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La chute du voyou qui avait infiltré la presse

Bandit / jeudi 6 janvier par Xavier Monnier, Nicolas Beau
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Capable de vendre à prix d’or des articles bidons, de faire pression sur Mitterrand pour qu’il reçoive un dictateur, d’extorquer des millions à des pipoles ou à des patrons, Marc Francelet est l’homme de tous les réseaux.

Grande gueule, bon vivant, amateur de cigares et de coups fourrés, Marc Francelet est, depuis un quart de siècle, un formidable informateur de la presse parisienne. Le tout-Paris médiatique a fait de « Marco les bons tuyaux », comme on le surnomme volontiers, une de ses coqueluches. C’est que l’ancien photographe de presse possède un des plus beaux carnets d’adresses de la place de Paris : Jean-Paul Belmondo et Johnny Hallyday sont ses amis, André Santini et Patrick Balkany aussi, et également feu Françoise Sagan, Guillaume Durand, Franz-Olivier Giesbert, Hervé Gattegno, les paparazzi de Paris-Match

Marc Francelet - JPG - 28.5 ko
Marc Francelet
Dessin de Pavel

Ce qu’on savait moins, c’est que Marc Francelet avait amassé en Suisse un joli magot, dont la justice, hélas pour lui, a retrouvé la trace. Le 23 septembre, le parquet de Paris a renvoyé cette star des médias parisiens devant le tribunal correctionnel pour avoir extorqué des millions d’euros à plusieurs chefs d’entreprise. La sympathique tambouille journalistique de Marco ressemble désormais à une mauvaise bouillabaisse. Ce qu’on découvre aujourd’hui grâce à l’instruction menée successivement par les juges Philippe Courroye puis Jean-Christophe Hullin, c’est que Marc Francelet règne le plus souvent par la terreur. Interrogés sur leur soudaine générosité, les généreux donateurs de Marco ne se sont guère montrés bavards. « Ils avaient peur physiquement », témoigne un flic qui les a interrogés.

Ancien attaché de presse des frères Zemour, Marc Francelet fréquente toujours des réseaux peu recommandables, notamment gitans ou corses (lire son portrait ci-dessous). Le réquisitoire du parquet de Paris dont nous publions des extraits ci-contre mentionne que le sympathique Marco, entre deux plaisanteries grasses, était susceptible de se présenter à ses amis avec une arme à la main. Le genre, note toujours le parquet, à user de « fortes pressions psychologiques ». Les écoutes que les flics ont pratiquées sur cet informateur privilégié de la presse parisienne traduisent bien cet état d’esprit, disons un peu revendicatif : « Courroye, cet enculé de juge. » Parfois plus nuancé, Marc Francelet traite le juge de « psychopathe » et de « pervers ». « De la merde, dit-il, le magistrat va en avoir jusqu’aux yeux. » Après le champagne, du bien mauvais mousseux.

Showbiz, pègre et champagne pour tous

Tout juste sorti de l’adolescence, Marc Francelet est un opportuniste surdoué. Il comprend que, dans la presse, le plus lucratif, ce sont les relations. Marc devient le confident de Jean-François Devay, fondateur de l’hebdo d’extrême droite Minute. Puis rencontre Paul Pétridès, riche marchand de tableaux. Ça tombe bien. Deux braqueurs ont confié à Francelet un petit tas d’Utrillo volés. L’ami de la presse confie les toiles à Pétridès, qui les vend à de fortunés Japonais. Francelet commence une longue série de stages à Fleury-Mérogis. À sa sortie, il devient l’attaché de presse du gang des Zemour. Une équipe de pieds-noirs installés faubourg Montmartre à Paris, et aussi au SAC, la police parallèle gaulliste. Marco le séducteur parvient à convaincre Jacques Derogy, la star de l’Express, de bâtir un sujet de 30 pages dans son hebdo. Le thème : les Zemour sont victimes d’un acharnement policier. La direction du journal s’affole et ne publie que deux pages du panégyrique. Francelet vit alors dans l’ombre de collègues mourant parfois d’accidents du travail, une balle dans la tête. Dans le lot, Marc a une préférence pour Pierre Goldmann, ancien gauchiste condamné pour meurtre puis acquitté. Au sein de la firme Zemour, « Pierrot » a repris du service. La profession de gangster associé vaut à Marc un nouveau séjour en prison. Las, le 28 juillet 1983, alors qu’il promène son chien, Gilbert Zemour est assassiné. Marco est au chômage.

Excès… de vitesse

Ni une ni deux, Francelet remet le cap sur le showbiz. Principalement dans les pas de Jean-Paul Belmondo. L’acteur n’a-t-il pas présenté André Guelfi, dit «  Dédé la sardine », à Marco ? Dédé n’a qu’une obsession : obtenir que l’Élysée, alors occupé par François Mitterrand, invite son ami Karimov, le doux président ouzbek. Pour ce faire, Marco tient sa star, Françoise Sagan, à qui il demande de convaincre le Président d’inviter le tyran. La supplique va rester vaine. En attendant, Marco pique 1 million de dollars à Dédé, le prix pour publier un éloge de Karimov dans le Monde ! Berné, Guelfi n’aura ni l’Élysée ni le Monde. D’une combine l’autre, entre deux coupes de champagne, l’ami des journalistes vit bien. Mais parfois sa joyeuse vie a un bogue. Comme ce jour où il se fait arrêter à 250 km/h, au volant d’une Ferrari, et que les gendarmes découvrent que notre ami a un solde de prison à purger… En 1989, victime d’un attentat, un DC10 d’UTA s’est à peine écrasé que notre envoyé très spécial balance un scoop à Paris-Match : à bord de l’avion voyageait « Jacky des Halles », un braqueur reconverti dans le trafic d’armes. Voilà le pourquoi de la bombe à bord… Marc connaît bien Jacky. Naguère, le voyou lui a fourni les adresses d’un argent facile. Suffisait de secouer un peu les avares. On peut alors croiser Francelet volant à volonté dans le jet privé de la Lyonnaise des eaux, une compagnie tentaculaire où il se comporte avec l’aisance du PDG.

De Belmondo à Hallyday

Belmondo se lasse de son trop cher ami ? Johnny Hallyday prend le relais. Mais le noyau dur de la presse reste son officine. On y trouve des patrons et des investigateurs au-dessus de tout soupçon, des amis ou des obligés : Hervé Gattegno, passé de l’Obs au Monde et du Monde au Point ; Franz- Olivier Giesbert, chef du même canard ; Guillaume Durand ; Renaud Revel, de l’Express, avec la complicité duquel il monte « un chantier » contre Arnaud Lagardère. Marc peut aussi compter sur son antique camarade de l’Obs, François Caviglioli, et son voisin de bureau Serge Raffy. Notre héros plonge parfois les mains dans le cambouis, quand François Siegel est assez fou pour lui confier un poste à VSD. Il sera aussi un des piliers de Choc, au côté de Pierre Lescure.

L’embargo sur l’Irak de 1991 à 2002 est le genre de situation qui permet à notre sujet de donner sa pleine mesure. Avec l’appui technique de Loïk Le Floch-Prigent, il entreprend de ressusciter deux vieux puits de pétrole dans la région de Mossoul. Des derricks fantômes. En vrai, le but est de plumer Michel Coencas, un naïf qui avance les fonds, de l’argent qu’on lui dit nécessaire au jaillissement de l’or noir. Qui reste sous terre alors que les sous investis, eux, sont pompés vers de discrets comptes. Tout cela sous les yeux amusés d’amis du Mossad que Francelet rencontre régulièrement à Tel-Aviv.

4 millions d’euros de transactions sur ses comptes suisses

A lire le réquisitoire du parquet de Paris à l’encontre de Marc Francelet, accusé de recel d’abus de biens sociaux, de confiance et d’escroquerie, on découvre qu’un paquet de patrons généreux ont alimenté grassement les comptes suisses de « Marco les bons tuyaux ». Pourquoi ? Là commence le mystère : les généreux donateurs n’ont pas été très bavards…

Des « dons » à gogo

Là, de grands propriétaires immobiliers laissent Francelet encaisser un chèque de 115 553 euros qui ne lui est pas destiné. Et dont l’émettrice est une société pour laquelle il n’avait aucunement oeuvré. Ici, une petite aide d’un bijoutier : 70 000 euros dans les tuyaux de Marco. Un peu plus loin, les célèbres Coencas, père et fils, longtemps proches de Bernard Tapie, qui se délestent de 213 000 euros afin d’adoucir l’horizon du vibrionnant Francelet. Même le patron de Von Dutch, griffe de fringues un temps à la mode, crache au bassinet : 100 000 euros aux bonnes oeuvres de Francelet, dont le fils est un salarié maison.

« Pressions psychologiques »

Dispendieux, l’ancien camarade de Françoise Sagan n’oublie pas de régaler (ou de mouiller) la famille. Des vacances en Corse, huit jours à 161 920 euros ? Réglées par la société Vocalcom. Besoin d’un boulot pour sa douce, Vanessa Dubost ? Un job dégoté auprès d’une société qui vend des assurances-vie, et dont le patron tient une boîte échangiste à Paris. Et, pour assurer l’avenir, une galerie d’art helvète verse une obole de 575 000 euros sur un compte suisse. « Prêt », assure le galeriste. « Vente » de tableau, jure le comptable devant le juge. Qui subodore une entourloupe derrière tous ces détournements et abus de biens sociaux en faveur de Marco, sans que les proprios des boîtes mouftent. Ni bronchent lors de leur mise en examen. Aucun dépôt de plainte, pas même un signe de rébellion. Tout juste l’évocation de « fortes pressions psychologiques », de «  peur de représailles ». Sans doute la force du bagout. La science du détail. Par exemple solliciter un prêt en « se présentant muni d’une arme en expliquant qu’il se sentait menacé du fait de dettes contractées auprès de gens peu recommandables » suffit à Marco pour l’obtenir. De l’art de faire chanter les arguments.

Chômeur de luxe

Lobbyiste au bagout légendaire dans les couloirs de presse, directeur de collection évanescent chez Michel Lafon, le garçon n’a jamais déclaré toutes ses ressources. Et quand bien même les impôts ont eu en leur possession les documents des prêts financiers qui lui étaient consentis pour plusieurs centaines de milliers d’euros, le fisc n’a pas tiqué, en 2004, en voyant sa déclaration de revenus plafonner à moins de 40 000 euros. Et ne s’est pas même rendu compte que les Assedic régalaient le bonhomme de 4 000 euros mensuels pendant des années. Étrange ? Certes, mais toujours moins que les loufoques prêts dont l’ont abreuvé de richissimes hommes d’affaires.

Dessin de Pavel - JPG - 32.1 ko
Dessin de Pavel

Les multiples relais médiatiques de Marco-les-bons-tuyaux

Dans le fatras de la soixantaine de procédures judiciaires où son nom apparaît – alors qu’il a toujours un casier vierge –, une au moins donne son titre de gloire à Francelet et justifie son aimable surnom de « Marco les bons tuyaux » : la carambouille Iskandar Safa, du nom de cet aimable homme d’affaires libanais qui, durant de longues années, a souffert d’une mauvaise presse. Marchand d’armes, financier occulte de Charles Pasqua, détourneur de la rançon des otages du Liban et cible d’un mandat d’arrêt lancé en 2001… un CV bien rempli mais qui froisse une réputation.

150 000 euros l’article !

Bien heureusement, l’ami Francelet a les armes pour rétablir la vérité des faits auprès d’émérites journalistes. En 2005, une rafale de papiers vient garnir les colonnes des plus grands journaux. Le Point du 24 novembre s’apitoie sur la « situation kafkaïenne » du « PDG d’une entreprise française qui fait des malheurs à l’exportation, interdit de séjour dans l’Hexagone ». Au diapason, le Monde du 7 octobre paraît s’énamourer de « ce quinquagénaire athlétique, long et sec comme un fusil », à la vie « d’action et de risque, un roman qui mêle la guerre, le business et l’espionnage ». Aux gratte-papier, Safa a payé le billet, offert le logement et une montre. Marco les bons tuyaux, lui, a joué l’entremetteur avant de les chaperonner. Et ce n’est bien évidemment pas le virement de quelque 150 000 euros d’Iskandar Safa vers le compte du fiston Francelet, au moment où le Point publie l’article, qui a généré cet activisme…

Tous frais payés

La justice s’est interrogée sur ces étonnantes pratiques. Jusqu’à ouvrir une enquête pour corruption d’agents privés qui a amené l’audition de grandes plumes de presse. Dans les locaux de la brigade de répression de la délinquance financière parisienne, les flics intrigués ont eu la joie de découvrir les fines nuances de la déontologie.

Se faire payer un billet par un sujet d’enquête pose-t-il un problème éthique ? « Non, aucun, et vous n’êtes pas qualifiés pour juger, s’indigne Hervé Gattegno, l’auteur de l’article du Monde. Le fait que M. Safa ait pris l’initiative de m’adresser un billet d’avion n’a aucunement porté atteinte à mon indépendance de journaliste. » Et à sa bonne conscience ? « J’ai fait faire des économies à mon journal. » Enfin un plumitif responsable ! Un cas si rare que Franz-Olivier Giesbert l’a, depuis, recruté comme rédacteur en chef au Point. La légende ne dit pas si c’est après qu’ils se sont croisés chez les poulets, où FOG a aussi dû picorer pour justifier les liens entre son journal et Francelet. « Je le connais depuis une trentaine d’années (…). Je confirme que Marc Francelet pouvait ouvrir certaines portes. » Quant à l’article incriminé, le patron de presse avoue « ne pas s’être posé la question de la rémunération de Francelet ».

Conclusion, un tantinet moqueuse du parquet, dans son réquisitoire en date du 23 septembre : « La prise en charge des frais de transport et de séjour par une personne faisant l’objet d’un reportage, sans être courante, n’en était pas moins admise à la pratique. » Le non-lieu a été requis pour la corruption, en attendant la décision du juge.

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Héros aussi polymorphe que Tintin ou Martine, Marc Francelet a distribué son talent dans de nombreux domaines. Des tranches de vies de cet illustre personnage dont Bakchich, vous propose un aperçu, forcément succinct mais déjà (…)
Ancien photographe de presse, informateur, lobbyiste, homme de réseaux et nouveau conseiller de la direction de "Choc", Marc Francelet a été écroué le 29 mars. L’occasion pour « Bakchich » de revenir sur les mille vies d’un homme pressé plein de (…)

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4 MESSAGES

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  • La chute du voyou qui avait infiltré la presse
    le mercredi 19 janvier à 01:02
    Francelet s’est tapi…
  • La chute du voyou qui avait infiltré la presse
    le vendredi 7 janvier à 08:42, JFC a dit :

    J’ai eu l’occasion de croiser le cow boy en question (que j’ai viré de mes affaires après deux entretiens !) chez Michel Coencas qui avait créé une société du nom de Tanker Oil & Gaz (fonction de M. Francelet, communication manager). Vous faites une petite erreur, ce n’est pas avec l’appui de Loïk Le Floch-Prigent qu’ils espéraient rentrer en Irak. Mais grâce au général Jeannou Lacaze qui avait un bureau mis à disposition par Michel Coencas au deuxième étage du siège social de ses diverses entreprises (75008). Le Floch-Prigent était bien présent dans ce dossier mais comme conseillé technique uniquement… Pour le reste de ce paragraphe, vous avez raison.

    J-F C – Moscou

    P.S. : Le Nanard y passait aussi chaque semaine au minimum deux fois.

  • La chute du voyou qui avait infiltré la presse
    le jeudi 6 janvier à 20:49, blablablietblablabla a dit :

    Le con ça alors il faut le faire ça ,il a pas rencontré Bernard Tapis par hasard ,sauf que là c’est en pire le mec n’a vraiment pas de figure.

    Une racaille bien sous tout rapport,en plus avec un pétard à la main avec le risque que ça encoure .

    Vous allez voir qu’il ne risquera rien lui 6 mois de placard et hop ni vu ni connu hé il connait du monde le loulou .

    C’est fou ça moi j’ai un métier dans les mains et je travaille de mes mains, mais alors quand je vois des gus comme ça qui n’ont rien et qu’ils reçoivent le bon dieu sans confession de la part du gratin parisien ça me sidère et le pire c’est que y a n’a qui tombent dans le panneau avec des gus comme ça, alors qu’on les voit arriver gros comme une maison.

    Ceci dit bravo pour votre article bakchich et vos enquêtes je vous tire mon chapeau !!

  • La chute du voyou qui avait infiltré la presse
    le jeudi 6 janvier à 14:14, Phil2922 a dit :
    Ne m’appelez plus jamais Francelet, la justice va me laisser tomber… !
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