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Bertrand Delanoë, jamais ministre, toujours candidat

SOCIALISTES / mardi 26 août 2008 par Marion Mourgue
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Le mardi 26 août, Bertrand Delanoë a annoncé, dans une interview au journal « Le Monde », son intention de briguer le poste de premier secrétaire du PS. Alors que s’ouvre, vendredi 29 août, l’Université d’été du PS à la Rochelle - round d’observation avant le congrès de Reims au mois de novembre - « Bakchich » se penche sur le parcours de Bertrand le magnifique… longtemps surnommé « Petit Chose » par ses chers amis du PS. Pourquoi diable le Maire de Paris n’est-il jamais devenu ministre ?

Ni sous Mitterrand, ni sous Jospin… Bertrand Delanoë, l’actuel Maire socialiste de Paris n’a jamais obtenu de maroquin ministériel. François Mitterrand l’avait pourtant repéré dans la fédération socialiste de l’Aveyron et fait monter à Paris en 1974. Lionel Jospin, lui, le rejoint toujours en 1974, à la fédération socialiste du XVIIIè arrondissement à Paris, créant la « bande des quatre » avec Claude Estier et Daniel Vaillant. Horreur, ô désespoir, Jospin, mentor et grand frère politique de Delanoë, ne l’appelle même pas pour faire partie de son gouvernement, en 1997. « Son histoire politique commence vraiment en 2001 [élection à la Mairie de Paris] », sourcille Rémi Lefèbvre, spécialiste du PS et professeur de science politique à Lille.

Bertrand Denaloë, éternel candidat… - JPG - 88.2 ko
Bertrand Denaloë, éternel candidat…
© Pier

Delanoë manquait-il jusque-là d’aptitude ? Manifestement, non. « Il était compétent », se rappelle l’ex Premier-ministre, Michel Rocard, qui le soutient aujourd’hui comme possible présidentiable en 2012. « Mais des compétents, il y en avait des centaines ! Il n’avait pas l’âge et il ne pesait pas beaucoup ». Bref, primo trop jeune, deuxio poids plume ! Élu conseiller de Paris en 1977, puis député en 1981, Delanoë pèse peu face aux ténors du parti choisis par Mitterrand - Pierre Mauroy, Gaston Defferre, Jean-Pierre Chevènement, Jacques Delors, Robert Badinter…

« Bébert », à l’ombre de « Yoyo »

D’autant plus qu’en 1981, le Premier ministre Mauroy, avec les instructions de François Mitterrand, « tient compte des différentes personnalités de la gauche et des différentes tendances politiques (rocardiens, mitterrandiens, mauroyens…) », se rappelle Michèle Sabban, aujourd’hui au Conseil régional d’Ile-de-France et amie de Bertrand Delanoë comme de Lionel Jospin. « La répartition se faisait à la proportionnelle. Et à l’époque, peu de gens connaissaient Bertrand Delanoë, en dehors du parti. » Delanoë n’a jamais dirigé de syndicat, ni le mouvement des jeunes socialistes, encore moins de courant. En gros, faute d’être un éléphant rose, le petit jeune doit faire ses preuves et attendre que ses aînés soient casés. Amertume. « Ce serait mentir que de dire qu’il avait avant 2001 la notoriété qu’il a aujourd’hui », commente un de ses proches, le député Christophe Caresche. En gros, on n’allait pas aller chercher un bleu pour devenir ministre !

Ah, le Socialisme… cette grande famille où il faut attendre son tour. Delanoë l’aura appris à ses dépens. « Delanoë était un second couteau dans l’ombre de Lionel Jospin », lâche Marie-Noëlle Lienemann. « À l’époque, on n’était pas ministre à trente ans ! », s’amuse Jean-François Mary, ancien administrateur de l’Institut François Mitterrand.

Le petit jeune occupe quand même les postes de porte-parole du PS de 1981 à 1983 et de secrétaire des fédérations de 1983 à 1985. Soit l’équivalent de numéro deux et numéro trois du parti dirigé alors par son grand ami Lionel Jospin. « Ce poste de secrétaire général aux fédérations n’est généralement donné qu’à ceux qui ont la pleine et entière confiance du premier secrétaire », se souvient Jean-Claude Mary. « Bébert » est donc dans les petits papiers de « Yoyo ». A ce titre, Delanoë se rend tous les mardis à la réunion qu’organise le secrétaire général de l’Élysée, Jean-Louis Bianco, pour maintenir la cohérence de la ligne politique entre parti et gouvernement. Au PS, Delanoë œuvre dans l’ombre du mentor… Bianco explique : « François Mitterrand avait demandé à Lionel Jospin, secondé par Delanoë, de garder le parti ». Delanoë gardien de la rue Solférino… une information qui ne manque pas de sel aujourd’hui et qui pourrait faire des jaloux ou des jalouses !

« Lolo » et « Yoyo », le désamour

Si la carrière politique de Delanoë avait continué d’évoluer à ce rythme, il aurait pu obtenir un poste gouvernemental : au moins un secrétaire d’État à l’image de ce que Jean-Marie Bockel - qui a exactement le même âge - a pu obtenir dans le gouvernement de Laurent Fabius. Mais Bertrand n’obtiendra, en 1984, aucun lot de consolation. Car « Bébert », en effet, était loin de faire partie du cercle des intimes de « Lolo »[Fabius], pour la bonne et simple raison qu’il était un proche de « Yoyo ». Les relations entre Laurent Fabius - Premier ministre - et Lionel Jospin - Premier secrétaire du PS - se tendent tous les jours un peu plus à mesure que se rapproche la perspective des élections législatives de 1986. Tous deux ont voulu conduire la campagne et ont cherché à faire pencher la balance en leur sens. Mitterrand a tranché et Jospin a finalement obtenu gain de cause. La guerre est déclarée. Delanoë en est l’une des principales victimes collatérales.

La première fenêtre d’opportunité pour Bertrand Delanoë s’achève donc en 1986. Date à laquelle en plus il perd son siège de député de Paris. Sans réussir à s’implanter en Avignon où il tente un parachutage risqué qui se scelle par un fiasco - avec abandon de l’intéressé avant le scrutin. « Or pour Mitterrand, il était important d’avoir un ancrage territorial », rappelle Jean-Louis Bianco. Michel Rocard confirme : « À partir du moment où il n’était plus élu à l’Assemblée nationale, la question ne se posait pas ». Retour à la case départ. Fin 1986, au Congrès de Toulouse, il est hué par les Fabiusiens. « Je suppose que François Mitterrand lui en a voulu de ne pas choisir Laurent Fabius au congrès de Toulouse en 1985 », commente un jospiniste.

Amertume et déception du « Petit Chose »

Dur, dur ! Et fin d’une époque : en 1988, où Delanoë est encore battu aux législatives par un certain Alain Juppé qui rafle le siège qu’il convoitait dans le XVIIIè arrondissement de Paris. Le socialiste décide de s’éloigner de la vie politique dont il est désormais un observateur - même s’il garde son siège de conseiller de Paris. Fin de la première partie et grosse traversée du désert, qui va laisser des traces dans les années quatre-vingt-dix. « Pour Jospin, ça comptait le suffrage universel ! », raille un ténor socialiste.

1993, Delanoë fait son « come back politique » en prenant la présidence du groupe socialiste au Conseil de Paris, soit 16 élus sur 163, - « un groupe groupusculaire », annonce Laurent Fary, l’actuel bras droit du Maire de Paris. Certes, mais c’est le pied à l’étrier pour une élections aux sénatoriales en 1995. Deux ans plus tard, son ami et mentor, Lionel Jospin est nommé premier ministre. Pourtant… rien ! Amertume et déception du « Petit Chose », le surnom qui colle à Delanoë depuis qu’il a succédé à Gorges Sarre, à la tête de la présidence du groupe socialiste à Paris.

« Je pense que cela a été une grande blessure pour lui », raconte un ministre mitterrandien et qui a bien connu Delanoë. Bianco, lui, feint l’étonnement : « J’ai été très surpris que Lionel Jospin ne nomme par Bertrand Delanoë qui était un de ses proches et qui avait toutes les qualités pour devenir ministre. » Jean-Paul Planchou, aujourd’hui à la région de Paris et ami de Bertrand, n’est pas surpris : « il y avait de nombreux candidats et il était encore un peu en dehors du coup ». Une fois de plus…

Aigreurs dans le XVIIIè

En 1997, Jospin a préféré Daniel Vaillant à Bertrand Delanoë, pour son gouvernement. Difficile d’avoir dans le lot deux représentants de la même section parisienne ! Et oui, Daniel Vaillant, l’autre de la « bande », lui, y est. « Il était difficile d’avoir deux ministres du même arrondissement et Delanoë n’a pas le profil type du militant socialiste », lance Mary. « Vaillant l’a beaucoup plus. C’est le parfait militant par excellence. Il a gravi tous les échelons, c’est un homme de fédération et Vaillant doit tout à Jospin, ce qui n’est pas le cas de Delanoë ». Lionel Jospin, précisément, qui selon un autre de ses amis, n’a pas apprécié les allers-retours du « Bébert » entre vie professionnelle et vie politique. A défaut d’attendre Bertrand, il choisi Daniel.

« On ne pouvait pas tous être ministre », s’amuse justement Vaillant. Avant d’ajouter : « Nous n’avons jamais été en concurrence pour des postes. Nous avons eu l’intelligence de ne jamais lorgner sur l’ambition de l’autre. D’ailleurs, nous étions dans un combat collectif. Jospin a été nommé premier ministre. Il m’a dit sois tu deviens premier secrétaire, sois tu entres au gouvernement comme ministre des relations avec le parlement… ». En clair, le CV de Delanoë n’a donc même pas été retenu pour occuper un portefeuille ministériel. Ô rage, ô désespoir. Et rattrapage de Vaillant : « J’ai toujours pensé que Bertrand Delanoë ferait un bon candidat à la Mairie de Paris. Il aurait peut-être aimé qu’on lui en parle [d’un ministère] mais Jospin pensait qu’il ferait un excellent Maire de Paris. Le bon choix a été fait ». CQFD.

À nous deux Paris !

Delanoë, lui, a espéré la rue de Valois et le ministère de la Culture, voire même le maroquin de la Défense, raconte un proche. Mais, selon Christophe Caresche qui connaît Delanoë depuis plus de vingt ans, il « s’est fait une raison. Lionel avait poussé Bertrand, en 1995, au Sénat, à se spécialiser dans les affaires de défense. Je pense qu’il a espéré ce poste et qu’il s’y était préparé ». Voyant ses chances d’obtenir un portefeuille réduire comme peau de chagrin, Delanoë décide à ce moment-là d’investir tout sur la Mairie de Paris. « En 1997, il voit que ça ne marche pas et qu’il n’obtiendra pas de ministère, il met alors cap sur la ville de Paris car il a compris depuis 1995 - [la liste de Delanoë rafle six arrondissements sur 20, du jamais vu à Paris] - qu’il se joue quelque chose et que la capitale peut basculer à gauche », relate Caresche.

« Le fait que Delanoë ne soit pas nommé est visiblement le résultat d’une politique de placement des hommes par Jospin qui ne concernait pas que le gouvernement mais le parti », détaille Michel Rocard. Comme François Hollande au Poste de Premier secrétaire, Jean-Paul Huchon à la Région et Bertrand Delanoë à la Mairie de Paris. « La Ville de Paris, c’est une bastille bien plus importante que nombre de ministères. Aujourd’hui, Bertrand a une position hors pair. Un ministre n’a aucune espèce de moyens. La Mairie de Paris, c’est une sacrée puissance ! ». Dixit Rocard. « Paris » gagnant, alors.

« Je n’ai pas de souvenir de Bertrand qui ait rêvé de devenir ministre », réfléchit Laurent Fary, actuel bras droit de Delanoë. « Peut-être que humainement parlant, le fait de ne pas avoir été nommé ministre a généré quelque incompréhension ». De l’incompréhension, ce doit être ça… « Mais politiquement et stratégiquement parlant, ça n’a jamais été un objectif digne de ce nom ni une obsession ». « Bébert » serre les dents et ne se plaint pas, raconte un de ses amis. Fary ajoute : « quand on regarde a posteriori son parcours, ses intuitions, les priorités qu’il s’est fixées montre que le fait de ne pas avoir été ministre n’est pas un handicap ni quelque chose à mettre dans la colonne débit ». Michèle Sabban conclut : « On ne peut pas dire de Bertrand que c’est une étoile filante mais au contraire qu’il est une étoile montante et ça, ça ne se fait pas un jour ! » En gros, dans la course au poste de Premier secrétaire, on ne peut pas lui reprocher sa virginité ministérielle. D’autant plus que l’actuel Premier secrétaire du parti, François Hollande, ne l’a jamais été non plus…

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7 MESSAGES
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Forum

  • Bertrand Delanoë, jamais ministre, toujours candidat
    le samedi 30 août 2008 à 14:16, Marsumac a dit :

    Enfin tout de meme, ca fait un peu de sens d’avoir une experience de ministre quand on pretend au siege de president. Parce que bon, a Paris, a part depenser dans la comm et l’evenementiel et faire exploser l’endettement de la ville, je ne vois pas trop ce qu’il a apporte de crucial. Ah si, le velib, sorte de service minimum de la RATP (ca marche aussi avec Navigo, apres-tout). Mais faut-il le remercier lui, ou bien monsieur Decaux ?

    Et après tout, si personne ne lui a jamais donne de poste a responsabilité dans un gouvernement ou une structure socialiste, c’est peut-être parce qu’il n’était pas bon… on sait pas… Et la victoire socialiste a Paris, elle est un peu dans le mouvement d’alternance classique de la France de ces 30 dernieres annees et aussi dans l’incurie de l’ex droite au pouvoir.

  • Bertrand Delanoë, jamais ministre, toujours candidat
    le mercredi 27 août 2008 à 11:37
    En tout cas entre deux audiences en correctionnelle, monsieur Bîmes ne manquera pas de venir soutenir monsieur Delanoë avec qui il a de si bonne relations.
  • Bertrand Delanoë, jamais ministre, toujours candidat
    le mercredi 27 août 2008 à 08:49, White Tiger a dit :
    Lorsqu’on parle de Delanoë, on parle d’un homme politique et pas d’un pilier de café du commerce. Il n’y a guère que les concierges et les fidèles téléspectateurs de Pernaut pour croire qu’un strapontin obtenu quelques mois a plus d’importance que le fauteuil de maire de Paris, garanti pendant 6 ans : entre Delanoë et Bockel – vous rappelez qu’ils ont le même âge – lequel est le plus en vue aujourd’hui ?
  • Bertrand Delanoë, jamais ministre, toujours candidat
    le mercredi 27 août 2008 à 00:53

    Delanoë premier secrétaire, c’est un fantastique espoir !

    Celui de voir Arnaud Lagardère prendre sa carte du parti !

    Je vote !

  • Bertrand Delanoë, jamais ministre, toujours candidat
    le mardi 26 août 2008 à 21:40, personne a dit :
    il a pas assez de boulot avec la ville de paris ?
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