Rechercher dans Bakchich :
Bakchich.info
UNE BRÈVE HISTOIRE DE BAKCHICH

Tags

Dans la même rubrique
Avec les mêmes mots-clés
RÉCLAME
Du(des) même(s) auteur(s)
LUTTES

Bienvenue aux « gentils » messieurs-dames du Samu social (SDF II)

Rouen / lundi 29 décembre 2008 par Anaëlle Verzaux
Twitter Twitter
Facebook Facebook
Marquer et partager
Version imprimable de cet article Imprimer
Commenter cet article Commenter
recommander Recommander à un ennemi

« La maraude » est ce moment inespéré où les bénévoles viennent, à pieds ou en camionnette, à la rencontre des sans abris. Portraits !

Rouen, de notre envoyée spéciale

Un petit appartement à La Grand Mare, ville populaire des Hauts de Rouen, abrite le Samu social rouennais. L’immeuble est identique aux autres bâtisses de la cité, une espèce de HLM du début des années 1970. En bas, c’est la réserve, où sont stockés les vêtements, et les cartons de lait, de biscuits et de brioche, pour les petits déjeuner. « Il va falloir en jeter la moitié de ces caisses là », regrette Jean-Charles, en pleine contemplation des dates de péremption. Jean-Charles fait le tri, range, plie, fait la vaisselle, déballe, remballe. S’occuper des Sdf, c’est toute sa vie depuis juillet 2008.

« – Vous êtes bénévole ?

– Non, je suis payé, peu, mais payé. Comme une seule autre personne ici, la secrétaire.

– Combien par mois ?

– Le Smic. Mais d’une façon générale, on n’a pas beaucoup de sous. Les locaux nous sont prêtés par la mairie, et la DDASS nous donne en tout et pour tout 13 000 euros pour l’année. Sinon, nous avons des petites aides, Gaz de France donne 1000 euros par an, et on va à la Banque alimentaire deux fois la semaine. Et puis il y a les cotisations des adhérents, 5 euros multipliés par 100. Les autr’ gars du Samu social, une petite centaine de personnes au total, sont tous des bénévoles.  »

Une petite centaine ? En arrivant, ce 23 décembre, dans la pièce principale, à l’étage, il y a à tout casser dix chaleureuses paluches à serrer. Car « il n’y a que le noyau dur qui « tourne », 70 personnes environ. Et les autres du noyau dur viennent d’autres jours », explique Yolande, la présidente de l’association.

Cette énergique brune quarantenaire enchaîne :

« – Vous sentez l’odeur ?

– Oui, c’est bon… qu’est-ce que c’est ?

– La soupe ! »

C’est Jean-Charles qui est remonté. Il prépare l’entrée.

 - JPG - 514.4 ko

Dans la pièce d’à côté, Sébastien, Philippe et Chantal, s’occupent des sandwichs. « Allez, allez, on est en retard ! Ils vont nous engueuler si on arrive à 20h30 au lieu de 20h, ils n’aiment pas quand on casse leurs habitudes », « déconne » Seb, presque en chantant. A trois - quatre, les bénévoles tartinent chaque soir 36 tranches de pain de mie et 9 baguettes de pain. Aujourd’hui, exceptionnellement, ils auront du foi gras. C’est Noël avant l’heure. Sinon, comme d’habitude, il y a le choix entre un sandwich jambon, un sandwich fromage, ou un sandwich surimi, pour les musulmans qui ne mangent pas de porc. En dessert, aujourd’hui, on propose des bananes et/ou des brioches pas périmées. Puis il y a du café.

« Pas vu Pierre ! »

20 h 05, il faut y aller ! « 20 h 05, je note ». Chantal prend un crayon et inscrit l’heure de départ sur le carnet de bord. Dans le carnet de bord, figure une « fiche fonctionnelle de la maraude quotidienne », où il faut, pour chaque maraude, indiquer la date, l’heure de départ, l’heure d’arrivée, le chauffeur de l’autobus, éventuellement le médecin et l’infirmière, si on est ou pas en plan grand froid, le prénom des personnes rencontrés, et les observations. Hier, comme observations, on a noté : « Préservatifs pour Michel », « serviettes hygiéniques pour Josiane » et « Pas vu José ! »

Chacun son tour, Sébastien, Chantal et Yolande enfilent leur blouson vert. Yolande : « C’est important qu’ils voient l’inscription « Samu social » dans notre dos. Sinon, ils ne nous reconnaissent pas forcément. » Les autres ne viennent pas, on ne peut pas être plus de quatre à « tourner ». « L’autobus », une camionnette confortable genre hippie de l’extérieur, est trop petit pour cinq.

On va où ?

– A l’Hôtel de ville. Mais sur le passage, il faut essayer de trouver Pierre.

On cherche Pierre un quart d’heure. Pas vu Pierre. « On continue, on continue ! Les autres nous attendent, s’impatiente Yolande. Appelle le 115, Chantal, pour leur dire que nous n’avons pas trouvé Pierre ».

« Le 115 nous suit tout du long par téléphone, précise la présidente, on communique sans cesse ».

A l’Hôtel de ville, une quinzaine de SDF accueillent l’autobus, le bras tendu, pour saluer les « gentils » messieurs-dames du Samu social.

 - JPG - 123 ko

Marlène dévisse à toute vitesse

Il y a deux vieux de la vieille, la barbe longue et la couverture abîmée sur le dos. Ils ne parlent pas. Un peu plus loin et plus bavardes, trois femmes. Dont Marlène, la trentaine passée, petite, un peu ronde, la voix douce mais aiguë. Le doigt bloqué sur une touche de son téléphone, elle raconte toute sa vie à toute vitesse. Elle brode, autour d’une histoire d’amour qui a mal fini. Raconte son studio rue de la République, et sa mère, qui « gueule » parce que « ça fait depuis le mois de juillet que sa fille n’a pas travaillé ». Marlène a été vendeuse dans un supermarché. Jusqu’en juillet, et depuis, elle « glande et c’est dur ». Elle raconte aussi son meuble Ikea qui lui est tombé dessus l’autre soir. Résultat, un hématome sur l’épaule. Le meuble Ikea, c’est toute une affaire, parce qu’il lui a coûté 150 euros : « J’ai dépensé 150 euros ce jour là, vous vous rendez compte ? Mon copain m’a hurlé dessus, je vous dis pas, oh là là ! »

Elle a un accent normand terrible Marlène. Elle est cool, apparemment. Ce soir, elle n’a pas trop picolé. « C’est exceptionnel », chuchotent les bénévoles du Samu Social. D’habitude, la demoiselle est très violente. Comme 30 % des gens de la rue, elle est psychotique, suivie en psychiatrie. Excitée dès l’arrivée de l’autobus, ou plutôt calme d’abord et d’un coup, elle s’emporte. Parfois, elle frappe. Un soir, il y a eu un frotti frotta avec les deux gars aux chiens, c’était violent.

Good job, Franck

Franck, l’habitué de l’hôtel de ville, est bourré. Ses joues roses et bouffies, son haleine et sa démarche le trompent. Il embrasserait la terre entière. Yolande le félicite : « Bravo Franck, tu retravailles alors, c’est vrai ? » Vrai. Il commence un CAT (Centre d’aide par le travail), à Renault Cléon. Elle essaie de savoir comment ça se passe, mais il change rapidement de sujet. Il ne comprend pas pourquoi Yolande ne lui donne pas des cigarettes.

Pendant que Yolande et Seb discutent avec les gens de la rue, Chantal distribue la soupe, puis les sandwichs. Sans précipitation, il y en a pour tout le monde, et tout le monde ici le sait.

Une famille d’Italiens d’origine malienne s’approche doucement de l’autobus, demandent un peu de lait pour la gamine, une soupe chacun, et quelques couvertures. On se remercie, s’embrasse, et l’autobus repart. Tranquille. Direction la gare.

Gare à Mathias ?

Un peu à l’écart du groupe, Mathias domine la petite foule du haut de son vélo. La bouche fermée, on aurait pu le prendre pour un homme de la classe moyenne. Mais avec sa seule dent, non. Ce jeune homme de 34 ans drague (un peu) les bénévoles. Alors, peut-être pour plaire aux gens « normaux », il raconte une histoire, difficile de savoir si elle correspond à la sienne ou pas.

« Non merci, pas de sandwich. J’ai mangé déjà, et puis je ne dîne jamais là moi. Je ne suis pas comme eux, j’ai un logement. Au Grand-Quevilly (banlieue rouennaise populaire), dans un appartement de 25 mètres carrés. Il ne me coûte pas cher, 225 euros. Je travaille. Je suis gardien, à la radio NRJ, à Paris. Je fais des allers-retours tous les jours, (en voiture), pars de chez moi à 4 h du matin, le patron ne me lâche pas avant 21 h. Mais je gagne plutôt bien ma vie, 1 800 euros par mois. Et avec le travail au noir en plus, je me fais 3 600 euros. C’est pas mal ce boulot, un jour, j’ai rencontré Difool, Marie, et toute la bande de Skyrock, j’ai des autographes, un peu partout chez moi ! En plus, je récupère des tonnes de matériel de son et d’image. Chez moi, c’est comme une discothèque. Regardez, je vous montre les photos ! ».

Et il montre ses photos.

Saint-Sever sans chiens

Devant le Centre Saint-Sever, la place est quasi vide. Quatre personnes seulement attendent pour manger.

Dont un adolescent, Emile, exceptionnellement sans son chien. « Je suis obligé de le planquer, à cause de la SPA. Le plan grand froid va bientôt être déclenché, et les chiens n’ont pas le droit d’entrer dans les gymnases. Ils sont embarqués par la SPA. Avant de les récupérer, il faut pouvoir payer. C’est cher, je sais, ils ont emmené mon chien une fois. Je crois que c’est 35 euros les 24 h. Plus tu tardes plus tu payes cher, quoi ! »

La présidente Yolande se dresse. Fière d’avoir travaillé sur le sujet, elle lui expose le fruit de sa négociation : pendant le plan grand froid, la SPA de Rouen s’est engagée à nourrir et soigner les animaux gratuitement. Le môme semble content de la nouvelle.

A côté, Laura et son gars. La fille, une petite blonde, dit avoir 24 ans, elle en paraît presque dix de moins. Mentir sur son âge permet aux mineurs de s’éviter quelques ennuis avec la police. Sa main tient celle de son copain Alex, à la rue depuis sept ans.

Chantal est pessimiste : « Il arrive que certains sortent de la rue, j’espère que ces deux là s’en sortiront, mais je ne le crois pas. Sept ans, c’est vraiment trop ».

Sonia, la SDF milliardaire

Seb : « – Sonia, c’est un cas est exceptionnelle. Elle est SDF et milliardaire.

– Pardon ?

– Oui, elle a eu un héritage, et est peine aux as, mais ne veut pas qu’on y touche : ni elle, ni sa famille, ni personne. Son fric est sous la tutelle de l’Etat. Et la dame vit dans la rue et dort dans sa banque. On lui donne des vêtements neufs, achetés via l’Etat avec son argent, qu’on met ensuite dans un sac poubelle, pour faire usé.

On voit Sonia. Elle demande des tas de yaourts et une douche parce que ça la gratte un peu partout sur le corps.

L’exceptionnelle était la dernière personne à voir ce soir.

Finalement, le foi gras n’a pas eu beaucoup de succès. 48 personnes ont dîné avec le Samu social.

« C’est bien, on est dans la moyenne, conclut Seb. Mais au fait Yolande, il y a combien de SDF à Rouen ?

– Une centaine à tout casser. C’est peu par rapport à Paris, qui en compte environ 12 000.

Demain mercredi, le troisième volet de notre enquête sur le bilan gouvernemental en matière de réinsertion des sans-abris.

Lire ou relire sur Bakchich.info notre interview de Xavier Emmanuelli, fondateur du Samu social :

Bakchich débute une série de papiers consacrés aux SDF (337 morts cette année contre 200 en 2007). Pourfendeur des idées reçues, Xavier Emmanuelli ne croit pas aux solutions éloignées du terrain.

Lire aussi le texte de Bakounine, un lecteur attentif de Bakchich.info :

Un arrêté anti-pauvres réglemente la présence des « SDF » dans les rues du centre-ville d’Angoulême.

AFFICHER LES
3 MESSAGES

Forum

  • Bienvenue aux « gentils » messieurs-dames du Samu social (SDF II)
    le jeudi 8 janvier 2009 à 16:42, Evelyne SAMUSOCIAL de ROUEN a dit :

    De la part de "Yolande" qui s’appelle en réalité Evelyne , Présidente de l’association L’AUTOBUS SAMUSOCIAL de ROUEN (SDF1).

    Lamentable ! Déplorable !!! Combien Anaëlle a-t-elle été payée pour réaliser cette pseudo-enquête ? Puisqu’il semble que ce soit sa première préoccupation : le salaire du responsable logistique …

    Cette journaliste est passée complètement A COTE du réel sens de la maraude. RIEN COMPRIS !!! A suivre …

  • Bienvenue aux « gentils » messieurs-dames du Samu social (SDF II)
    le mardi 30 décembre 2008 à 08:43, Phil2922 a dit :
    Toutes mes amitiés aux milliers de bénévoles qui font le boulot pour aider les Sans Abri. Etant handicapé, je ne peux pas les aider physiquement…De tout coeur avec eux… !
    • Bienvenue aux « gentils » messieurs-dames du Samu social (SDF II)
      le mercredi 31 décembre 2008 à 16:35

      Tu en fais,un de ces foins pour qu’on remarque ton site,toi !

      Si tu veux rire de tout et voir un vrai site qui a quelque chose à faire des SDF : http://olivierpanza.blog.ca/

      Mais on ne me publiera pas,alors que ton site est indiqué à chaque article !

BAKCHICH PRATIQUE
LE CLUB DES AMIS
BEST OF
CARRÉ VIP
SUIVEZ BAKCHICH !
SITES CHOUCHOUS
Rezo.net
Le Ravi
CQFD
Rue89
Le Tigre
Amnistia
Le blog de Guy Birenbaum
Les cahiers du football
Acrimed
Kaboul.fr
Le Mégalodon
Globalix, le site de William Emmanuel
Street Reporters
Bakchich sur Netvibes
Toutes les archives de « Là-bas si j’y suis »
Le locuteur
Ma commune
Journal d’un avocat
Gestion Suisse
IRIS
Internetalis Universalus
ventscontraires.net
Causette
Le Sans-Culotte