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Bioshock 2, la tête sous l’eau

Abysses / samedi 27 février 2010 par Camille Grandjean
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La suite ratée d’un chef-d’œuvre, ou comment sous-estimer le rôle des auteurs.

Du point de vue économique, Bioshock 2 était inéluctable. Compte tenu du succès aussi bien public que critique du premier épisode, blockbuster surprise de 2007, il était impensable que Bioshock développé par le studio Irrational Games, ne fasse pas l’objet d’une suite. Le grand public raffole des suites des œuvres à succès, c’est une loi bien connue de l’industrie du divertissement et le jeu vidéo ne fait pas exception. Pour l’éditeur 2K, la mise en chantier de Bioshock 2 donc était donc, comme disent les anglo-saxons, un "no-brainer", une question qui ne se pose même pas.

Du point de vue artistique et critique, en revanche, la question se justifiait. Car Bioshock premier du nom était un jeu brillant mais qui se suffisait totalement et prenait soin de boucler toutes les boucles en allant même jusqu’à tenir un méta-discours critique sur son statut de jeu de tir à la première personne (FPS).

Comment faire mieux que Bioshock et surtout comment justifier cette suite autrement que par une simple évidence économique ?

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La même chose mais en (beaucoup) moins réussi

Bioshock 2 tente d’apporter son lot de nouveautés mais celles-ci sont superficielles et semblent davantage correspondre à des bullet points marketing sur une fiche produit qu’à une véritable modification du gameplay.

Nouveauté numéro 1 : Vous incarnez non plus un humain mais un big daddy , sorte de golem en scaphandre qui était l’ennemi le plus redoutable du joueur dans le premier opus.

Ce changement est purement cosmétique : un pas plus lourd, une foreuse à la place d’une clé à molette, la possibilité d’aller sous l’eau lors de rares passages sans véritable intérêt ludique et une résistance aux dégâts identique à l’humain de Bioshock 1 en dépit de tout bon sens.

Du point de vue du gameplay, l’expérience est identique : vous ramassez des armes et des munitions, des ennemis vous attaquent, vous les tuez avec vos armes et vos modifications génétiques permettant d’électrocuter, geler, hypnotiser. Bref, on joue au 2 comme au 1, l’effet de surprise en moins et le fait d’incarner un big daddy ne change absolument rien.

Nouveauté numéro 2 : Vous arrivez dans la cité de Rapture dix ans après les événements décrits dans le 1. La ville est plus mouillée, plus rouillée et le despote individualiste Andrew Ryan a été remplacé par la psychiatre collectiviste Sophia Lamb mais du point de vue du game design, Rapture n’a pas changé d’un iota. J’irais même plus loin : l’équipe de développement a souffert d’un manque d’inspiration évident pour cette suite.

Les nouveaux ennemis sont au nombre de trois et la progression dans le jeu est radicalement identique : vous rencontriez les spiders splicers et la caméra dans le niveau 3 de Bioshock 1, vous retrouvez les mêmes ennemis et éléments dans le niveau 3 de Bioshock 2.

Ce copier/coller s’applique également aux niveaux : le jardin Arcadia est devenu Dionysos Park, Fort Frolic s’est transformé en Siren Alley, Apollo Square s’appelle désormais Pauper’s Drop. Bioshock 2 nous vendait la possibilité d’explorer une nouvelle facette de la cité et au final nous ressert un level design réchauffé et globalement peu inspiré. Seul le niveau Fontaine Futuristics sort du lot mais reste en-dessous de tout ce que pouvait offrir le 1. Quant au rôle joué par un nouvel ennemi, la « Big Sister », ses apparitions finissent par être répétitives et donnent lieu à des combats peu impressionnants au final.

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Nouveauté numéro 3 : le mode multijoueur. Argument marketing clé, il est pourtant totalement anecdotique. Ce mode tente de braconner sur les terres de Modern Warfare 2 avec un système d’expérience et personnalisation des armes mais n’arrive pas à la hauteur du mastodonte d’Activision.

Du chef d’œuvre à la déception

Soyons clair, la partie FPS de Bioshock 1 n’était qu’un prétexte pour raconter une histoire qui compte parmi les meilleures de l’histoire du jeu vidéo. Le premier opus décrivait de manière brillante la transformation d’une utopie en un état totalitaire, racontait le tragique destin d’individus brillants broyé par cette transformation et surtout livrait un commentaire sans équivalent sur l’absence de liberté du joueur face aux choix du game designer.

Sur le plan créatif, le problème de Bioshock 2 est double :

Premièrement, les concepteurs ont cru que la force du premier opus reposait sur la partie combat/ tir et en ont remis une couche qui contribue à faire redescendre le jeu dans le rang des shooters lambdas.

Deuxièmement, le scénario n’arrive pas à la cheville du premier opus. L’idée de départ était pourtant bonne : pointer du doigt les dangers du messianisme, du conditionnement psychologique et de la destruction de l’individu par le collectif.

Malheureusement, le jeu est rapidement dépassé par les thèmes qu’il aborde et s’embarque dans le dernier acte sur une réflexion sur le lien qui uni le parent à l’enfant.

Sa conclusion : « L’amour est une réaction chimique mais ce sont nos choix qui lui donnent du sens ». La réflexion est audacieuse mais souffre de la dispersion thématique du jeu et de l’impression que cette histoire a été greffée a posteriori sur un univers qui ne s’y prêtait pas vraiment. Le climax, qui tente de montrer l’émancipation d’un enfant façonné par les choix du joueur avant d’inviter ce dernier à lâcher prise, n’atteint pas l’effet escompté car il utilise cet angle narratif comme prétexte pour livrer une fin banale du point de vue ludique.

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De l’importance des auteurs

Comment expliquer cette déception ? Tout simplement par quelque chose que le jeu vidéo refuse encore d’admettre : le rôle des auteurs. Bioshock 1 était le bébé de Ken Levine, game designer génial fortement inspiré par 1984 d’Orwell ou la pensée d’Ayn Rand. Chaque élément de Bioshock 1 s’intégrait parfaitement dans une pensée globale et cohérente tendu vers un but artistique clair et audacieux.

Dans Bioshock 2, quelques bonnes idées surnagent mais le tout pêche par un manque d’inspiration et une absence de propos. Ce qu’il manque à Bioshock 2 en vérité, c’est une vision. Pour cette suite, Ken Levine a passé la main à Jordan Thomas, designer d’un des niveaux les plus réussis de Bioshock 1 et si l’on peut sentir la qualité du travail fourni sur certains points, il manque clairement cette cohérence dans les choix à la fois artistiques et de game design qui faisaient la force de Bioshock 1.

Ne soyons pas naïfs, si Bioshock 2 a vu le jour, c’est avant tout pour assurer un bon trimestre fiscal à l’éditeur 2K car Bioshock 1 avait déjà tout dit. L’équipe de 2K Marin a tenté de s’approprier le projet et d’apporter sa pierre à l’édifice mais malgré tous leurs efforts, Bioshock 2 ne parvient pas à sortir de l’ombre de son aîné et se révèle être une œuvre qui innove maladroitement sur l’accessoire et ne parvient jamais à triompher sur l’essentiel.

Bioshock 2 Bioshock 2

Développé par 2K Marin et édité par 2K Games

Prix public : 70€ environ

Disponible sur Playstation 3, Xbox 360 et PC

C’est pour vous si vous avez aimé : Bioshock 1 pour les mauvaises raisons.

Version testée : Playstation 3

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1 MESSAGES

Forum

  • Bioshock 2, la tête sous l’eau
    le dimanche 7 mars 2010 à 09:29, raju a dit :
    Merci pour ce commentaire éclairé qui tranche (enfin !) avec le flot quasi ininterrompu de louanges de la part des critiques spécialisées. On peut effectivement qualifier cette suite de bioshock 1.5
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