées avec le Révérend Wright.

Des antécédents

C’est la seconde fois en deux semaines que la question raciale fait irruption dans les médias au point d’en exclure toute autre. De plus, la controverse des prêches de Wright succède à une autre polémique dont Géraldine Ferraro, un soutien clef d’Hillary Clinton, était à l’origine. Cette ancienne candidate démocrate à la vice-présidence (elle s’était présentée en 1984) a été la première femme à figurer sur un « ticket national » de l’un des deux grands partis politiques américains.

Il y a quelques semaines, les Clinton faisaient tout pour que les Américains ne voient plus Obama comme « un candidat noir », mais comme « le candidat des SEULS noirs ». Et la bonne Ferraro en a remis une couche, claironnant qu’Obama ne devait son succès qu’à sa couleur de peau et qu’il était « chanceux » d’être noir. Critiquée partout et par tous pour ses propos racistes (qu’Obama, lui, a qualifiés « d’absurdes »), Mme Ferraro a récidivé quelques jours plus tard. Lors de talk-show télé ponctués de « On ne m’attaque que parce que je suis blanche. Ça vous va ? » Cette controverse – et ses impacts sur la campagne présidentielle – ont autant obsédé les médias que la polémique actuelle autour du Révérend Wright. Mais, à la différence de Géraldine Ferraro, le révérend Wright a été très proche d’Obama.

C’est pourquoi le candidat démocrate a tenté de stopper l’hémorragie en affrontant « le problème Wright » ainsi que la question raciale lors d’un grand discours prononcé le mardi 18 mars. Celui-ci a été retransmis en direct par toutes les chaînes d’information. La prestation du sénateur métis était extrèmement risquée mais il n’avait pas le choix.

Barack Obama dans les pas de Martin Luther King

Obama, capable d’une éloquence passionnée, a choisi de la jouer « cool ». Il s’est présenté calme, serein, sérieux, « présidentiable ». Il s’est exprimé devant un décor soigné, des plus « présidentiels » : huit drapeaux américains et un voilage bleu foncé. Une fois de plus, il a dénoncé les clips incendiaires du Révérend Wright comme « une vue profondément déformée de notre pays ». Il a souligné que Wright « parle comme si notre société était immuable, comme si notre pays ne faisait aucun progrès et était ligoté irrévocablement à un passé tragique ». Il a également évoqué l’histoire des noirs (l’esclavage, la ségrégation) pour remettre la colère de Wright dans son contexte et essayé d’expliquer aux blancs ce que sont les églises noires, « pleines de bonté et de cruauté, d’intelligence féroce et d’ignorance choquante, de luttes et de succès, d’amour et, oui, d’amertume et de penchants pour les préjugés raciaux qui font partie du vécu des noirs en Amérique ».

Ceci, ajoute-t-il, « explique mes relations avec le Pasteur Wright. Je ne peux pas le renier, pas plus que je ne pourrais renier ma grand-mère blanche, une femme qui m’aime autant que tout autre être de ce monde, mais qui m’avouait sa peur quand elle croisait un homme noir dans la rue, et qui, à plusieurs reprises a fait preuve d’a priori raciaux ou ethniques qui m’embarrassent ». Obama s’est exprimé au nom d’une génération de noirs qui a connu et vécu un vrai espoir, grâce aux évolutions de notre société.

Si Obama a parlé de l’aliénation des noirs, il n’a pas oublié les blancs qui ont les mêmes ressentiments à l’égard du racisme social. « Beaucoup de blancs issus des couches populaires ne pensent pas qu’ils ont été avantagés par leur race. Leur expérience est celle des immigrés. Pour eux, personne ne leur a fait de cadeau, ils sont partis de rien. Alors, quand ils entendent qu’un afro-américain décroche plus facilement un bon boulot ou une place dans une université prestigieuse [grâce à la discrimination positive], ou quand on leur dit que leur peur du crime dans les quartiers urbains n’est qu’un lot de préjugés, les rancoeurs s’accroissent. Ces ressentiments ont façonné notre politique électorale pendant au moins une génération. Mais simplement de souhaiter qu’ils puisse disparaître, ou de les étiqueter comme totalement erronés voire racistes, ceci aussi creuse le clivage entre les races et barre la route à la compréhension mutuelle. » Et Obama d’appeler les noirs à « épouser le poids de notre passé sans en être ses victimes » et « d’endosser la responsabilité pour nos propres vies ». Il a encouragé le pays à s’unifier et à rejeter les tentatives de manipulation raciale qui détournent l’attention de la société des problèmes de la guerre et des crises économiques et environnementales.

Un discours en bonne et due forme

Ca a été un discours long, nuancé, osé, éloquent, et, dans son intégralité, convaincant. Les réactions à chaud ont été on ne peut plus positives. « Un discours digne d’Abraham Lincoln ! » s’est exclamé le commentateur Chris Matthews (un Démocrate tendance droite) sur la chaîne MSNBC. « Il a parlé aux Américains comme s’ils étaient des adultes », louait sur CNN David Gergen, ancien conseiller en communication de quatre Présidents (deux Démocrates, deux Républicains). Et beaucoup de commentateurs ont estimé que c’était un discours « historique » et le plus important sur la question raciale depuis le fameux « I have a dream » de Martin Luther King il y a 45 ans.

Mais combien de salariés des couches populaires, dont beaucoup sont obligés – crise oblige – de cumuler les jobs, ont eu ou auront le temps de regarder le discours dans son intégralité ? Déjà les décorticages médiatiques commencent à en émietter le message et à y recenser de petites erreurs. Et moi, j’ai bien peur que le souvenir des clips incendiaires du Reverend Wright ne colle pour longtemps à la peau d’Obama (surtout chez ceux qui ont reçu une instruction sommaire). Même s’il remporte l’investiture démocrate.

On ne doit jamais sous-estimer le pouvoir des peurs raciales en Amérique. Et, comme l’a si bien dit il y a 50 ans, à une époque qui portait elle aussi ses peurs, le dessinateur Walt Kelly, « Nous avons rencontré l’ennemi, et c’est NOUS ! »

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2 MESSAGES

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  • Obama sauvera-t-il sa peau ?
    le dimanche 18 mai 2008 à 23:07
    En somme, y a du petage de gueule en perspective entre fachos blancs et fachos noirs. Quelle époque épique.
  • Obama sauvera-t-il sa peau ?
    le jeudi 20 mars 2008 à 14:45, totoro a dit :

    La question raciale est infiniment plus complexe que "blancs vs noirs, peur à tous les etages". Ca c’est bon pour les clips de South Park dans les films de Michael Moore (tres drole au demeurant).

    Et en l’occurence, je pense même que ça reste assez secondaire par rapport à l’aspect religieux.

    Permettez-moi de vous donner un sondage certes non repris dans les medias europeens et qui pourtant me semble crucial de ce point de vue :

    Relevant magazine (revue chretienne ouverte mixant Dieu et culture pop -jusqu’à Daft Punk !-, ce qui pourrait faire rire ici, mais est pris tres au serieux dans un pays où à part grosso modo New-York, avouer être athée vous fait passer pour un extra-terrestre hostile) a fait un sondage avec une question gonflée : "Pour qui Jesus voterait selon vous ?"

    Resultat : . Obama (28.7%) . Huckabee (24.2%) . McCain (6.6 %) . Clinton (1.8%)

    ce qui en dit tres tres long à la fois sur la probité perçue de chaque candidat mais aussi sur l’impact qu’a Obama sur une partie de la population qui est à priori aux antipodes politiques (le public des evangelistes/ les born again christians & co est à peu pres aussi naturellement attiré par les democrates que disons Neuilly par la CNT)

    le mot-clé en Amérique c’est "Faith". Obama a la foi, et il la transmet, bien au dela des clivages politiques. Et c’est pour ça que s’il remporte l’investiture democrate il ne fera qu’une bouchee de McCain.

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