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LUTTES / CHRONIQUE DU BLÉDARD

Lendemain de Noël

mercredi 3 janvier 2007 par Akram Belkaïd
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Mardi, huit heures vingt. L’éclairage public vient de s’éteindre. Le froid venu du nord-est cisaille les oreilles et sabre les sinus. Il fait gris et silence. D’habitude, la rue est encombrée par des voitures impatientes dont les conducteurs n’ont aucun scrupule à user du klaxon malgré la proximité d’un hôpital. Ce matin, elle est déserte ou presque. Un bus passe, heureux de rouler au milieu de la chaussée, tous freins lâchés, deux ou trois têtes mal réveillées derrière ses vitres embuées. Un concierge aligne contre un mur quatre grands bacs à couvercles blancs desquels dépassent quelques goulots sombres. Du coin de l’œil, l’homme surveille une petite vieille au dos courbé qui promène un caniche enveloppé dans une gaine de laine rouge.

Le chien semble vouloir faire sa pause à côté de la porte d’un garage mais la dame, qui se sait surveillée, tire fort sur la laisse. Elle entraîne l’animal vers un platane dont le tronc maigrichon est protégé par un corset métallique vert. Au pied de l’arbre, abandonnés sur la grille, il y a un vieux téléviseur et des chaussures dépareillés. C’est là que l’animal se soulage sous les encouragements de sa propriétaire. Le concierge lance un juron à voix haute. Il a réalisé que le camion de ramassage de déchets de verre, qui ne passe que le lundi, ne viendra pas vider les quatre poubelles avant quinze jours… Il ne lui reste plus qu’à les rentrer tout en jetant des regards soupçonneux derrière son dos.

Un peu plus loin, à quelques mètres d’une épicerie portugaise– qui vend glands et châtaignes au détail –, des cartons et des papiers multicolores ont été éparpillés sur le trottoir. Pauvres emballages. Avant Noël, ils étaient porteurs de promesses et de joie. Ils enveloppaient le cadeau, entretenaient son mystère et, dans les couloirs du métro, attisaient la curiosité voire l’envie. Quel sort… Je les imagine déchirés, avec frénésie et sans aucun respect, par de petites mains impatientes de découvrir le circuit automobile espéré ou la maison de poupée avec éclairage progressif pour chaque pièce car, c’est ainsi, on n’arrête pas le progrès.

J’imagine aussi sans peine, les mains, plus âgées et maniaques– il y en a toujours une paire – qui, dans l’euphorie générale, les hurlements d’excitation et les gloussements de plaisir, ramassent au fur et à mesure les papiers déchiquetés, les tassent et les éliminent puisque l’ordre, c’est l’ordre, y compris le jour de Noël. « Les fêtes ne valent que par la joie des enfants », me dit justement une amie. Elle a mille fois raison. Et l’une de leur joie, après la longue attente, c’est de s’en prendre, avec adresse ou non, à l’emballage.

De tous les papiers cadeaux, il y en a un qui arrive en tête de classement, non pas par son originalité mais simplement par son omniprésence. On le voit partout et je le retrouve, ce mardi matin, jour d’après-fête, étalé sur le trottoir, sali, couleurs bleue et jaune outragées. C’est celui d’une franchise qui rappelle les moments bénis, mais courts, qui interrompent les mornes heures passées en classe. Mais enseigne prometteuse ne vaut pas réalité. Quel est ce monde dans lequel nous vivons où les magasins de jouets sont ennuyeux, sans rêves ni fantaisie ? Amoncellement du « made in China » : plastic garanti, piles non comprises et emballage qui, avec ses moyens anti-fauche, est plus lourd et plus encombrant que le jouet lui-même. L’essor du toc et de la vulgarité : c’est cela aussi la mondialisation.

Bénie sois la double culture

Dans quelques jours, après le réveillon de fin d’année, le trottoir recueillera les sapins à la gloire fanée, aiguilles détachées, branches brisées dans l’escalier ou l’ascenseur tandis que guirlandes, étoiles et clochettes auront été rangées dans un placard avec la crèche et ses santons. La fête sera alors vraiment terminée et ce n’est pas la galette des rois, toujours mangée le premier dimanche de janvier, qui fera oublier Noël. Pour certains gamins de France, les parents auront tout de même quelques ficelles qui leur permettront de ruser, de quoi faire patienter : l’Aïd, petit ou grand (surtout le petit pour les enfants) et le Mouloud. Ah, bénie soit la double culture…

Pour autant, c’est toujours un peu triste un lendemain de Noël. Les bureaux sont trop studieux, les informations à la télévision sont lugubres et les journalistes qui les présentent en l’absence des stars habituelles, le sont aussi avec leur tête de consignés du dimanche. A la radio, ou dans les journaux, c’est encore et toujours la longue litanie des « mésaventuriers » de Noël. Outre les divers accidents mortels, il y ceux qui ont passé la nuit à l’aéroport ou dans une gare voire dans un train. Ceux qui ont mangé quelque chose d’avarié ou ceux qui ont terminé la nuit au poste après avoir affolé l’alcotest.

Viennent ensuite des nouvelles encore plus accablantes – c’est une façon de parler. Toutes les agences de presse ont diffusé l’information en boucle : cette année, la revente de cadeaux sur internet va battre des records. Un exemple : Dédé offre à Zézette le dernier Goncourt (ce prix est un grand classique des cadeaux de Noël, c’est pour cela qu’il est décerné à l’automne mais on va dire que je suis mauvaise langue). Zézette aurait préféré le « Da Vinci Code », même en version poche. Elle passe alors par internet, et arrive, avec un peu de chance, à échanger l’un pour l’autre. Cela me rappelle un peu les gâteaux de l’Aïd. La maison x envoie un plat de makrouds à la maison y qui en déjà beaucoup et qui l’envoie donc à la maison z laquelle se dit que c’est une bonne occasion d’envoyer des gâteaux à la maison x sans faire de frais. Que celui qui n’a jamais revendu, échangé ou même jeté un cadeau lève le doigt !

Quand on est adulte, on envie un peu les enfants à l’approche de Noël mais la fête passée, on est bien content d’avoir pris quelques rides. On échappe ainsi au « t’as eu quoi à Noël ? » si dévastateur dans les cours de récréation. Les parents, eux, s’en tirent par une pirouette, racontent ce qu’ils ont offert à leur progéniture, pestent contre le cadeau de la belle-mère (justement, il y a internet), et parlent d’un air entendu de leurs agapes en disant dans un faux soupir : « et dire que ça recommence dimanche prochain ! ». A ce propos, en attendant de vous raconter le matin du premier janvier, je vous souhaite à toutes et à tous un Aïd moubarak et une bonne et heureuse année 2007.


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