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Irak, les élections de la deuxième chance

Processus / mardi 3 février 2009 par Malika Rededal
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Les élections provinciales irakiennes se sont déroulées dans un calme relatif ce week-end. Avec 51 % de participation, elles donnent en tête la liste du premier ministre Nouri al-Maliki dans la majorité des régions chiites.

Les élections irakiennes de 2005 avaient été un désastre, boycottées par les sunnites, marquées par de nombreux attentats, des fraudes et du ressentiment à l’égard de l’occupant américain. Après des années d’affrontements sanglants ayant tourné à la quasi guerre civile, 15 millions d’Irakiens ont remis le couvert ce samedi 31 janvier. Au programme : des élections provinciales qui se sont déroulées sous un nouveau jour et pourraient virer au plébiscite du roué Premier ministre, le chiite Nouri al-Maliki.

« Toutes les élections sont pareilles. Je ne voterai pas, il n’y a pas de justice. De toutes les façons, les politiciens font ce qu’ils veulent. Ils ne veulent que tirer des avantages de leurs fonctions. Pas nous aider ». Firas Sattar Jabbar Ahmed, un vendeur de jus de fruits de 31 ans, résume un peu l’impression générale de la population vis-à-vis de ses dirigeants. Il faut dire que le pays arrive toujours en tête du triste classement mondial de la corruption. Et dans le quartier sunnite d’Adhamiyah, dans la banlieue de Bagdad où il est installé, si les violences ont radicalement baissé depuis un an, certains comme Firas, ex-soldat de l’armée de Saddam Hussein qui ne touche aucune pension militaire, ont toujours les nerfs à vif.

« Inch Allah, j’ai voté en 2005. J’espérais que les choses iraient mieux, qu’il y aurait moins de violences, moins de chômage… Et ils n’ont rien fait pour nous, tout est toujours pourri. Pour toucher ma pension, je suis allé voir le gouvernement provincial, qui m’a dit "c’est pas de notre responsabilité, il faut voir le gouvernement central". Et au gouvernement central, ils m’ont dit l’inverse », raconte l’ancien militaire.

Nouri al-Maliki, en passe de devenir l’homme fort de l’Irak

Selon la Constitution controversée adoptée en 2005 par référendum (là aussi avec abstention des sunnites), l’Irak est un Etat fédéral avec Bagdad comme capitale, divisé en 18 provinces disposant d’un gouvernement local. Trois de ces provinces, qui forment le Kurdistan irakien, disposent depuis — c’était le cas avant la chute de Saddam Hussein — d’une autonomie de fait. Ce qui n’est pas sans provoquer de tensions avec l’Etat fédéral, dirigé d’une main de fer par le Premier ministre chiite, Nouri al-Maliki.

Très impliqué dans la campagne des élections provinciales, ce dernier est en passe de devenir l’homme fort de l’Irak. Chef du Dawa, un parti islamiste chiite qui, dans les années 1980, appelait au djihad contre le dictateur sunnite Saddam Hussein, il avait fui l’Irak pendant plus de deux décennies — pour éviter le sort funeste réservé aux opposants à l’époque — avant de revenir une fois le « Régime », comme l’appellent les Irakiens, tombé.

Parlementaire quasi inconnu avant d’accéder au pouvoir en avril 2006, il ne brille pas par son charisme : physique de bouledogue, mine de papier mâché. Au point que Washington avait plusieurs fois songé à le remplacer, avant de décider de ne pas risquer une nouvelle crise dans la poudrière irakienne. Et aussi parce qu’il avait, entre temps, fait la preuve de son habileté à manoeuvrer dans les eaux troubles, voire sanglantes, de la politique irakienne.

Merci au « surge »

L’homme a vraiment explosé (pour faire un mauvais jeu de mots), grâce au « surge », la grande offensive des forces américaines et irakiennes qui a permis de faire baisser drastiquement les violences. Petite rétrospective. Après leur invasion de mars 2003, les Américains n’ont jamais vraiment réussi à réduire les insurgés irakiens, qu’ils soient chiites (58% de la population) ou sunnites (25%). En 2005, les violences explosent. L’offensive insurgée, au départ dirigée contre les occupants américains, dégénère en quasi guerre civile qui voit s’affronter factions sunnites et chiites. Des escadrons de la mort des deux confessions font des ravages. Les morts se comptent par dizaines de milliers.

Mais les extrémistes religieux, dont Al-Qaida, vont trop loin dans les violences et leur application de la loi islamique. Et finissent par se mettre à dos une bonne partie de la population. Les Américains et Maliki sentent alors tourner le vent et décident de s’appuyer sur ce rejet. Ils créent et financent les « Sahwa », des milices chargées de lutter contre Al-Qaida au départ, puis contre tous les insurgés, sunnites ou chiites. Des milices souvent formées elles-mêmes d’anciens insurgés.

En parallèle, le général David Petraeus, commandant en chef des troupes américaines en Irak, applique des tactiques de contre-insurrection directement inspirées de théoriciens militaires français, qui avaient mis au point ces tactiques en Indochine, et surtout en Algérie. Avec le succès que l’on sait… Mais la méthode semble mieux prendre en Irak.

Résultat : une baisse notable des violences, Al-Qaida est largement affaiblie, et Maliki a réussi à se rallier les « Sahwa », majoritairement sunnites. Il décide alors de s’attaquer aux insurgés chiites, notamment les hommes du puissant leader radical Moqtada Sadr. Deux grandes batailles opposent les forces irakiennes et américaines aux sadristes en 2008, à Bassorah, capitale économique du pays dans le sud, stratégique car riche de 70 % du pétrole irakien, et dans Bagdad. Après des semaines de combats et des milliers de morts, les sadristes déposent les armes.

Maliki négocie pour un retrait des soldats US

Ces succès, Maliki a réussi à les mettre à son actif aux yeux des Irakiens. Et pour cimenter la population de son pays ravagé par la guerre, il joue depuis sur la promesse d’aider à améliorer le quotidien des Irakiens – on l’a vu l’été dernier distribuer des liasses de billets à la population lors de tournées dans les quartiers pauvres —, et le sentiment nationaliste des Irakiens, tapant sur les Kurdes accusés d’être égoïstes et trop indépendants, et sur les insurgés qui ne respectent pas « l’Etat de droit », son grand credo. Surtout, il a négocié avec acharnement, pendant des mois, un accord avec Washington prévoyant le retrait des soldats américains pour fin 2011. Alors même que l’ancien président US George W. Bush était au départ totalement opposé à une quelconque date de retrait, ce que le Premier ministre a finalement obtenu.

Enfin, ce gros malin a laissé filtrer jeudi la nouvelle que la société de sécurité Blackwater, qui assure notamment la sécurité des officiels américains dans le pays, ne verrait pas sa licence de travail renouvelée en Irak, ce qui l’oblige de fait à quitter le pays. Six agents de Blackwater sont poursuivis aux Etats-Unis pour une fusillade en septembre 2007 à Bagdad : la justice américaine estime qu’ils ont ouvert le feu sans raison, ce qui a coûté la vie à 17 civils désarmés, selon l’enquête irakienne. L’enquête américaine conclue, elle, de son côté à 14 morts. Cet incident avait déclenché une violente indignation en Irak.

Sa vision rencontrera-t-elle un écho populaire, c’est ce que dira l’après élections provinciales qui, si elles lui sont favorables (on en prend le chemin selon les dernières estimations), pourraient l’aider à asseoir son pouvoir. Même si les extrémistes de Sadr, réfugié en Iran, sont durablement affaiblis, ses alliés au gouvernement du Conseil suprême islamique en Irak (CSII) s’opposent de plus en plus à lui, mais il pourrait ratisser beaucoup plus large, notamment chez les sunnites qui apprécient son discours non religieux. Et les leaders religieux des deux bords, sunnites et chiites, ont appelé à aller voter en masse pour ne pas renouveler l’échec de 2005 et ainsi retomber dans une ambiance délétère. Le Grand Ayatollah Ali Sistani, plus grande autorité de l’Islam chiite, a même exhorté les Irakiens à voter en se refusant à donner une consigne de vote. Une petite révolution dans ce pays ultra-religieux.

Un religieux membre d’un parti islamique

Même l’ONU s’est réjoui dans un communiqué. « Le peuple irakien a montré de manière écrasante sa détermination à conduire des élections libres et justes sans se laisser décourager par les tactiques d’intimidation », a affirmé l’émissaire spécial en Irak du secrétaire général de l’ONU, Staffan de Mistura.

Elections, mode d’emploi

Au total, 14.431 candidats se disputaient 440 sièges dans 14 des 18 provinces d’Irak, au scrutin proportionnel à un tour. Les électeurs avaient le choix entre différentes listes, mais pouvaient aussi voter s’ils le souhaitent pour un candidat en particulier de la liste choisie.

Des élections devraient se tenir plus tard dans l’année dans les trois provinces du Kurdistan autonome (Erbil, Dohouk et Souleimaniyeh), dans le nord du pays. Le scrutin a été reporté dans la province de Kirkouk (nord), riche en pétrole, revendiquée par le Kurdistan mais que Bagdad veut garder dans son giron.

La loi électorale prévoit que les listes en compétition doivent présenter au moins 25% de femmes. De fait, 3.912 femmes étaient en lice, soit 27,12% des candidats.

Pas d’angélisme cependant : si Maliki joue la carte nationaliste et se présente comme voulant appliquer la même loi à tous, il reste un religieux membre d’un parti islamique. La laïcité n’est pas encore à l’ordre du jour. Mais le pragmatisme prévaut désormais : la religion a fait trop de morts. Et la population n’en peut plus des violences et aspire au retour à une vie normale. Avoir l’eau courante, de l’électricité, du travail, un toit sont désormais les préoccupations de chacun, la sécurité n’étant plus une préoccupation permanente. La résilience de la population irakienne ne peut d’ailleurs qu’impressionner tout étranger.

A Adhamiyah, chez Firas Sattar Jabbar Ahmed le râleur, l’ambiance a bien changé par rapport à il y a 18 mois encore, lorsque les habitants du quartier affrontaient leurs voisins chiites de Kadhamiyah, de l’autre côté du Tigre. A l’époque, les tirs de mortiers de part et d’autres étaient quotidiens, les attentats en tous genres — voitures piégées, bombes artisanales — également. Un bilan précis est impossible à tirer, mais les morts se sont au moins comptés par milliers dans ces deux quartiers de plus de 1,6 million d’habitants au total, sur les 7 millions que compte la mégapole.

L’Irak, un semblant de normalité retrouvé

Aujourd’hui, Adhamiyah et Kadhamiyah sont des chantiers à ciel ouvert. Partout des ouvriers s’affairent, réparant des bâtiments éventrés, rebouchant les trous de la chaussée défoncée. Les magasins ont rouvert leurs stores sur les artères commerçantes qui grouillent de monde. Même si l’intérieur des commerces reste souvent plongé dans une semi-obscurité faute de courant, les Irakiens ont retrouvé ici un semblant de normalité. Les combats ont cessé à Bagdad depuis avril 2008. Et pour stabiliser la situation, le gouvernement a compris qu’il fallait reconstruire au plus vite, pour ne pas laisser s’installer une trop grande misère, berceau de toutes les colères et frustrations et de l’extrémisme.

Seul problème, l’économie mondiale s’est effondrée, tout comme le prix du pétrole (passé de 147 dollars le baril en juillet dernier à moins de 42 dollars vendredi), qui représente 95 % des revenus de l’Etat. De plus, quoique les réserves irakiennes soient les troisièmes au monde (115 milliards de barils), l’infrastructure pétrolière est totalement délabrée après trois guerres (avec l’Iran dans les années 1980, la première guerre du Golfe, la seconde en 2003) entrecoupées de douze années d’embargo international, et la production n’est toujours pas revenue au niveau du temps de Saddam.

Aux carrefours de toutes les grandes villes d’Irak, les forces de sécurité omniprésentes — « Sahwa », policiers ou soldats irakiens — et les patrouilles d’énormes blindés américains rappellent que la guerre s’est arrêtée il y a peu. Des blocs de béton anti-explosion coupent toujours certaines rues, nécessaires car le fléau des attentats reste quotidien – une dizaine de morts violentes sont recensées chaque jour dans le pays par les envoyés de l’ONU (ce ne sont que les décès constatés, il en manque beaucoup, de l’avis des autorités elles-mêmes), et les journées sans détonation plus ou moins lointaines ou tirs d’armes automatiques sont rarissimes. La situation est tendue, comme le montre la mort de six candidats aux élections, dont trois jeudi. Et côté respect des droits de l’homme, cela reste toujours un désastre, selon un rapport de l’ONG Human Rights Watch. Enfin, les journalistes étrangers venus couvrir le scrutin ont intérêt à serrer les fesses (voyez ce qui est arrivé à nos confrères de la radio américaine NPR).

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Après un crash d’avion en 2004, les barbouzes de la société américaine Blackwater sont poursuivis par les veuves des soldats morts.
Sixième volet de notre saga « géopolitique iranienne pour les nuls ». 2006, Les Américains perdent la confiance des chiites et se tournent vers les sunnites, sans succès. Alors que le chaos s’installe durablement, tout le monde prépare la prochaine (…)
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2 MESSAGES

Forum

  • Irak, les élections de la deuxième chance
    le mardi 3 février 2009 à 21:59

    A Londres, un crétin a balancé une grole au Premier Ministre chinois cette semaine en le traitant de dictateur. Lamentable !

    Celui qui avait inauguré le "chamboule tout" était un irakien, qui envoyait ses pompes à la tronche de celui qui a apporté la guerre dans son pays en agitant le drapeau de la démocratie. Il est toujours en prison alors que l’autre est déjà au fond des poubelles de l’histoire moins de 15 jours après la passation de pouvoir.

    Dans le pays où on a apporté la démocratie, 51% des électeurs se sont présenté dans les bureaux de vote. Belle réussite !

    • Irak, les élections de la deuxième chance
      le mercredi 11 février 2009 à 13:42, etoile127 a dit :
      Tu parle quelle élection,le peuple crie à la corruption de ce gouvernement fantoche .Le president Malik machin-chose la marionnette des sion-usa,qui n’a foutre de son pays,il doit se remplir les poches avant le départ des sion-usa.Il a intérêt à partir avec eux parce que les collabos n’ont jamais fait long feu.Le peuple IRAKIEN a soif de vengeance et ce jour-là,les harkis feraient mieux d’être ailleurs et encore,la vengeance va etre très,très virulente.Ce pays a été dévasté,détruit,diviser.L’IRAK EST DEVENU LE FOYER DE LA HAINE.
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