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Marcher Sur Les Roms

4 novembre 2008 à 17h57

Photo : Eric Roset

Séduite, sans doute, par le crâne modèle italien du Silvio dont les chantres sont (par exemple) au Figaro (et dont les amis, comme tu sais, ne cessent plus de faire des grâces posthumes au feu Duce [1]), la droite régimaire qui prétend régner sur nos vies, et qui décidément joue du symbole avec une si formidable virtuosité qu’on a un peu envie de l’appeler Wolfgang AmadeUMP, vient, au lendemain de l’étonnant raout qu’elle fit à Vichy, de (ré)hausser d’un cran son absolue décomplexion, en nettoyant la commune d’outre-périphérique où le chef de l’Etat français devait s’aventurer de sa lie romanichelle.

(Exactement comme "on installait" à l’ancien temps "des villages factices pour montrer que les gens vivaient bien en Russie" au passage de Catherine II, ainsi que l’a fort bien souligné le maire de Sevran.)

Rien, dans l’absolu, ne justifiait, naturellement, ce déplacement forcé d’une population qui a priori ne s’est que fort peu signalée par un farouche militantisme antisarkozyste : rien, sauf, bien sûr, le goût de stigmatiser - fût-ce par l’emploi (récurrent) de l’image d’une file de Roms défilant sous la surveillance de la police française.

Rien, sinon l’occasion d’une gesticulation, agade mon gros bâton, et une coutumière addiction droitière aux faciles fanfaronnades sécuritaires connues sous le nom générique de : stratégie du bouc-émissaire.

Nous retrouvons là, intempéré, le Sarkozy du temps jadis ; le même qui, dans sa campagne, jurait de ramener (mâme Dupont) dans le giron de la République le votat égaré en territoire frontique, et le fit, en effet - au (minuscule) prix de l’adoption d’une démagogie où un spécialiste reconnu, Daniel Simonpieri, avait alors fondé cette analyse originale : "Beaucoup d’électeurs FN ont constaté que Nicolas Sarkozy disait les mêmes choses que Le Pen, mais que lui avait une chance de les mettre un jour en application - ils ont donc voté utile".

Se le rappelle-t-on assez ?

Un livre tout neuf nous y aide [2] : celui d’Emmanuel Todd [3], que tu devrais lire toutes affaires cessantes, et qui postule (notamment) que l’homme qui fait chasser le Rom de son chemin "représente le triomphe endogène d’une thématique identitaire".

Et de préciser que : "L’essentiel du discours sarkozyste, ainsi qu’on essaye un peu trop de le faire oublier, concernait la question des banlieues, l’immigration et l’identité. Assurément le Président se présente comme l’ami des riches, comme le champion d’une lutte des classes qui aurait été remportée par les privilégiés. Mais le Parti socialiste ne livre pas toute la vérité lorsqu’il désigne le "paquet fiscal" favorisant les hauts revenus comme le péché originel de la présidence. Son véritable péché originel, son acte fondateur si on l’approuve, c’est l’ensemble des provocations antijeunes, anti-immigrés, antimusulmanes qui ont permis à Nicolas Sarkozy de rallier une partie de l’électorat du Front national".

Sous les applaudissements (nourris) d’une destra nazionale revenue, elle aussi, vois comme tout ça est rond, aux élégances républicaines…

À Moitié Plein

Notes

[1] Sans que s’(en) émeuve trop la cléricature qui ces temps-ci nous sert les années 30 le matin, les années 30 le midi, et les années 30 le soir…

[2] Je t’en reparlerai !

[3] Après la démocratie, Gallimard.