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Le Grand Satan en excursion dans l’Axe du Mal

jeudi 11 janvier 2007 par Guillaume Barou
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À la recherche d’Hassan [1], ou comment, pour retrouver un cuisinier moustachu, une famille américaine parcourt en minibus les routes chaotiques d’un Iran plus poétique que pittoresque.

Des années avant la révolution khomeiniste, une famille américaine en Iran. Des Wasp, papa, maman et quatre petits garçons roux qui vivent avec un Jean-Pierre Coffe iranien, en plus poli – il s’appelle Hassan –, sa femme et leurs rejetons. Papa travaille dans le pétrole, comme bon nombre de yankees venus profiter du tropisme américain du Shah. Seulement voilà : les Ward ne sont pas tout à fait comme leurs compatriotes expatriés en Iran, qui vivent entre eux et ne côtoient que malencontreusement les basanées populations locales. Le père Ward – il s’appelle Patrick, comme tous les Irlandais –, arrivé en Iran après être passé par l’Arabie Saoudite, a quitté le sol US à la faveur d’une offre d’emploi pour l’Orient qui l’a sauvé d’une mésaventure courante à l’époque : être dénoncé pour conspiration contre la nation. Car Patrick est un vilain gauchiste, organisateur de grèves, militant anti-guerre et saltimbanque notoire (il fait du théâtre).

Dans la belle maison familiale, le cuisinier endosse d’autres rôles. « À sa manière, pleine de douceur et d’humour, Hassan gouvernait nos vies (…) Officiellement, il tenait notre maison, mais pour nous il était beaucoup plus. Comme Virgile, il nous guidait à travers le labyrinthe des bazars mal éclairés et nous enseignait avec amour toutes les traditions nécessaires pour faciliter notre entrée dans sa culture. Trapu et fort, doté d’une splendide moustache noire, il mettait à notre disposition sa sagesse populaire et sa finesse d’esprit. En l’absence de télévision, il nous présentait de façon hilarante, avec les bouffonneries de l’inénarrable mollah Nasruddin, les dilemmes de la vie et leurs sages solutions. Dans ses yeux, une étincelle brillait toujours ». C’est l’un des quatre enfants roux qui écrit, Terence Ward, devenu aujourd’hui « conseiller interculturel auprès d’entreprises et de gouvernements en Occident et au Moyen-Orient ». Dans À la recherche d’Hassan, le cuisiner-guide est la figure de souvenirs idéalisés. Car bientôt, un peu avant la révolution islamique, les Ward retournent aux États-Unis. Vingt ans plus tard, sans nouvelle du moustachu et de sa famille, nos Américains décident de le retrouver, avec pour seul indice une photo jaunie et le mauvais souvenir du nom d’un village, « Tudeshk », qui n’est mentionné sur aucune carte.

« Au début du printemps 1998, ma famille entreprit enfin le voyage de retour attendu depuis si longtemps ». Autour, un guide arménien veule, des chauffeurs kamikazes (iraniens donc) et la saveur du sol de l’enfance. Lyrique, parfois un peu trop, Terence Ward raconte surtout le peuple iranien et sa culture, loin de l’image paranoïaque de l’Occident et loin des mollah (même s’ils sont présents). La poésie iranienne, omniprésente, et les paysages millénaires relient d’incessants aller-retours entre présent, passé et antiquité. La recherche d’Hassan devient alors celle d’un Iran perdu, défiguré par les médias et de ses richesses. Lucides, les Ward sont témoins de la crainte de jeunes Iraniennes qui n’osent pas les aborder, derrière leurs prisons de tissu. Dans le même temps, ils admirent les infrastructures radicalement améliorées et une pauvreté largement réduite… Au cours d’une halte, maman Ward insiste pour aller prendre le thé avec maman Khatami, en l’absence de son fils. Ce début 98, tout juste élu, le président iranien, incarne un espoir bientôt déçu.

En 2006, la situation est moins idyllique. Entre Bush et Ahmadinejad, deux sympathiques amoureux de la paix, Iraniens et Américains semblent pris démocratiquement en otage. Terence Ward, depuis son livre, enchaîne conférence sur conférence pour répéter que les deux peuples sont loin des caricatures bellicistes qui les gouvernent. C’est Rumi, encore un poète, qui dans le livre récite le lieu de la rencontre, l’arrivée du voyage des Ward et du lecteur malin qui sera passé outre certaines pages un peu trop sucrées :

Loin au delà

Des idées de bien et de mal

S’étend un champ.

Je vous y attends.

[1] À la recherche d’Hassan, une odyssée américaine en Iran, de Terence Ward, traduit de l’américain par Sophie Azuelos, Intervalles, 474 p., Paris, 2006


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1 MESSAGES

Forum

  • Le Grand Satan en excursion dans l’Axe du Mal
    le dimanche 30 mars 2008 à 20:53
    Tres bel article plein d’espoir, j’espere qu’un jour beaucoup d’autres peuples se renconteront ainsi loin des sentiers battus de la politique…quoique etre americain et porter le nom de ward (qui veut en arabe dire "rose" au pluriel) peut aider, les plus intelligents reconnaisse la tendance peu colonialiste du peuple americain malgres son histoire et son administartion actuel, contrairement aux français qui sont reelement colonialistes comme peuple…
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