A la Une de Bakchich.info
Bakchich : informations, enquêtes et mauvais esprit
Bakchich : informations, enquêtes et mauvais esprit

Le virtuel réel

12 janvier 2010 à 15h15

Mais qu’est-ce que j’avais à regarder les bites que formaient les plis des jeans fashion des hommes ? Une fois de plus, je m’étais fait avoir, un homme en renvoyait à un autre qui en renvoyait à un troisième. Je croyais que c’était mes guides discrets –beurs-blancs-blacks- du futur Eden, celui qui m’ouvrait les bras et les lèvres de mon équivalent sur terre, mon amant cosmique, le Chanteur ou le Joueur, je n’avais toujours pas vraiment tranché tant le Joueur me taraudait aux points les plus érotiques, tant le Chanteur – que j’avais l’avantage de connaître – me fascinait par son agilité littéraire.

Une fois de plus je me suis retrouvé dans un train de banlieue pris gare de l’Est. Je ne savais à quelle gare descendre. Je n’avais aucun indice. Je priais mon amant cosmique de m’aider. Le temps passait. Le train s’éloignait vraiment de Paris quand à une gare, mon petit doigt se mit à frétiller et à pointer vers le quai à gauche. Il le fit cinq fois de suite avec une violence qui m’impressionna. J’obéis, descendis, allai derrière la mairie, à l’entrée d’un parking. Il était vingt heures. L’endroit était absolument désert. Des limousines rutilantes conduites par de jeunes hommes de couleur roulaient lentement, s’arrêtaient légèrement devant moi et repartaient. Ils m’envoyaient certainement un signe, le Chanteur allait venir. Je pensais qu’on vérifiait la sécurité : une rencontre cosmique, ça ne s’improvisait pas. Rappelons que j’étais convaincu qu’il avait les mêmes pouvoirs que moi et que notre union allait sceller l’arrivée d’un nouveau monde.

A 20 h, je fus terrassé par une immense fatigue. Je n’arrivais plus à tenir debout comme si le ciel me forçait à m’asseoir, puis à m’allonger et fermer les yeux quelque temps pour récupérer. Ce devait être le Chanteur qui devait arriver : ça déclenchait des ondes sans doute éprouvantes. J’étais complètement vidé, prêt à dormir. La tension de l’attente était là. Je restai conscient mais c’était impressionnant de sentir cette immense pression physique sur mon corps, cette dépression, énergétique à l’intérieur. Je restai une heure dans cette position là.

Il fallait que je bouge, je n’allais pas me rétablir comme ça. J’errais dans une ville de pavillons aux murs noircis. C’était surprenant, aucune fenêtre n’était allumée. Personne dans les rues. Pas âme qui vivait. J’étais convaincu que l’ensemble de la population avait déménagé. C’était peut-être pour les besoin de la rencontre. Un lieu : une ville fantôme.

Seul un bar-tabac était allumé. J’entrai m’acheter un petit cigare. Des pompiers étaient les seuls clients. Le plus vieux m’apostropha : Qu’est-ce qu’on a besoin d’un hurluberlu comme toi ? Faut pas rester ici. Je lui répondis que je faisais ce que je voulais. Je restais dans la ville point barre.

Je sortis et je marchai et marchai encore. Les lampadaires diffusaient une très faible lumière. Je tombai nez à nez sur la caserne des pompiers et retrouvai le vieux gradé.

– Pourquoi tu m’as cherché ? lui lançai-je.

Il s’énerva :

– Parce qu’on ne veut tout simplement pas te voir dans le coin.

Je lui répondis :

– Mais je t’emmerde !

Il s’approcha et m’envoya un crochet dans le foie, un autre coup au visage. J’étais à terre.

– Maintenant, t’as compris j’espère.

Je repartis en titubant, récupérai dans une porte coche cochère et m’endormis un peu.

Au petit matin, je repérai une seule maison où il y avait de l’animation. C’était une maison délabrée. Des enfants africains jouaient dans la cour. Les parents apparurent l’air interrogateur et inquiet, cherchant à savoir ce que je voulais. Ils ne parlaient pas français.

J’avais envie de rester. J’éprouvais un grand bonheur à voir les enfants jouer. Ils étaient trop mignons et c’était un instant de vie incroyable dans cette ville qui sentait la mort. Le père m’offrit le robinet de la cour pour me désaltérer et me rincer le visage. Il me fit comprendre qu’il fallait comprendre. Deux maisons plus loin, je ramassai un tissu africain avec des filins dorés et un délicieux parfum de Barbès légèrement éventé par le temps. Il n’y avait toujours personne dans la ville. Je pensai à une cité des Corons désaffectée.

Je surpris des femmes triant des vêtements usagés dans une salle publique. Je leur posai des questions sur la situation de la ville. Elles prirent un air revêche et lâchèrent sèchement :

– Il ne faut pas rester ici.

Je pris un bus. Je ne savais pas où j’allais.

P.-S.

Pour consulter le blog depuis son premier épidode : http://ballondumondial.blogspot.com/
Contre-matière Du Val-Fourré à la Défense