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LUTTES / CHRONIQUE DU BLÉDARD

Le quadra largué et Tokio Hotel

lundi 19 novembre 2007 par Akram Belkaïd
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J’ai eu la puce à l’oreille dans le métro en me demandant ce que ce tapage inhabituel pouvait bien signifier. Dans la rame, il y avait une proportion inhabituelle de jeunes adolescentes piaillantes, s’interpellant d’un bout à l’autre du wagon, pouffant à répétition comme si Charlot en personne était présent. Acné, cheveux colorés en bleu, ourlets défaits, ongles peints en noir, elles forçaient le trait et le cri, visiblement stimulées par les regards courroucés d’adultes dérangés dans la lecture de leur gratuit.

C’est en sortant à la surface que j’ai commencé à comprendre. Sur toute l’esplanade de Bercy, se mouvaient des grappes de gamines à la figure maquillée et aux vêtements dépareillés. Des hurlements stridents, des cavalcades, des embrassades et, au milieu de tout cela, quelques parents un peu perdus, un peu gênés, le tout sous le regard goguenard d’un cordon de CRS bedonnants. C’était un concert, bien sûr, organisé, comme cela arrive parfois, en début d’après-midi. A en juger par l’hystérie ambiante et par le look androgyne de la foule, j’ai cru deviner qu’il s’agissait d’un passage sur scène d’Indochine (vous savez, l’aventurier « égaré dans la vallée infernale »…) avec, suprême bonheur pour qui allait y assister, la présence de Melissa Auf der Maur.

« C’est Indochine qui va jouer ? », ai-je donc interpellé trois haillonneuses aux yeux cernés de khôl qui semblaient porter toute la misère du monde sur leurs épaules. « N’importe quoi », m’a répondu la première sans même sourire. « C’est Tokio Hotel », a dit la seconde en me dévisageant comme si je venais de prononcer une insanité. Quant à la troisième, sa moue méprisante était suffisamment éloquente pour lui éviter de prononcer le moindre mot. Je n’ai rien osé demander de plus, me contentant de les observer traîner le pas avant de s’asseoir au pied des grilles.

Quand les dizaines de votre compteur affichent depuis un bon moment le chiffre quatre, il arrive souvent que l’on se sente « out », en un mot, en dehors du coup. Cela m’est arrivé récemment en me faisant exploser sous un panier de basket-ball par un post-ado, pas encore bachelier. On accepte alors la chose avec philosophie en se disant qu’il suffit de rester « in » dans sa tête. Mais là, sur ce parterre inondé de soleil automnal, je me suis vraiment senti dépassé.

Des milliers de fans étaient présents, frétillants d’excitation, et je n’avais aucune idée de l’identité des ces Tokio machin-chose. Moi qui vous inflige de temps à autre des chroniques inspirées par la musique, j’ignorais tout de ce groupe dont j’ai d’abord écrit le nom ainsi « Tokyo Tell » - en pensant à un cousin de Guillaume -, avant d’en découvrir l’orthographe exacte grâce à l’ami Google. Mince ! Il y a dix ans, je n’écoutais pas les Spice Girls, mais je savais au moins qui elles étaient… Mais là, « m’bahar », perdu dans la vaste mer…

Carte de presse en main, j’avisais un autre groupe qui présentait l’attrait majeur de comporter un adulte en son sein, une maman visiblement épuisée par toute cette agitation. « C’est un bon groupe, Tokyo Tell ? » a été ma question, qui a provoqué moult « c’est trop bien ! », « c’est trop bon ! ». Je n’ai guère obtenu plus si ce n’est le fait qu’« ils » étaient quatre, venus d’Allemagne, qu’ils étaient « très jeunes » et qu’ils « chantaient des chansons en allemand », dont la traduction est « partout sur internet ». « Moi, leur dernière chanson, il faut que je la connais par cœur ! (sic). Elle me déchire le ventre », m’a dit l’une des groupies, sans être capable de m’en citer le titre, voire le thème.

J’ai pensé à ne pas aller à la conférence de presse que j’étais censé couvrir, à mille mondes de là, et à acheter un ticket au marché noir pour savoir de quoi il en retournait. Mais la sagesse a prévalu et je m’en suis retourné vers les choses sérieuses de cette terre (a posteriori, et au vu des propos insipides entendus sur le franc CFA, j’ai eu de sérieux regrets…).

Le soir même, je reprenais mon travail d’investigation en explorant les trésors de la Toile. « Tokio Hotel, groupe formé par quatre jeunes allemands originaires de Magdebourg. Les jumeaux Bill et Tom Kaulitz, Georg Listing et Gustav Schäfer », m’a appris la première occurrence. Genre de musique : hard rock pour jeunes. Du heavy metal en provenance d’Allemagne ? J’en étais resté à Scorpions et à Nina Hagen voire, dans certains de ses délires, à Klaus Nomi.

Deuxième travail du grand reporter : l’écoute. Merci Internet, merci Youtube, merci aussi les deux filles d’une consoeur qui ont « tous les CD » et qui n’ont toujours pas pardonné à leur maman d’avoir trop tardé à acheter les tickets et de leur avoir ainsi fait rater le concert de leur vie (moi aussi j’ai loupé Joan Baez à Sidi Fredj mais je n’en fais pas une histoire !). Verdict, prononcé à voix très basse pour ne faire de la peine à personne : mais qu’est-ce que c’est que cette rigolade ? Ça, du heavy metal ? Ces mièvreries cul-cul la praline, du hard rock ? C’est pire que les tarés de Kiss ! Mais où sont les légions d’AC/DC ? Que font les adorateurs de Deep Purple ? De Led Zeppelin ?

Envie de rigoler entre copains ? Achetez quelques bières halal et regardez en boucle le clip de « Durch den monsun », soit « Toucher la lune », ou l’histoire d’un gars qui doit traverser la mousson pour retrouver l’être aimé et qui réalise à la fin de la chanson que la personne en question est derrière la porte… Mais chut, point trop de moqueries car il paraît que Tokio Hotel réalise ce qu’aucun ministre français de l’Education n’a réussi à faire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Grâce à ces quatre troubadours, la langue de Goethe réalise une percée spectaculaire en France puisque les inscriptions dans les classes d’allemand augmentent en flèche. C’est le même phénomène qui avait poussé certaines filles de mon quartier à s’inscrire en espagnol pour saisir la poésie profonde de Julio Iglesias. Finalement, tout cela m’a donné envie de réécouter « Wind of change » de Scorpions. Depuis Dylan, le vent du changement ne faiblit pas, mais là, franchement, on se dit que le rock lourd est bien fatigué.

Voir en ligne : in Le quotidien d’Oran

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22 MESSAGES
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Forum

  • Le quadra largué et Tokio Hotel
    le jeudi 7 février 2008 à 23:40, min suk a dit :

    J’adore lire vos articles surtout le coté "micro-trotoir"…toujours le petit brin d’humour et d’autodérision (se prendre une claque au basket par un petit jeune, ca m’est arrivé aussi, je compatis). Je ne suis pas fan de "tokio tell" mais l’engouement que ce groupe provoque me dépasse, j’en perds mes cheveux !! Et pourtant j’écoute de tout mais la ce groupe n’a rien d’originale (les musiques sont pompées, le look idem) si ils chantent en allemands et ils font des ballllladeuh !! Même si je me rejouis de voir des ados se mettre à l’allemand (pour ceux qui ont des doutes, les postes pour des personnes parlant anglais et/ou allemand sont très nombreux) je ne vois dans ce groupe qu’un clone des boys band de notre jeunesse. Mais bon où est le mal ?

    J’ai aussi adoré les réactions de certains fans super crédibles qui lachent des commentaires en language sms (la barre de rire).

    A bas le sms !!

  • Le quadra largué et Tokio Hotel
    le jeudi 6 décembre 2007 à 02:38, HélèneB a dit :

    J’ai bien aimé cet article. Beaucoup d’humour et rien de trop méchant contre le groupe.J’ai quand meme quelques critiques et rectifications à formuler. D’abord, j’aimerais juste rappeler qu’on a tous ete fan, à un moment ou à un autre, et surtout quand on etait adolescent (mais si, ne mentez pas !). Et, quelque soit notre age aujourd’hui, je crois qu’on sera d’accord pour dire qu’on nous disait deja qu’on ecoutait de la merde et que nos parents étaient totalement largués. Certains groupe n’ont pas duré, d’autres sont devenus mythiques. Ce qui est sûr, c’est qu’on aime toujours en ecouter la musique (pour les groupes qu’on a vraiment aimés). Alors, faut juste arrêter de penser et de dire que les jeunes aujourd’hui ne savent pas ce que c’est que de la bonne musique. C’est juste que c’est pas forcement la meme que la votre/notre.

    De plus, d’un côté, si des groupes comme TH font tant parler d’eux, c’est qu’ils ont une vraie valeur, parce que sur un truc creux et totalement vide de sens, on n’a rien a dire. Ben oui, TH, ils ont une proposition, un style, qu’on adhere ou pas !

    Quant à la critique des textes des chansons, là, je ne suis pas d’accord avec votre article. Les paroles ont du sens, c’est pas mal ecrit du tout, et ca parle vraiment aux ados. Et puis doucement, ils ont entre 18 et 20 ans, donc c’est un peu dur de les comparer à des groupes comme Scorpions. Leur musique est de bonne qualité. Faut pas oublier qu’ils bossent aussi avec des pros quand meme.

    En plus, ca rend l’allemand super tendance, et j’aurais reve que Tokio Hotel existe moi quand j’avais 14 ou 16 ans et que j’apprenais l’allemand, envers et contre tous.Par ailleurs, donnez l’image des fans qui ne pigent rien aux textes déforme la vérité puisque les fans s’arrachent les traductions sur le net. Les fans connaissent les paroles (en allemand) et les comprennent. Et puis franchement, c’est facile de critiquer : des fans de groupes comme U2, meme s’ils ont 40 ans passés, ne comprennent certainement pas toutes les paroles ni ne les connaissent toutes par coeur. Balayons devant notre porte avant de critiquer, donc.

    Laissons le temps faire son oeuvre et voir si Tokio Hotel s’inscrira dans l’histoire et dans la durée. En tout cas, ils ont réalisé un exploit historique en atteignant une telle notoriété en Europe (et surtout en France, pays réfractaire à la musique made in Deutschland)avec des textes 100% en allemand. C’est déjà un bon début et c’est admirable. Alors, qu’on aime ou pas ce qu’ils font, il faut bien leur reconnaître ça.

  • Réponse de l’auteur
    le vendredi 30 novembre 2007 à 22:03, akram b a dit :

    Bonjour à toutes et à tous,

    je suis désolé d’avoir tardé à répondre mais j’étais un peu dans le brouillard, ayant eu le malheur d’écouter un CD entier de Tokio Hotel, ce qui a provoqué une surdité temporaire et une phobie totale au bruit, le tout m’ayant obligé à faire retraite pendant quelques jours en Kabylie.

    Promis, juré, je ne dirais plus de mal de ce groupe qui semble bien parti pour remplacer les Beatles ou les Stones dans le Panthéon musical.

    On a la musique et l’époque qu’on mérite…

  • Le quadra largué et Tokio Hotel
    le jeudi 29 novembre 2007 à 17:46, fan2tokiohotel a dit :
    excusez mais je pense ke kan on est journaliste il fo areter de dire n’imlporte koi sans savoir de koi on parle ! Tokio Hotel n’est pa un groupe de hard rock, non, mai c’est un groupe de rock !!! personne n’a jamais dit que TH c’était de hard -_-’ bref moi je suis fan de Tokio Hotel et il ne faut pas trop généraliser il y a des adultes qui écoutent TH
  • Le quadra largué et Tokio Hotel
    le jeudi 29 novembre 2007 à 11:26, marisa a dit :
    Eh bien moi je suis une quadra non larguée du groupe tokio hotel. J’ai une fan à la maison et c’est difficile de passer à côté alors on finit par apprecier leur musique et le grain de voix du chanteur. Pour une fois qu’on a un petit groupe qui motivent la jeunesse pour la langue allemande c’est quand même drôlement bien.Et puis arrêtons de les comparer à des groupes mythiques, ils n’ont pas encore cette maturité, ils sont encore très jeunes et leur texte sont assez bien écrits évoquant tous les soucis des ados.Alors je vis la passion de mon ado, bon gré malgré, au fil de leur passage.Je ne vérère pas la star académy, j’y suis allée, j’ai même bravé le froid le lendemain 3 heures devant leur hôtel,je les ai vus au concert avec des boules quiès,et je vais les revoir à Bercy. Enfin bon en espérant que ça s’arrête là.Mais que ne ferait-on pas pour nos enfants et pour les beaux yeux de Bill le chanteur ! Longue vie au groupe.
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