A la Une de Bakchich.info
Bakchich : informations, enquêtes et mauvais esprit
Bakchich : informations, enquêtes et mauvais esprit

parquet ciré

 « Moi c'est homme bon, moi c'est pas chien »

16 septembre 2009 à 16h51
Toutes les semaines, une comparution immédiate choisie (presque) au hasard parmi le flot des dossiers traités à la va-vite.

23e chambre du tribunal correctionnel de Paris, mardi 8 septembre 2009 C’est le neuvième dossier de l’après-midi et l’on réclame un interprète roumain. Aucun ne se présente. On fera sans lui. Alin et Claudiu, roumains tous les deux, comparaissent pour refus de prélèvement. Lors d’une garde-à-vue pour un vol dont ils sont aujourd’hui totalement blanchis, les deux hommes ont refusé qu’on leur prenne leurs empreintes digitales et génétiques. « La loi vous oblige à accepter, souligne la présidente, pourquoi ce refus ? »

Alin, 27 ans, se tortille sur son siège. Amputé de la jambe gauche suite à un grave accident de voiture, la Présidente l’a invité à se rasseoir. Cheveux blonds peroxydés et deux mentions au casier, il baragouine, mais se fait parfaitement comprendre : « Tous les jours, la police elle vient me voir, tous les jours c’est les problèmes. Moi c’est homme bon, moi c’est pas chien. Tous les jours les mêmes policiers demandent à moi pourquoi je viens la France, pourquoi moi pas dormir la maison, pourquoi moi la prothèse jambe ».

Handicapé, SDF, l’homme dort dans une tente installée sur le parvis de la Gare du Nord : « Ce monsieur est très connu et respecté dans le quartier », relate l’enquête de personnalité. On doute même qu’il vive dehors : « Trop propre », lit la Présidente. Alin lève les yeux au ciel : « Bah oui, moi propre ». Se tournant vers l’autre, la Présidente demande : « Et vous ? Pourquoi refuser ces prélèvements ? » Plombier, Claudiu travaille régulièrement en France pour subvenir aux besoins de sa famille restée au pays. Son casier est vierge et il explique : « Les policiers m’ont mis en garde-à-vue, je n’avais rien fait et ils ont commencé à me parler mal – de moi, de ma famille, de mon pays. Ils ne m’ont pas du tout expliqué les conséquences de mon refus, c’est faux ce qu’ils disent ! Je m’excuse de ne pas avoir su que ces prélèvements étaient obligatoires ».

Le procureur réclame deux mois de prison ferme. La défense s’étrangle : « Mes clients sont arrêtés pour un vol qu’ils n’ont pas commis, une vidéosurveillance leur donne raison, la garde-à-vue est pourtant prolongée et l’on exige d’eux ces prélèvements. Ils n’ont fait que réagir au comportement des policiers ». Jugement : deux mois fermes.

Elizabeth, 24 ans, comparaît pour bobo au neu-nœil sur CRS

14 Messages de forum

  • A guantanamo, j’espère …

    Tous les jours, on apprend de nouvelle dérives

    ça suffit, l’etre n’est plus vraiment hmain …

  • tu m’étonne que les prisons sont noir de monde
  • « Moi c’est homme bon, moi c’est pas chien »

    17 septembre 2009 09:03, par Captain Zincos
    Enfin vous revoici Mme Steiger, merci de revenir avec vos billets si utiles à la compréhension de notre société. Celui-ci est édifiant.
  • Incroyable. Indigeste. Pathétique.
  • Bonjour,

    Merci pour ce billet. Tout d’abord examinons les articles de loi sur lequel se base cette histoire de refus de prelevement d’ADN et d’empreintes digitales.

    Nous ne savons pas ici si l’enquete est preliminaire ou en flagrance.

    Article 55-1 du code de procedure penale (enquete de flagrance)

    L’officier de police judiciaire peut procéder, ou faire procéder sous son contrôle, sur toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits en cause ou sur toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre l’infraction, aux opérations de prélèvements externes nécessaires à la réalisation d’examens techniques et scientifiques de comparaison avec les traces et indices prélevés pour les nécessités de l’enquête.

    Il procède, ou fait procéder sous son contrôle, aux opérations de relevés signalétiques et notamment de prise d’empreintes digitales, palmaires ou de photographies nécessaires à l’alimentation et à la consultation des fichiers de police selon les règles propres à chacun de ces fichiers.

    Le refus, par une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, de se soumettre aux opérations de prélèvement, mentionnées aux premier et deuxième alinéas ordonnées par l’officier de police judiciaire est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

    Article 76-2 du code de procedure penale. (enquete preliminaire)

    Le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l’officier de police judiciaire peut faire procéder aux opérations de prélèvements externes prévues par l’article 55-1.

    Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article 55-1 sont applicables.

    Tout d’abord il faut examiner ici :

    1) Si un officier de police judiciaire (ou un procureur) a ordonne ces prelevements et sur quel motifs par proces verbal ? En l’absence de proces verbal -> relaxe.

    2) Si un interprete francais/roumain etait present pour expliquer l’ordre de l’officier de police judiciaire (ou du procureur) au mis en cause. En l’absence -> relaxe. On ne peut obeir a un ordre que l’on ne comprends pas.

    3) Si un interprete francais/roumain etait present pour traduire le refus oral du mis en cause, pour traduire le proces verbal faisant etat du refus. En l’absence -> relaxe. On ne peut constater un refus que si celui-ci est explicite.

    ceci est pour la forme.

    Pour le fond

    1) est ce que le proces verbal indique les raisons plausibles ? en l’absence -> relaxe.

    2) est ce que les raisons plausibles de l’officier de police judiciaire sont plausibles pour le juge (ici est le vrai travail du juge) -> oui ou non

    3) les deux mis en cause ayant ete relache car il n’y a plus de raison plausibles de mis en cause, leur signalement sur les fichiers FAED et FNAEG est desormais interdit.

    On ne peut condamner une personne pour avoir refuse un prelevement illegal de ses donnees personelles et ainsi economiser au gouvernement des centaine d’euros d’analyse genetique inutile.

    Dans le doute, il faut toujours donner son prelevement et apres faire une petite demande d’effacement des ses donnees sur le FAED/FNAEG (procureur puis juge des libertes puis chambre de l’instruction) puis Cour europeeene des Droits de l’Homme pour violation de l’article 8 de la Convention (arret S. et Marper c. Royaume Uni).

    En esperant que ces deux hommes fassent appel.

    • Merci pour le décryptage. Il est flagrant que pour se défendre dorénavant voire survivre , je pense aussi aux sociétés privées (gaz, eau sécu ? anpe ?, assurance etc etc etc ) il serait bien d’être prix nobel d’économie ET avocat.
  • Révoltant.
    • moi, suite à une plainte d’une personne (voisine), j’ai reçu une convocation au commissariat de quartier par APJ, plus précisément un capitaine de police, suite à cela, sans avoir fait appel au parquet, il m’a donné une convocation au commissariat central (identité judiciaire), pour prises de photos et empruntes(exploration externe), "c’est une nouvelle lois, toute personne convoquée suite à une plainte se voit obliger de", m’a t-il dit. Au commissariat idem :" c’est nouveau il y a des lois qui sortent" patin couffin, hop prise de ma tronche, de mes phalanges et paume des mains. Après renseignement, on m’a dit qu’il fallait y aller sinon ils viennent vous chercher et que il fallait attendre la suite, (je fais court)… Voilà, maintenant si vous vous accrochez verbalement avec un voisin, évitez le !Car si il porte plainte, on vous fiche comme un criminel. La Loi c’est la Loi.
  • Faisons un effort pour nous rappeler : quand est-ce que ces prélèvements ont été instaurés ? Pour combattre quel genre de crime ? Ils portaient sur combien de suspects potentiels ? Était-il prévu qu’ils deviennent obligatoires ?… Tout le monde connaît la réponse à ces questions.
  • Ces pauvres gens auraient été plus avisés d’emplafonner un gars sur leur scooter, ou encore de détourner quelques milliards et de se faire édifier un palais ou deux à Sperone.
  • N’étant pas français, je ressens moins l’urgence que la nécessité de ce blog. Merci de revenir nous éclairer sur ces mesquineries ordinaires, banales et terribles. Continuez…
  • Merci pour ce billet. Je désespérais de vous voir reprendre un jour votre blog ô combien instructif. J’espère vous relire bientôt. Pour ce qui est de cette histoire elle-même, elle se passera de commentaire pour ma part…

    RemiZ.

  • Merci de revenir, vous m’avez manqué. Même si je dois avoue rque je ne prends jamais réellement plaisr à lire ce genre d’histoires aussi confondantes pour la police et la justice de notre pays
  • « Moi c’est homme bon, moi c’est pas chien »

    15 novembre 2010 18:50, par streit
    C’est trés bien de s’intérésser à la Justice des petites gens…Continuez !

    Voir en ligne : Justice à deux vitesses