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Ivry Gitlis : le violon nomade

30 mars 2009 à 09h13
Ce soir sur Arte, très touchant road movie musical d’un violoniste hors norme : Ivry Gitlis.

Des hauteurs de Massada, un homme avance au loin, de la taille d’un grain de sable dans cette étendue désertique. Sa démarche est celle d’un être en communion avec la nature. Peu à peu il prend forme, se rapproche, s’assoit et nous dit : « Y a pas de silence. Ca n’existe plus. C’est très grave, cela ne donne plus le temps de la pensée. »

Dès les premières minutes, le ton est posé. Ivry Gitlis a à peine commencé de parler que déjà nous sommes happés. Happés par l’histoire de ce petit garçon qui dès l’âge de 5 ans voulu un violon. Par cette famille qui se cotisa pour lui offrir. Par ce talent qu’il démontra très vite. Par sa rencontre décisive avec Bronislaw Huberman. Son départ pour l’Europe, son entrée au Conservatoire de Paris à l’âge de 11 ans, ses premiers concerts et cette carrière fulgurante qui commença il y a près de 70 ans.

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Ce documentaire portrait, tout en finesse et subtilité, réalisé par Sandra Joxe, se déroule en un mouvement unique d’allers-retours incessants, laissant libre cours à la parole, entre passé et présent. Les images d’archives nous font entendre le musicien tandis qu’Ivry Gitlis nous le raconte, et pas seulement.

Qu’il évoque son passé lointain ou récent, qu’il parle de son violon en particulier ou de son rapport à la musique en général, Sandra Joxe saisit l’instrumentiste au vol : « J’ai pris le parti de l’émotion. Car au-delà de son intelligence ravageuse et de sa virtuosité légendaire, c’est sa sensibilité à fleur de peau, son inquiétante étrangeté, les contrastes de son jeu âpre et sensuel qui ont fait de lui un "grand" ».

Nous connaissions le violoniste et nous découvrons l’homme. Un homme de la rue, des gens, de la vie. Un homme qui n’a de cesse de répéter que « pour être un bon violoniste, il faut être autre chose aussi. » Un homme libre, un acteur (pour François Truffaut notamment) et un impertinent, assurément !

Libre car laissant la part belle à l’imagination, source de créativité, forcément. Pas étonnant de la part de celui pour qui, depuis son enfance, l’improvisation dans la musique a toujours été un élément naturel de vie.

Impertinent car se refusant aux règles académiques, celles du travailleur acharné, considérant que « la vie étant déjà un travail, pourquoi travailler ? ». L’essence de la musique, pour lui, est celle de la rencontre des âmes et des corps. C’est ce qu’il mettra en œuvre à travers la création du Festival de Vence en 1972. Des initiés aux amateurs, des reconnus aux moins connus, il créera le terreau de rencontres et de vocation à venir.

Un homme seul aussi et qui, face au mur des lamentations, se sent étranger en son propre pays, rappelant ainsi son prénom : Ivry, l’homme qui passe en hébreu. De passage, il l’est : partout et nulle part à la fois. De son Israël natal, Paris, Londres ou Amsterdam, Ivry Gitlis n’a jamais vraiment su se poser. Car finalement, sa musique n’est que partage, sans frontières.

Sacha

Chers jeunes collègues de nouvelles générations,

Ayez le courage d’être vous-même,

De prendre des risques,

Travaillez votre instrument de façon à vous libérer de toute contrainte psychologiquement technique pour pouvoir créer lorsque vous jouez,

Soyez à l’écoute de votre oreille interne, celle qui est connectée directement à votre cœur et à votre esprit,

Souvenez-vous qu’une belle fausse note vaut mieux que mille notes soit disant justes et qu’un jeu hygiéniquement et cliniquement correct n’est pas nécessairement signe de bonne santé.

Bon courage et bonne santé.

Ivry Gitlis