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Bernard Arnault, « Les Échos » et l’info arrangée

Panier de la ménagère / lundi 8 septembre 2008 par Bertrand Rothé
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Le journal « Les Échos » est amnésique. Il perd de l’information en route et favorise Carrefour, comme par hasard une autre des entreprises de son actionnaire Bernard Arnault.

Tout allait bien lorsque Les Échos appartenaient au groupe Pearson propriétaire aussi du très sérieux Financial Times. Adossé à cette entreprise, reconnue mondialement pour son sérieux, le journal a pu faire sa place en France. Il est devenu « l’outil de travail des décideurs économiques », selon le Nouvel Obs.

Il y a plus d’un an le groupe Pearson décide de vendre. Le 22 juin 2007 Bernard Arnault annonce sa candidature, « sous la pression de l’AMF », dixit les Échos lui-même. L’affaire est importante, un des parrains de l’économie française annonce qu’il se porte acquéreur du journal économique de référence.

La rédaction, pourtant plutôt conservatrice, résiste. Les journalistes ne sont ni des militants de Plan B ni d’Acrimed. Mais ils savent que leur outil de travail ne saurait souffrir de la moindre suspicion. C’est pour cela que leur journal se vend et qu’il gagne bien sa vie. Les pétitions circulent : « Il nous paraîtrait tout à fait incompréhensible et choquant que notre maison-mère choisisse de nous céder à un groupe industriel sur lequel nous écrivons quotidiennement. (…) À ce titre, une vente éventuelle du groupe Les Échos à Bernard Arnault, PDG de LVMH nous paraîtrait dangereuse. » Une grève s’en suit.

Malgré cette résistance acharnée et après le passage à l’ennemi d’une partie de l’encadrement des Échos. Arnault gagne, le journal passe sous son contrôle.

Connaissant le pouvoir de Bernard Arnault, sa force de caractère, et surtout sa conception de l’information, la vraie question était sur les lèvres des initiés : jusqu’à quand tiendront-ils ?

Comment Les Échos allaient traiter ses cousines ? Bernard Arnault est actionnaire de LVMH. Il contrôle donc ses filiales : Vuitton, Dior, Moët & Chandon…. Mais, et c’est moins connu du grand public, c’est aussi un actionnaire important de Carrefour. Depuis un certain temps le milliardaire investit dans le numéro deux mondial de la distribution.

Petit ou gros dérapage ?

Le mensuel Que Choisir dans son édition de septembre annonce que « Carrefour dérape ». Le distributeur a « gonflé les tarifs de ses MDD (marques propres) : + 9,83 % dans les supermarchés Champion… et + 10,91 % dans les hypers Carrefour ! ». L’information n’est pas neutre. Cette « performance », selon notre confrère plutôt caustique, ne peut pas passer inaperçue aux journalistes des Échos, d’autant plus qu’elle est reprise par de nombreux autre journaux. L’enjeu est de taille. Les MDD représente plus ou moins 30 % du chiffre d’affaires du distributeur et va donc entraîner une forte hausse du chiffre d’affaires et de ses marges.

Quelques jours après la parution de Que Choisir, Les Échos présentent les résultats du distributeur. Le journal ne fait pas dans la nuance. « Un bilan de maçon » titre le journal qui cite à l’envie le patron du distributeur. «  La meilleure performance de Carrefour au premier semestre depuis 2005 ».

On pouvait s’y attendre. Avec de telles hausses de prix, ce ne peut être que bon, voire très bon. Intermarché n’a augmenté ses tarifs de MDD que de 5,04 % et Attac de 2,16 %, cinq fois moins que Carrefour. Le lecteur informé attend l’analyse des Echos. Et là, bizarrement, rien. Point d’augmentation de prix. Le journaliste des Echos se contente de citer José Luis Duran, le patron de Carrefour. Le patron parle bien de «  la croissance des ventes de produits à marques de distributeurs (MDD) » mais pas de l’augmentation de ses prix.

Le journaliste n’oublie pas de prévenir ses lecteurs « Bernard Arnault, le PDG de LVMH (propriétaire des Échos ». L’honneur est sauf.

Devant de si belle performance, le lendemain l’action Carrefour grimpe de plus de 7 %. Bernard Arnault peut être content.

Bernard Arnault - JPG - 40.7 ko
Bernard Arnault
© Kerleroux

Le lecteur des Échos lui est lésé. L’actionnaire est mal informé, voire abusé. Car cette hausse des MDD de 10 % est capitale. Les journalistes du journal ne peuvent l’ignorer. Pour le consommateur, Carrefour est déjà jugé plus cher que ses concurrents. Que va-t-il se passer quand ils vont s’apercevoir que cet écart se creuse encore ? Ils vont préférer les autres distributeurs. Et pour finir le distributeur va perdre des parts de marché. L’action va chuter. Les journalistes auraient pu en informer leur lecteur, ce n’est pas leur choix.

Les Échos auront tenu un an. C’est déjà beaucoup quand on connaît Bernard Arnault. Chapeaux bas, d’autres auraient résisté moins longtemps.

La parole à la défense

A propos de "l’info arrangée"

Etant l’auteur de l’article incriminé, j’aimerai apporter quelques précisions à ce "cher" confrère et à vous lecteurs de Bakchich ! Quelques erreurs factuelles d’abord qui laissent hélas à penser que nous sommes là en présence d’un exercice tendancieux. Ainsi, contrairement à ce qui est écrit sur le site, le titre "bilan de maçon" dans la rubrique Crible, en dernière page du deuxième cahier des "Echos" du 1er septembre, ne se rapporte pas à Carrefour mais à Bouygues qui publiait également ses résultats semestriels. Concernant le distributeur, le titre était "Carrefour au croisement", et l’auteur du billet, qui n’était pas en l’occurrence celui de ces lignes, insistait précisément sur le fait que le premier distributeur français "doit encore s’attaquer à la bataille des prix bas"… Comme "info arrangée", l’article de Backchich se pose là…

Contrairement à ce qu’écrit son auteur, "Les Echos" ne sont pas "amnésiques", pas plus qu’ils ne "favorisent" Carrefour. Dans l’article titré "Carrefour soulage les marchés et José-Luis Duran conforte sa place", que j’ai donc signé, la question des augmentations de prix est bel et bien abordée, et le patron de Carrefour commente même les raisons de la hausse de la marge commerciale au premier semestre. Il cite en effet la croissance des MDD _ observée par ailleurs dans toutes les enseignes, le différenciel de prix avec les marques de fabricants demeurant très important _, mais aussi "une répercussion plus significatives des hausses tarifaires des industriels" qu’il reconnaît dans la continuité du texte comme une erreur.

Alors, pourquoi n’avoir pas fait référence à l’enquête de Que Choisir en question ? Contrairement au secrétaire d’Etat à la consommation Luc Chatel qui, en son temps, avait brandi un numéro de 60 Millions de consommateurs pour dénoncer des hausses jusqu’à 40% sur le jambon (chiffres qui ne résistaient pas à une analyse objective)car cela l’arrangeait dans son combat pour faire avancer le projet de loi LME, et aujourd’hui dénonce la méthodologie des études de Que Choisir ou de l’INC qui mettent à mal la lutte du gouvernement contre la hausse des prix, nous conservons une ligne dont nous ne dévions pas, à savoir ne reprendre que des informations fiables. Or, comment prétendre qu’un relevé de prix sur 41 produits à marques de distributeurs (quand il y en a plusieurs milliers dans une grande surface) peut suffire à la démonstration ? En outre, si Que Choisir épingle en effet Carrefour il souligne que la plupart des autres distributeurs "ont aussi eu la main lourde", à la notable exception de l’enseigne Atac (et non Attac, mais peut-être l’auteur est-il membre de cette respectable association).

Et pour cause. J’épargnerai aux lecteurs les raisons purement factuelles à la hausse des prix des MDD, mais de fait, faut-il le rappeler, la part des matières premières alimentaires pèse pour beaucoup dans la constitution du prix de la MDD, contrairement aux marques de fabricants où le marketing et la pub notamment sont loin d’être négligeables. Or ces matières premières ont connu une vive inflation ces derniers mois. Les distributeurs n’auraient-ils pas répercuté ces hausses, que n’aurait-on lu sur leur volonté d’étrangler les producteurs…

Pour conclure, le lecteur des "Echos" a-t-il été "lésé" ? A vous d’en juger… L’actionnaire a-t-il été "mal informé, voire abusé" ? Si tel était le cas, alors Bernard Arnault serait logé à la même enseigne…

Antoine Boudet

La réponse de Bakchich

L’article : "un bilan de maçon" est composé de trois parties, la première parle de Bouygues, et la troisième de Carrefour. Dans cette partie, après avoir parlé de "voile qui faseye", allez comprendre la bonne performance du groupe de distribution après quelques années beaucoup plus difficiles, l’auteur ne parle quasi que de la stratégie internationale, du groupe qui "est ainsi clairement remise à flot". Pas UN mot sur la hausse des prix qui explique en partie la voile qui faseye. Il y a juste une petite injonction du journaliste. Le groupe doit : "s’attaquer à la bataille des prix bas". Et oui, après avoir augmenté ses MDD de 10 %, c’est nécessaire.

Pour le reste en dehors de l’erreur sur Attac. Je confirme les propos. Il n y a pas un mot sur la hausse des prix de l’étude de Que Choisir, dans ces deux articles. Pas une seule fois une allusion. Juste des propos sibyllins. Comme l’auteur vous l’explique la phrase :"une répercussion plus significatives des hausses tarifaires des industriels" signifie que : Carrefour a augmenté les prix de ses MDD de 10 %. Cela aurait été beaucoup plus simple en nous l’expliquant. Non ?

Pour info Carrefour et sa marque d’hypermarché Champion est l’enseigne qui AUGMENTE LE PLUS les prix de ses MDD, et d’après notre confrère Challenge qui cite aussi cette enquête, sur deux pages, l’ensemble de ses prix. C’est ça l’enjeu. Les autres les augmentent, mais beaucoup moins. Je cite ATTAC (avec une faute d’orthographe) c’est 5 fois moins, mais aussi Intermarché, et j’aurais pu aussi citer Leclerc…

Cordialement,

Bertrand Rothe

À lire ou relire sur Bakchich.info

Des Sages très sages pour les Echos . L’heureux nouveau propriétaire des Echos, Bernard Arnault, est toujours à la recherche d’un troisième sage pour arbitrer d’éventuels conflits entre la rédaction et lui-même. Les deux premiers noms sont l’ancien (…)
Notre grand président nous éclaire : les journalistes ne comprennent décidément rien à la liberté de la presse.
Vous avez peut-être entendu parler de la « une » de La Tribune qui interpellait récemment Bernard Arnault, son propriétaire. « M. Arnault, divorçons dignement », était-il ainsi écrit en ouverture de l’édition du lundi 22 octobre, les pages deux et trois étant (…)
Comment ça ? Ce ne serait pas exactement parce qu’il est féru d’informations que Bernard Arnault veut racheter les Echos ?

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6 MESSAGES

Forum

  • Attac, association distributrice ?
    le mardi 9 septembre 2008 à 00:41, le renégat a dit :
    Attac est un grand distributeur maintenant ? Je croyais que c’était l’Association pour la Taxation des Transactions financières pour l’Aide aux Citoyennes et citoyens. A ne pas confondre avec ATAC
  • Bernard Arnault, « Les Échos » et l’info arrangée
    le lundi 8 septembre 2008 à 21:44, nuage.r a dit :

    J’ai été frappé par le « plusieurs millier » de produit de marque distributeurs dans une grande surface.

    Ça me semble beaucoup.

    Si la défense repasse par ici, j’aimerai une plus grande précision numérique.

    Je sais bien que « plusieurs millier » commence à 2000… mais ça suggère nettement plus.

    À part ça la technique du sondage reste valable. Et si les 41 produits sont pris au hasard on a une estimation, certes assez floue, mais valable de l’augmentation moyenne.

    Si, au lieu d’être pris au hasard ils sont choisis judicieusement en fonction de la consommation on a une estimation précise de l’augmentation. Je trouve donc que l’argument de la défense doit-être précisé.

    Si il ne relève pas de l’effet de style, ce qui est, vraisemblablement, le cas.

    • Bernard Arnault, « Les Échos » et l’info arrangée
      le mardi 9 septembre 2008 à 20:57, Bertrand Rothé a dit :

      Monsieur

      Je confirme les chiffres de mon confrère. Des enseignes comme Carrefour ont plusieurs milliers de MDD. Rien que dans le rayon automobile (une niche pour eux) ils en ont une centaine….

      En revanche je pense que 20 % voire beaucoup moins de ces références représentent plus de 80 % de leur CA.

      Et j’avoue que l’argument de mon confrère me surprend. Je ne vois pas pourquoi si l’information est fausse Carrefour n’a pas porté plainte. Je suis sûr que ce type d’information leur fait un mal important.

      Cdt

      Bertrand Rothé

  • Bernard Arnault, « Les Échos » et l’info arrangée
    le lundi 8 septembre 2008 à 14:56, slq a dit :
    comment osez vous critiquer un ami de notre maitre vénéré ? mettre en doute son honnêteté, son integrité ? aaaaaaaaaahhhhhhhhhhhh si la guillotine…….
    • Bernard Arnault, « Les Échos » et l’info arrangée
      le lundi 8 septembre 2008 à 16:03, Timothée a dit :
      Je ne trouve pas ça normal que de puissants industriels possèdent des journaux de la presse ecrite, encore moins ceux spécialisés dans l’économie. Les infos sont biaisés, à l’avantage de l’industriel en question. Mais ça, notre cher (très cher) Président s’en fout… bien au contraire. ce qui peut rendre service à ses amis lui rend service.
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