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La Droite Est Là, La Droite Est Là, La Droite Est Là Mais Le P"S" Ne La Voit Pas…

18 mai 2008 à 17h32

Nous savons ce qu’il en est du gouvernement de guerre de classes qui prétend régner sur nos vies.

Ca fait un an et douze jours que ces mecs-là sont là, puuuuutain que c’est long, et nous savons ce qui les anime : la haine.

La haine, absolue, de tout ce qui n’est pas eux - et qui par conséquent doit vitement disparaître.

Ca fait un an et douze jours que ces mecs-là sont là, et nous savons très bien que "ça va mal finir" - comme l’a pronostiqué un homme qui est peu suspect a priori de vouloir adhérer demain à la CNT, puisqu’il s’agit, tu l’as reconnu, de François Léotard.

Ca fait un an et douze jours que ces mecs-là sont là, et même François Léotard devine, au vu de leur usage quotidien, qu’ils vont avant quatre ans réveiller le vieux fond d’insoumission qui fait qu’à intervalle régulier, nous basculons, en France, de la simple révolte, Sire, à une franche exaspération.

Et là (dans ce moment où même François Léotard pressent des lendemains énervés), que fait le Parti "socialiste" ?

Je te pose la question : est-ce que, profitant que l’opinion en a ras le bord du bol de Nini Talonnettes, le P"S" voit enfin, mieux vaut (très, très) tard que jamais, que son avenir politique est dans l’arrêt de ses reniements, et dans la (ré)affirmation de quelques-uns des principes qui en firent, en un temps que les moins de 85 ans ne peuvent pas connaître, une formation de gauche ?

Penses-tu !

Comme tu sais : le félon qui a pris le pli de se dorer la réforme au réchauffant soleil de la concurrence-libre-et-non-faussée a beaucoup de mal, ensuite, à revenir aux glaçantes réalités de la guerre sociale.

Adoncques.

Durant qu’une droite haineuse et revancharde étend sur nos vies son emprise par le traditionnel moyen de la coercition (policière, éventuellement), comme pour mieux nous prévenir que la démocratie bientôt sera un souvenir ancien.

Durant, disais-je, que la droite nous harasse, le Parti "socialiste", Le Monde l’annonce aujourd’hui : "Cherche une parade à la montée en puissance d’Olivier Besancenot".

Tu le sais, ami(e) : c’est au choix de ses priorités que s’identifie le politicien de profession (et de prébendes, il va de soi).

Les "socialistes" sont, clamons-le : des clowns.

Pitoyables, certes, mais de surcroît, dans le moment où les Versaillais se débondent : dangereux.

Les "socialistes", aux jours où la droite régimaire ne règne (déjà) plus que par des peurs dégueulasses qui font dire même à Léotard que ça va mal finir, voient plutôt comme péril, dans leur paysage, celui, rouge, d’une gauche qui n’aurait pas, comme eux, hissé la trahison au niveau d’une way of life.

D’où vient-ce ?

D’où vient que le "socialiste" hexagonal, plutôt que de s’atteler enfin à la mise en pièces de la droite régimaire, préfère contenir la horde besancenotiste ?

L’explication nous est fournie, indirectement, par une excellence : Xavier Bertrand.

Dans le Journal du dimanche, Xavier Bertrand, qui est, comme tu sais, préposé à Versailles à blouser le salarié, observe en effet, ce matin, que le P"S" est, je cite : "Un parti où la lutte pour le pouvoir prend le pas sur le débat d’idées".

Puis, que, je cite encore : "Le Parti socialiste a plus de candidats à l’élection du premier secrétaire que d’idées nouvelles, la seule depuis un an a été de proposer un changement de nom !"

Comme c’est vrai !

Comme c’est lucidement observé !

Bravo, Xavier Bertrand !

Clap-clap-clap-clap-clap !

(Il suffit, pour le vérifier, de lire dans son entier l’"entretien avec Manuel Valls", député-maire "socialiste" d’Evry (Essonne), que publie ce trimestre la revue réactionnaire Le Meilleur des mondes : c’est de bout en bout épouvantable, c’est plein de gros morceaux de langue de bois laurentjoffrique (genre "une-certaine-vulgate-marxiste-présente-dans-toute-la-gauche-française-et-parmi-certains-intellectuels-nous-a-empêchés-de-théoriser-les-évolutions-de-la-société"), mais ça propose en effet que le P"S" change de nom, parce que bon, "le mot socialisme" a certes "entraîné des générations d’hommes et de femmes" en leur donnant "l’espoir, la force de vivre et de se battre", et ça, n’est ce pas, c’est formidablement émouvant - mais, n’autre côté, faut bien voir aussi que ce mot "est (…) associé à l’Etat providence, appartenant au passé ou au communisme, qui fut une tragédie".

Un enfant de trois ans et demi, raisonnablement allergique à la burlesque loghorrée des petits marquis rose (très) pâle de la ceinture francilienne, me posait l’autre jour cette question pleine de bon sens : "Hey, man, que restera-t-il dans vingt-cinq ans de Manuel Valls ?"

Il restera quelques ridicules éditoriaux barbichus dont la relecture devrait te faire bidonner, lui ai-je répondu.)

Xavier Bertrand le souligne avec beaucoup de fine justesse : il n’y plus même, depuis maintenant beaucoup d’années, le commencement d’un quelconque "débat d’idées" au P"S", pour la simple et bonne raison, facilement vérifiable, que les apparatchiks de la rue de Solférino (pléonasme), outre qu’en effet leur principale préoccupation tient dans les califats (prébendiers) que leur vaudront leurs manoeuvres d’appareil(s), sont absolument tou(te)s d’accord pour considérer que l’avenir de la gauche, c’est la droite.

(Sauf Jean-Luc Mélenchon, d’accord.

Mais Jean-Luc Mélenchon était, l’as-tu noté, quelque peu occupé, ces dernières semaines, à (nous) lire des communiqués du Parti communiste chinois (populaire), d’où ressortait, en substance, que les moines tibétains sont des tigres en papier.)

Tou(te)s les socialistes (sauf celui, admettons, qui applaudit à la répression de l’autonomisme des lamas) sont d’accord pour considérer que le capitalisme est une philosophie terriblement épanouissante, pour peu qu’on le régule.

Manuel Valls, dans la revue réactionnaire Le Meilleur des mondes, formule ça comme ça - et montre, au passage, qu’il a bel et bien lu (c’était donc lui) de près les cinq derniers bouquins de Laurent Joffrin : "La gauche européenne a le rôle historique d’inventer les outils de la régulation face à la Chine ou aux Etats-Unis".

(C’est, l’as-tu remarqué ?

Exactement l’objectif que le chef de l’Etat français a récemment assigné à la droite hexagonale.

Comment que les grands esprits se rencontrent…)

Dans la vraie vie, naturellement : le patronat rit du bon tour que le P"S" joue ainsi au bon peuple - en lui faisant croire que le marché peut se laisser maîtriser.

Le patronat sait parfaitement, et pour cause, que dans la vraie vie, c’est la mondialisation qui régule, de longue date, le P"S" - et non l’inverse.

Les "socialistes", naturellement, le savent aussi - je te rappelle ici, pour le cas (douteux) où tu l’aurais oublié, que cette réalité fut naguère théorisée par Lionel Jospin himself, dans cette apostrophe restée fameuse : "Salarié(e)s de Renault-Vilvoorde, allez donc vous faire enculer !"

Dès lors, évidemment - et j’en reviens au sujet de ce billet-qui-n’en-finit-pas : le véritable ennemi (de classe) du Parti "socialiste" n’est pas (du tout) le chef de l’Etat français, qui partage très fort son envie de faire semblant de réguler fermement les marchés - mais la gauche de gauche : une gauche encore attachée à deux, trois vieilleries sentimentales, et qui a compris depuis un assez long moment que la seule régula(risa)tion que souffrent les capitalistes est celle, au cas par cas, des salarié(e)s sans-papiers qui leur polissent l’arrière-cuisine.

D’où la priorité nouvelle du P"S" : contrer, non les coups de force d’une droite régimaire dont il partage, au fond, les vues - mais "la montée en puissance d’Olivier Besancenot", qui incarne, quoi qu’on en pense, une alternative possible.

Pour ce faire, pour taper sur la gauche de gauche : tous les moyens sont bons, rue de Solférino - y compris, et surtout, ceux qui sont répugnants.

Ainsi, Le Monde l’observe : "Devant le bureau national du 13 mai, le député de Paris Jean-Christophe Cambadélis a comparé le sens de la prestation d’Olivier Besancenot à celle de Jean-Marie Le Pen en février 1983 à l’"Heure de vérité"".

L’intention de Cambadélis, évidemment, n’est pas de salir Besancenot.

Peeeeenses-tu.

C’est juste que, déclare-t-il : "Sans faire d’amalgame, dans les deux cas, il s’agit d’un passage du statut de leader extrémiste à celui de leader comme les autres".

Je fais pas d’amalgame, hein ?

Prévient Cambadélis, dont l’extrême dignité sera encore enseignée en 2355 dans les cours de maintien.

Mais je fais quand même un amalgame, histoire de suggérer qu’il y aurait quelque chose comme une continuité, du Pen à Besancenot.

(Ami(e).

"Sans faire d’amalgame".

Je voudrais te rappeler, ici, et maintenant.

Qu’il y a tout de même, entre Olivier Besancenot et Jean-Christophe Cambadélis, une différence - pas forcément négligeable.

C’est qu’Olivier Besancenot, lui, n’a pas, que l’on sache, reçu d’argent d’un ex-cadre du Front national.)

François Hollande, pour sa part : "Soupçonne le gouvernement de favoriser" Besancenot.

Car évidemment : ce ne sont pas les idées que porte la gauche de gauche (cette gauche qui, à l’inverse du P"S", n’a pas encore tout renié de ce qui la constitue), qui lui assurent ces temps-ci de notables succès.

Bien sûr que non, voyons !

Si la gauche de gauche marque des points, c’est parce qu’elle bénéficie d’un coup de pouce du gouvernement : n’importe quel théoricien du complot te le confirmera.

Julien Dray, enfin, estime qu’Olivier Besancenot incarne : "Un fatalisme, un esthétisme de la minorité".

Car le peuple, c’est bien connu, s’identifie d’abord par sa connerie congénitale - ainsi que l’a montré il y a trois ans, et aux urnes (dans un mouvement dont le P"S" l’a finalement puni en plébiscitant le "mini-traité" cher à Nini Talonnettes), son opposition à l’Europe d’Estaing.

En foi de quoi, si le peuple conçoit de la sympathie pour Besancenot, ou plus généralement pour qui percevrait que le capitalisme peine à faire la joie des familles ?

Ce n’est pas (du tout) parce que le peuple ne supporte plus que de sinistres clowns de "gauche", mais de droite, cramponnés à leurs sièges, continuent de lui dire au creux de l’oreille qu’ils sauront le raser gratis en lui régulant, c’est promis, la flexibilité - ainsi qu’ils firent à Vilvoorde (et en tellement d’autres endroits).

Si le peuple a des envies d’une gauche enfin assumée, qui ne soit pas d’abord préoccupée du maintien de ses baronnies, mais de "chercher une parade à la montée en puissance" des coups de boutoir du régime ?

C’est parce qu’un sourd "fatalisme" le ronge.

(Car ce peuple crétin n’a pas encore compris que la seule fatalité qui vaille est celle de la "régulation" qui lui permettra, s’il vote bien, s’il vote pour la "gauche" de droite, pour les "socialos" donc, de bosser toujours plus, pour gagner toujours moins.)

Pour conclure, Le Monde cite un (nouveau) penseur de gros niveau : "Olivier Ferrand, président de la nouvelle fondation Terra Nova", qui est financée par Bill Gates mais "qui veut contribuer au renouvellement des idées de la gauche".

(Ark, ârk, ârk.)

Ferrand est devenu, en trois jours, chrono, la nouvelle coqueluche de la presse qui ment - et qui veut, comme le Parti "socialiste", nous faire croire que notre avenir est libéral, donc radieux.

Que dit Ferrand ?

Ferrand dit que, pour contrer "la montée en puissance d’Olivier Besancenot", qui l’inquiète si fort.

Pour contrer la Menace Rouge.

Le P"S" doit, promptement, "refonder le modèle de l’Etat-providence qui ne fonctionne plus et crée des inégalités".

(Ce même Etat-providence qui, rappelle-toi, appartient selon Manuel Valls "au passé ou au communisme, qui fut une tragédie", et dont Lionel Jospin, encore lui, nous avait tôt prévenu(e)s qu’il "ne (pouvait) pas tout".)

Car du point de vue de ces divertissants pitres qui veulent "contribuer au renouvellement des idées de la gauche" avec l’argent de Bill Gates, tu l’auras compris : ce n’est pas (du tout) le capitalisme, qui "ne fonctionne plus".

Ce n’est pas (du tout) la droite, qui "crée des inégalités".

Oooooh ben non, foutredieu.

C’est le communisme étatique - dont le joug n’a que trop pesé à nos frêles épaules.

Alors évidemment, si après ça tu votes encore pour un facteur bolchevique (1), le P"S" t’aura prévenu(e) : faudra pas que tu viennes pleurer, quand ta longère morvandiote sera collectivisée…

(1) Ce qui, soit dit en passant, n’est pas mon cas.

Tu Quoque, Mi Dély ! C’Est Pas Trop Dur, Philippe (Val), D’Etre Aimé Par Des Sarkozystes ?