Et Villepin découvrit la diversité

« Il arrive, il arrive ! » crie Ali. Le jeune homme sort du bar, court, pour accueillir « le Premier Ministre ». La crinière blanche soigneusement rangée, le teint bronzé, le menton légèrement relevé, Dominique de Villepin fait son entrée dans le café du Centre. Un bistrot familial qui jouxte la mairie du XVIIIe arrondissement de Paris. Ah, sentir enfin le peuple de près… Elus et responsables associatifs sont venus des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis, du Val de Marne, de Seine et Marne, et de toute la région Ile-de-France, pour assister à cette soirée spéciale, consacrée à la diversité. Et organisée par quelques élus locaux.

Ali prend le micro, pour la présentation et les remerciements de convenance : «  Merci Monsieur de Villepin et bla bla. Nous sommes nombreux, et blabla, et on sera encore plus nombreux le jour où vous annoncerez que vous êtes candidat ! ».

Mamadou poursuit en faisant l’éloge du discours de Villepin à l’ONU, le 14 février 2003, contre la guerre en Irak. Les applaudissements qui suivent (d’une cinquantaine de personnes) claquent comme en période de pré-campagne électorale.

On se croirait en conf’ de presse

Au fonds de la salle, une vingtaine de personnes des quartiers, mi sardines mi humains, ont trouvé refuge sur des banquettes alignées. De là on ne voit pas « DDV », caché par une horde de curieux à caméras. « Poussez-vous les journalistes ! », grommelle Lahbib, co-fondateur de la radio LFM à Mantes la Jolie. « On se croirait une conférence de presse ! Villepin devait parler aux quartiers. En fait, il parle aux médias. Pfff, c’est comme d’habitude, il fait son opération de com’ ! », poursuit-il agacé. Son entourage acquiesce.

Un autre pose une première question, timidement grinçante : «  Monsieur le Premier Ministre, est-ce que vous ne vous servez pas des quartiers populaires, comme d’autres l’ont fait ? Les promesses on les connaît, mais sur le terrain, les gens sont déçus ».

Dominique de Villepin

Dessin de Mor

Et hop, il n’en faut pas plus à Dominique de Villepin pour rentrer dans le lard de Sarkozy. La politique de l’égalité des chances est un échec, la façon d’avoir mis en avant les différences religieuses (entre juifs et musulmans par exemple) n’est pas admissible.

Il enchaîne : il faut mettre l’accent sur la « fondamentale question sociale » (copyright Chirac et sa « fracture sociale » en 1995), il y a «  40 % de chômage chez les jeunes dans les quartiers. Il faut revoir la « politique de la ville » dans ses compétences mêmes : « alors que la politique de la ville devrait intégrer le coeur et le faubourg des villes, les coeurs sont souvent laissés pour compte. Pourquoi ? » « Tout notre travail, c’est de remettre la République dans le bon ordre ». Il faut donc aussi remettre en cause le bouclier fiscal (mis en place par Sarkozy) ; dans les Zones d’Education Prioritaire (ZEP), mieux adapter les moyens aux besoins ; et installer des centres Pôle emploi plus adaptés. Le programme de son mouvement politique – qu’il dévoilera le 19 juin prochain ?

Après la séance de questions-réponses, place aux photos. Quatre femmes demandent à être prises avec DDV. La tête contre son épaule, Leila le voit déjà Président. Et elle se rêve en Première Dame…

A lire dans Bakchich Hebdo n°18 en vente samedi 27 mars, notre dossier sur le Grand Bluff de la diversité

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