Rechercher dans Bakchich :
Bakchich.info
UNE BRÈVE HISTOIRE DE BAKCHICH

Tags

Dans la même rubrique
Avec les mêmes mots-clés
RÉCLAME
Du(des) même(s) auteur(s)
BIG BIZNESS

Eurostar, le train qui fait dérailler Borloo

Psychodrame / mercredi 20 octobre 2010 par Émile Borne
Twitter Twitter
Facebook Facebook
Marquer et partager
Version imprimable de cet article Imprimer
Commenter cet article Commenter
recommander Recommander à un ennemi

En jouant la carte du patriotisme économique dans la commande de TGV par Eurostar, Borloo a remué le couple Alstom-SNCF, candidat à un gros contrat en Arabie Saoudite et rallumé les tensions avec l’Allemagne. Pas mal pour un premier ministrable…

Qu’est-ce qu’un premier ministrable ne ferait pas pour l’être encore plus ! Avec «  le psychodrame Eurostar », selon l’expression utilisée par le député UMP Hervé Mariton devant la presse, le ministre de l’Ecologie Jean-Louis Borloo a en tout cas sorti l’artillerie lourde pour s’afficher comme le sauveteur de l’industrie ferroviaire nationale.

Il y a dix jours, dans un communiqué comminatoire qui révèle un sang-froid à toute épreuve, le ministre d’Etat – qui a fait cosigner Dominique Bussereau, son sous-ministre de tutelle - a carrément agité la «  responsabilité pénale » qui pend au nez d’Eurostar, filiale à 55% de la SNCF. Bigre ! Un ministre qui menace de traîner au pénal une entreprise publique dont il a la tutelle, c’est nouveau.

Ou plutôt ça fleure bon 14-18. Il est vrai que le crime commis par Eurostar a tout d’une tentative de trahison nationale au profit des intérêts germaniques.

Le 7 octobre, la compagnie ferroviaire qui exploite des trains entre Londres et le continent a en effet annoncé son intention de commander 600 millions d’euros de nouveaux trains à grande vitesse à l’allemand Siemens. Et non au champion national, Alstom, son traditionnel fournisseur de TGV et boîte chouchou de Sarkozy. Merkel a dû apprécier cet accès de protectionnisme bien senti.

Pour ne pas mettre en avant la raison nationale dans leur communiqué où ils clament « leur stupéfaction », Borloo et Bussereau, les Dupond-Dupont du ministère chargé des transports, ont bâti un argumentaire technique aussi solide qu’un château de carte.

Borloo rallume les incendies

En somme, Eurostar ne peut pas commander de train à Siemens car dans le tunnel sous la Manche, les règles de sécurité ne sont pas établies pour accueillir un train « à motorisation répartie »( comme sur un métro, les moteurs sont placés sous la rame et non pas dans une locomotive), comme celui de Siemens. Et de rappeler « les trois incendies déclarés » qui ont déjà eu lieu dans le tunnel sous la Manche. A chaque fois, des navettes porte camion en étaient l’origine, mais peu importe. L’essentiel, c’est d’avoir fait se poiler beaucoup de monde.

Le plus drôle en effet c’est que les Echos sont tombés sur un document interne de la Commission intergouvernementale qui régit les règles du tunnel. Le texte indique qu’« une consultation en cours semble aller dans le sens de l’acceptation des trains dont la motorisation est répartie ».

Un premier ministrable qui suit ses dossiers

En tous cas, la conséquence implicite du brillant tir de barrage ministériel est encore plus farcesque : selon le gouvernement, Alstom n’était pas plus en droit que Siemens de vendre son TGV à la compagnie ferroviaire. Car c’est bien avec ce modèle également à motorisation répartie que le Français a concouru.

 - JPG - 27.7 ko

Les coulisses de la procédure sont, elles aussi, cocasses. « Les discussions avec les industriels ont commencé en 2009 et Alstom a poussé pour que l’appel d’offre impose ce type de motorisation » explique un bon observateur du dossier.

Comme quoi, c’est magnifique la façon dont les ministres de tutelle suivent bien leurs dossiers ! « Borloo qui pense à Matignon n’a pas maîtrisé grand chose dans l’histoire » se gausse un acteur privé à cheval entre la France et l’Angleterre. En fait, le premier ministrable s’est réveillé un peu tard, comme l’a montré Challenges. La veille de l’annonce, son cabinet a enjoint au patron d’Eurostar de faire machine arrière toute.

Kron à cran

Le fond de l’histoire n’est pas très glorieux pour Alstom qui s’est tout simplement fait coiffer à la régulière et n’arrive pas à fourguer son train ailleurs qu’en Italie. Siemens a tout simplement fait une offre jugée « plus intéressante » selon des observateurs. Bref pour une fois qu’une filiale de la SNCF ne jette pas l’argent par les fenêtres et choisit au mieux de ses intérêts… Qui ne sont pas ceux d’Alstom.

Heureusement, l’Etat a été sensible aux pleurs de Patrick Kron, grand patron d’Alstom et ami de Sarko. Début octobre, juste avant la décision d’Eurostar, il agitait la menace d’avoir à virer 4000 salariés dans sa branche centrales thermiques. Sous-entendu, il ne faudrait pas qu’Alstom se mette aussi à devoir licencier dans ses usines ferroviaires, installées à Valenciennes, chez un certain Borloo.

Pas très beau joueur, et chauffé à blanc par le ministre, Kron s’est lâché le 11 octobre dans le Figaro. Celui qui en 2008 a empoché 3 millions de plus-values sur ses stocks-options a jugé « incompréhensible » le choix d’Eurostar, glosé sur la motorisation répartie, et posé les vraies questions : « Pourquoi confondre sécurité et protectionnisme ? » Et de faire savoir qu’il examine « bien entendu les aspects légaux ». Une bisbille judiciaire entre Alstom et la SNCF ? Le constructeur, pour faire annuler l’appel d’offre a même remué la commission européenne qui a botté en touche.

« Cagade médiatique »

« C’est une vraie cagade médiatique dont personne ne sort grandi » se lamentait la semaine passée un ponte de l’industrie ferroviaire.

D’autant que vu d’Arabie Saoudite, le «  psychodrame Eurostar » a de quoi faire désordre. La SNCF et Alstom figurent en effet ensemble dans la toute dernière ligne droite pour tenter de décrocher le méga contrat du TGV La Mecque-Medine, à 4 milliards d’euros, dans lequel Claude Guéant s’implique à fond.

Évidemment, ce pataquès franco-français n’est pas très bon pour les « intérêts de l’industrie ferroviaire française à l’international », comme le souligne un dignitaire du rail. On ne va tout de même pas rejouer le scénario de l’EPR, contrat perdu aux Emirats pour cause de tensions entre industriels tricolores !

Après avoir allumé l’incendie, Borloo a courageusement botté en touche. Le mémorable communiqué qu’il a signé le 7 octobre a opportunément été escamoté du site internet de son ministère. Mais Bakchich l’a sauvegardé pour la joie de ses lecteurs (cliquez sur l’image pour lire le document)

 - PDF - 125.8 ko

Le motodidacte Estrosi monte dans le train

Depuis, il laisse Bubusse, son sous-ministre en partance au prochain remaniement se coltiner le dossier, lequel Bussereau a déclaré la décision d’Eurostar « nulle et non avenue ». Lundi, Christian Estrosi ministre de l’Industrie et chantre du « acheter français » a parfait la farce, demandant à Eurostar de «  relancer l’appel d’offre ». « Et si c’était l’industriel français qui aujourd’hui nous parait avoir un matériel plus conforme aux exigences de sécurité qui l’emportait, personnellement, ça ne me ferait pas de peine » a-t-il déclaré sur RTL. Au moins c’est clair. Rompez ! Guillaume Pepy, le patron de la SNCF, qu’on n’entend pas beaucoup, n’a plus qu’à obtempérer.

Reste que depuis le début, Eurostar a indique que la passation définitive de la commande était conditionnée à l’évolution des règles de sécurité dans le tunnel.

En tous cas, on espère que Borloo le patriote n’a pas raté le train de Matignon.

Clic : les Allemands pas rancuniers

Il risque d’y avoir une ambiance du tonnerre mercredi à l’ambassade d’Allemagne à Paris. En fin de journée, le ministre des transports allemand, Peter Ramsauer doit accrocher à la veste de Bussereau, le secrétaire d’Etat aux transports la Croix de commandeur de l’ordre du mérite de la république fédérale d’Allemagne. Une remise de hochet évidemment prévue avant que Bubusse et Borloo ne creusent une tranchée contre la commande de Siemens. Le plus ironique c’est que depuis des mois, Bubusse essaie de calmer les Allemands qui accusent les Français de verrouiller leur marché et la SNCF d’être un peu trop ambitieuse Outre-Rhin.

Cet été, « un groupe de haut niveau franco-allemand sur le ferroviaire » a été mis sur pied. Le but : faire converger les deux pays, faciliter les homologations de trains, rapprocher Siemens et Alstom etc. « On nous a fait signer une sorte de pacte de non agression franco-germanique racontent plusieurs participants. Pas de déclaration agressive d’ici la fin de l’année ». Très réussi avec la sortie de Borloo et Bubusse. Pourvu que les Allemands laissent leur casque à pointe au vestiaire de l’ambassade.

-----

Lire sur Bakchich :

Allez à Matignon pour mieux quitter le super ministère de l’Ecologie ? Pas un si mauvais calcul pour Jean-Louis Borloo à voir les détails du budget de son maroquin vert pour 2011.
Chatel en punk de droite, Copé taxé de "traître", Borloo en potiche pour Tapie, Lagarde plus bourgeoise que jamais, Baroin en caleçon… Parmi ces jeunots se cache un futur Premier ministre.
L’heure est bientôt au remaniement. Mais qui va prendre la place de François Fillon ? Jean-Louis Borloo fait partie des potentiels successeurs mais a-t-il suffisamment de bouteille pour ce poste ? Réponses de (…)
C’était le dernier vestige du Grenelle de l’Environnement, la taxe du stockage et de l’incinération des déchets ménagers. Les Sénateurs en ont décidé autrement provoquant la colère des écolos. Exclusif.
Oubliées les envolées lyrique sur la croissance verte, le gouvernement va passer un grand coup de rabot sur les niches fiscales écolos

AFFICHER LES
6 MESSAGES

Forum

  • Eurostar, le train qui fait dérailler Borloo
    le samedi 30 octobre 2010 à 11:55

    Cette affaire est une gigantesque farce.

    Que Siemens gagne ce contrat est en fait une excellente nouvelle …pour le ferroviaire français :

    ⇒ pour un petit contrat pas méchant nous allons pouvoir entrer dans l’immense marché allemand au nom d’une libre concurrence retrouvée.

    ⇒ il faudrait être particulièrement pessimiste pour croire que notre technologie qui compte 30 ans de très haute vitesse sans aucun accident, n’a pas ses chances sur l’immense marché allemand.

    ⇒ en revanche, si nos décideurs du commerce extérieur avaient un peu plus de sang froid ils auraient été bien inspirés de ne pas nous faire passer pour des mauvais joueurs auprès de Berlin.

    ⇒ la "sphère d’influence" allemande c’est aussi l’immense marché ferroviaire de l’Europe de l’Est et le corridor vers la Russie. Il y a du travail pour tout le monde, à condition que des règles normales de passation de marché soient appliquées.

    ⇒ combien de c….. vont encore faire les équipes commerciales de Géant avant qu’on mette des gens sérieux à ces postes ? Ce type nous a tout de même planté le Rafale au Brésil, Koweit, Suisse, Emirats arabes, Libye, le nucléaire aux Emirats arabes et aux USA, on ne vend plus rien en Arabie saoudite (armement et ferroviaire)… Avant d’être une affaire de gros sous, tous ces marchés représentent des files d’attente supplémentaires à Pole Emploi !

  • Eurostar, le train qui fait dérailler Borloo
    le mercredi 27 octobre 2010 à 13:39
    J’ai entendu dire que l’eurostar est resté plusieurs fois coincé pour des raisons techniques(ouies d’aeration bouchées) dans le tunnel lors de d’abondantes chutes de neige ,à la grande joie des passagers qui pour le même prix des billets avaient l’avantage de profiter durant de nombreuses heures supplémentaires du tgv. Pour peu que le train allemand fonctionne par tous les temps les futurs passagers n’auront plus l’opportunité de bénéficier des avantages de nôtre eurostar actuel ! Mais ces bruits qui courent restent à confirmer.
  • Eurostar, le train qui fait dérailler Borloo
    le jeudi 21 octobre 2010 à 11:20, tchoo a dit :
    Est-il vrai que ce train (iemens) ne corresponds pas aux règles de sécurité actuelle en vigueur dans le tunnel (motorisation répartie et longueur des rames) et que, en conséquence pour pouvoir acter l’achat, il faudrait modifier ces normes de sécurité. Autrement dit sacrifier une fois de plus, la sécurité des clients au fric
    • Eurostar, le train qui fait dérailler Borloo
      le mardi 2 novembre 2010 à 18:18, Rosa Luxemburg a dit :
      les règles de sécurité du tunnel sous la Manche interdisent l’utilisation d’un train avec automotrices. Le type train qui vient d’être commandé ne pourra donc emprunter le tunnel sauf modification du règlement actuel. Par contre, la compagnie Eurostar pourra l’utiliser pour faire soit le Paris-Bruxelles (soit d’autres liaisons continentales [en projet]).
  • Eurostar, le train qui fait dérailler Borloo
    le mercredi 20 octobre 2010 à 07:19, Phil2922 a dit :
    depuis que Jean-Louis Borloo a appris que les Allemands ne prenaient pas souvent l’apéro, il est remonté contre eux…
  • Eurostar, le train qui fait dérailler Borloo
    le mercredi 20 octobre 2010 à 06:40, michel befort a dit :
    les tgv sont aussi sensibles que les frégates. faut pas toucher aux mamelles de notre république !!
BAKCHICH PRATIQUE
LE CLUB DES AMIS
BEST OF
CARRÉ VIP
SUIVEZ BAKCHICH !
SITES CHOUCHOUS
Rezo.net
Le Ravi
CQFD
Rue89
Le Tigre
Amnistia
Le blog de Guy Birenbaum
Les cahiers du football
Acrimed
Kaboul.fr
Le Mégalodon
Globalix, le site de William Emmanuel
Street Reporters
Bakchich sur Netvibes
Toutes les archives de « Là-bas si j’y suis »
Le locuteur
Ma commune
Journal d’un avocat
Gestion Suisse
IRIS
Internetalis Universalus
ventscontraires.net
Causette
Le Sans-Culotte