Rechercher dans Bakchich :
Bakchich.info
UNE BRÈVE HISTOIRE DE BAKCHICH

Tags

Dans la même rubrique
Avec les mêmes mots-clés
RÉCLAME
Du(des) même(s) auteur(s)
FILOUTERIES

Les belles casseroles laissées par Bouton

GESTION D’ACTIFS / lundi 25 janvier 2010 par Émile Borne
Twitter Twitter
Facebook Facebook
Marquer et partager
Version imprimable de cet article Imprimer
Commenter cet article Commenter
recommander Recommander à un ennemi

La reprise à la casse par le Crédit Agricole de tout un pan de la Société générale représenté par l’ex SGAM n’est pas glorieux pour la banque que Bouton a dirigée durant une décennie.

C’est à ce genre d’événement qu’on mesure l’immense héritage laissé par Daniel Bouton, ancien PDG de la Société Générale poussé définitivement dehors en 2009. Sans tambour ni trompette, le 1er janvier, tout un pan de l’activité de la Soc Gén est passé dans le giron d’une banque rivale.

Officiellement, Amundi résulte du mariage des activités gestion d’actifs du Crédit Agricole avec la filiale de la Soc Gen, SGAM ( Société Générale Asset Management rebaptisée Societé Générale Gestion ) qui aux belles heures gérait pas moins de 300 milliards d’euros d’actifs.

«  En réalité, la banque verte a repris SGAM au rabais, décrypte un spécialiste. Il est clair qu’avec seulement 25 % dans Amundi contre 75% au Crédit Agricole, la Soc Gén a abdiqué tout pouvoir. » Une façon élégante de suggérer que le business qu’elle a apporté ne vaut pas tripette.

Pourquoi une telle dévalorisation ?

La faute à la crise ou à pas de chance peut-être ? Des observateurs se montrent bien moins indulgents et considèrent que durant des années, les équipes de SGAM ont géré des milliards comme des bras cassés tout en bénéficiant d’une grande mansuétude de la part des autorités de tutelle comme de la Générale. Laquelle c’est bien fâcheux ne cesse depuis la bombe Kerviel de défrayer la chronique sur sa gestion.

Pour bien comprendre ce qui s’est joué au cœur parisien de SGAM, Bakchich a exhumé quelques cadavres laissés dans le placard par les responsables choyées par Bouton. Petit résumé pour les béotiens, les équipes de cette activité sont chargées de faire gagner de l’argent à la banque et à ses clients dans toutes les activités non cotées. Elles investissent dans les entreprises les plus nombreuses, celles qui ne sont pas en bourse ou dans des fonds via toute une panoplie : FCPI ( Fonds commun de placement dans l’innovation), FCPR ( Fonds communs de placement à risque ) etc. Le tout avec le plus grand professionnalisme et sérieux qui sied aux banquiers.

Or, l’une des plus belles bizarreries est sans doute l’histoire de “Kangaroo Village“ du nom exotique de cet incubateur, terme en vogue dans les années 2000. Il désigne ces sociétés chargées de donner un coup de pouce aux start up en leur apportant du capital. En 2001, SGAM se lie ainsi à cet incubateur par un contrat.

SGAM s’engage à apporter « une somme minimale de 2 millions d’euros par an » – levés auprès de la clientèle - à Kangaroo pour qu’il finance les starts up dans le secteur des technologies de l’information qu’il a repérées. Kangaroo touche une commission de 3% en sus.

Contrat Kangaroo SGAM - PDF - 377.7 ko
Contrat Kangaroo SGAM
Le curieux contrat par lequel, en avril 2001, la Société Générale s’engage à investir 2 millions minimum par an, sans grande contrepartie, auprès d’un éleveur de starts up répondant au doux nom de Kangaroo Village.

Le contrat que Bakchich a soumis à plusieurs professionnels de la banque dont un ancien de la banque Goldman Sachs les a laissés cois. « Normalement, les opérations d’investissement en Private Equity suivent des processus très lourds et mettent entre 4 et 6 mois à se finaliser », détaille l’un d’entre eux. Mais l’accord entre SGAM et Kangaroo balaye toutes ces lourdeurs. Les Kangaroo boys font passer un “grand oral“ aux candidats, envoient quelques pages de bafouilles de présentation à la banque de Bouton et « dans un délai de 10 jours maximum » la SGAM « confirme de façon irrévocable sa participation au financement du projet ».

En somme, la Générale allonge l’argent de ses clients les yeux presque fermés à une boîte improbable qui de surcroît n’a aucun agrément de la COB, ancien nom de l’Autorité des marchés financiers. C’était la belle époque où la Générale n’était pas frileuse à financer les PME…

Plus surprenant, ce « contrat » n’offre aucune contrepartie pour SGAM, ou plutôt pour les FCPI et les porteurs de parts. Peu rassurant quand on sait qu’une autre société, Etherys, liée à l’un des grands patrons de Société Générale Asset Management, devait la même année récupérer la gestion de 22 participations ?

Mais ce n’est pas tout. L’affaire des Kangaroo connaît - cela va de soi avec un nom pareil - un rebondissement heureux en 2002. Le binôme qui a impliqué le SGAM dans cet accord – Jean Grimaldi, actuel patron du Private Equity signataire pour ordre de Philippe Brosse, alors patron opérationnel de SGAM et de ses 300 milliards - est rejoint par l’ancienne dir cab de Bouton, et membre du conseil Corinne Ferrière, devenue adjointe de Grimaldi.

Ce trio décide de racheter pour 2,5 millions d’euros les participations des quatre fondateurs de Kangaroo dans leurs quatre starts up, ( Avivias, Cariocas, Visual Friendly et Zencod ), ce alors qu’elles battent de l’aile. L’opération est réalisée avec un fonds géré pour compte de tiers par un FCPR, SGAM Next World qui semble créé pour l’occasion.

 - PDF - 58.4 ko
Le compte-rendu des engagements d’une réunion interne d’avril 2002 qui montre comment le SGAM fait racheter par une FCPR baptisée Next World pour 2,5 millions d’euros les starts up des Kangaroo Village.

Résultat, du jour au lendemain, les quatre sorciers peu expérimentés de Kangaroo montent en grade. Ils intègrent la SGAM pour devenir les gestionnaires opérationnels des fonds de la banque et de leurs propres trouvailles ! Bonjour le conflit d’intérêts ! Mais « c’est un métier qu’il faut « renforcer par des équipes professionnelles, ce que nous avons fait » justifie Jean Grimaldi dans Les Echos en 2002.

Toujours est-il que la gestion des actifs historiques de SGAM en prend un coup. A partir de 2003/2004, le portefeuille va sombrer, à l’instar des quatre ex-pépites de Kangaroo qui seront des pertes à 100% quelques mois plus tard. Ce malgré le secours peu déontologique d’au moins quatre FCPI qui investissent dans les filiales de Kangaroo.

Ce n’est pas tout. Comme on l’a vu, le rachat des Kangaroo au moment où tous les incubateurs s’écroulent a été réalisé par un FCPR SGAM Next World. Lequel est un FCPR dit « à procédure allégée ». Etrange car ce fonds doit être soumis au contrôle des investisseurs institutionnels ou des professionnels extérieurs – sauf s’il n’y en a pas. Or l’amicale décision d’investir les 2,5 millions est donc prise par le directeur général de SGAM et son équipe dirigée par Grimaldi et Ferrière.

Du coup, certaines esprits très critiques se demandent si ce n’est grâce à l’argent prélevé sur les autres OPCVM de SGAM et donc chez tous ses clients que le SGAM a alimenté ces activités foireuses et ainsi de suite. Elles vont jusqu’à évoquer à la Générale une affaire à la Madoff, sachant que dans ce modèle, des clients français de grandes institutions ont pu, à leur insu avoir une partie de leur argent investi dans des véhicules européens ou non, eux-mêmes investissant dans Madoff.

Le JDD ou la Lettre A ont déjà parlé des FCPI catastrophiques de SGAM, mais les autres investissements du Private Equity, en particulier les FCPR ne sont pas en reste. Par exemple, la dizaine d’opérations réalisées en quelques mois par SGAM Next World n’est en tous cas pas une réussite. SGAM a ainsi investi sur ses fonds propres dans une autre société baptisée Cashware. Après des difficultés, une provision est passée. Fin 2001, Jean Grimaldi, au vu d’un opportun audit de la société Etherys fait reprendre la provision, puis opère le transfert de Cashware sur le FCPR SGAM Next World. Dès janvier 2002, la boîte est placée sous mandat ad hoc, et déposera le bilan début avril. La perte n’est pas pour SGAM, mais pour ses clients qui ignorent la vraie nature des opérations…

Tout a été réalisé dans les règles de l’art, jure la banque, et il n’y a eu « ni irrégularités ni erreurs de gestion » constatées, a expliqué fin 2009 Corinne Ferrière au magazine Investir. Ce qui est vrai. Plusieurs audits de l’Inspection générale – dont est issue celle-ci comme les patrons de SGAM - eurent lieu, notamment entre 2002 et 2004. Les jeunes inspecteurs responsables qui n’ont rien trouvé à redire furent promus, les grands pontes confortés.

Après cela, on peut se demander pourquoi, lors de la fusion du SGAM avec son homologue du Crédit Agricole, la valeur des actifs gérés au sein du seul département Private Equity ne valaient plus d’environ que 1,4 milliard alors qu’au moins 5 milliards d’euros ont été levés.

La crise, ou une crise de gestion interne…

Lire ou relire sur Bakchich.info :

Lors d’une partie de golf, jouée avec Madame Woerth au bas des cimes enneigées du Mont-Blanc, à Chamonix, Daniel Bouton, ancien PDG de la Société générale, a oublié de ranger son comportement princier dans son (…)



La presse a attendu 2009 pour tomber sur le râble du patron de la Société Générale, Daniel Bouton, à propos de ses stock options…Pourtant, c’est une tradition maison depuis 1999.



Après les bonus, les stocks-options, un autre genre de gros bonus pour gros patrons, suscitent l’indignation générale et un débat national. Explications.

AFFICHER LES
4 MESSAGES

Forum

  • Les belles casseroles laissées par Bouton
    le lundi 25 janvier 2010 à 16:50, michel befort a dit :
    bravo pour votre analyse,on attend la suite car c est un vaste champ d investigation qui s offre à vous pour comprendre la finance française souvent donneuse de leçons ( les nuls au tableau d honneur)
  • Les belles casseroles laissées par Bouton
    le lundi 25 janvier 2010 à 09:07, Hiram a dit :

    N’oublions pas que ce monsieur a été "poussé définitivement dehors" avec une retraite de 720 000 € par an, soit 2000 par jour !

    A cette "petite" retraite (selon ses dires puisqu’il n’aurait pas perçu de parachute doré), n’oublions pas d’y ajouter son salaire (le double de Proglio) de… 3 300 000 € + quelques jetons de présence (une misère quand on sait que Proglio ne touchait que 102 969 € par exemple)

    De plus, ce type fait preuve d’un cynisme phénoménal quand il annonce sur TF1 en avril dernier : "Je fais le choix de m’en aller maintenant pour protéger la banque".

    Donc, si on fait les comptes : 3 600 000 € "évaporés" dans la fusion SGAM + 3 300 000 du salaire du PDG + 720 000 € de la retraite du dit PDG, Môssier Bouton aura coûté à sa banque : 7 620 000 €.

    Bon il est vrai qu’à côté des 5 milliards de pertes de Kerviel c’est un Bouton de culotte qui ne boxe pas dans la même catégorie que son trader.

    Mais au fait qui était le PDG, responsable de Kerviel ?

    • Les belles casseroles laissées par Bouton
      le lundi 25 janvier 2010 à 14:38, Hiram a dit :
      En fait j’ai compté en millions ce qui était en milliards, ce qui est pire.
  • Les belles casseroles laissées par Bouton
    le lundi 25 janvier 2010 à 07:51, magnaud a dit :
    Et durant toute cette période les managers et traders que tout le monde nous envie s’en mettaient plein les poches.
BAKCHICH PRATIQUE
LE CLUB DES AMIS
BEST OF
CARRÉ VIP
SUIVEZ BAKCHICH !
SITES CHOUCHOUS
Rezo.net
Le Ravi
CQFD
Rue89
Le Tigre
Amnistia
Le blog de Guy Birenbaum
Les cahiers du football
Acrimed
Kaboul.fr
Le Mégalodon
Globalix, le site de William Emmanuel
Street Reporters
Bakchich sur Netvibes
Toutes les archives de « Là-bas si j’y suis »
Le locuteur
Ma commune
Journal d’un avocat
Gestion Suisse
IRIS
Internetalis Universalus
ventscontraires.net
Causette
Le Sans-Culotte