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Allègre, le mammouth auquel vous avez échappé

Politique / mardi 18 mars 2008 par Pierre Vandeginste
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Ira, ira pas ? Claude Allègre, ancien ministre socialiste, ne rentrera (pour l’instant) pas dans le gouvernement Fillon 3, malgré les rumeurs de ces dernières semaines. Ouf ! « Bakchich » a passé en revue les boulettes de ce politique-scientifique qui a souvent manqué l’occasion de se taire…

Claude Allègre, ministre « d’ouverture », à la tête d’un super ministère du développement, de l’industrie, de la recherche et tout ça, façon MITI japonais ? Cette hypothèse circulait… avant les municipales. Pour se retrouver en panne, entre les deux tours. Il est vrai qu’avec son ego boursouflé et son sur-moi en panne, ce mini-Sarkozy ferait un peu double emploi. Lot de consolation : le prochain livre de Claude Allègre, La Science et la Vie, Journal d’un anti-Panurge, doit théoriquement sortir le 26 mars 2008 chez Fayard.

Les casquettes de Claude Allègre

Au départ, Claude Allègre est un géophysicien, parvenu en 1976, à l’âge de 39 ans, à la direction de l’IPGP (Institut de physique du globe de Paris) et couvert d’honneurs académiques (prix Crafoord, un peu le Nobel de la géologie, médaille d’or du CNRS, médaille Wollaston…). Il est à la fois membre de notre Académie des sciences et de son équivalent étatsunien.

Ami d’enfance de Lionel Jospin, il atteint vite le stade d’éléphanteau au sein du PS. Il conseille le ministre de l’éducation Lionel Jospin de 1988 à 1992, puis devient lui-même, en 1997, ministre de l’Éducation Nationale, de la Recherche et de la Technologie. C’est là qu’on le découvre en pachyderme adulte, notamment lorsqu’il proclame son intention de « dégraisser le mammouth ». Cette démonstration de tact entame sérieusement la qualité de ses rapports avec l’administration qu’il veut profondément réformer. Et qui dès lors se cabre.

Le ministre socialiste prend soin d’accélérer son divorce avec une profession qui vient de confirmer son traditionnel « vote à gauche », en arguant que « chaque fois que j’engueule les enseignants, je prends 25 points dans les sondages ». Les profs se souviennent encore d’un certain coup d’éclat médiatique à propos d’un « taux d’absentéisme de 12% », qu’il sera bien incapable de documenter.

Claude Alègre - JPG - 176.5 ko
Claude Alègre
© Mor

Dès lors, le magasin de porcelaine qu’est l’Éducation Nationale se met à résister aux méthodes volcaniques du géologue, au point que les manifestations du printemps 2000 le pousseront à la démission.

Le monde de la recherche, sa mère nourricière, découvrira également les méthodes musclées et l’approche « je dis ceci, mais je fais cela » du personnage. Ainsi, relève un confrère, après avoir entendu son ministre proclamer, urbi et orbi, juré promis, craché par terre, qu’il était partisan de l’autonomie des organismes de recherche, la nouvelle directrice générale du CNRS découvre avec effarement que sa « lettre de mission » annuelle lui dicte sa conduite jusqu’au dernier bouton de guêtre, spécifiant jusqu’aux recrutements par discipline, à l’unité près.

Science sans conscience…

Mais ce sont les prises de position scientifiques de Claude Allègre qui donnent au personnage toute son originalité. Non pas tant d’ailleurs les positions elles-mêmes que sa manière abrupte de les défendre.

Il est à peine arrivé à la direction de l’IPGP, en 1976, quand la Soufrière, le volcan actif culminant au dessus de la Guadeloupe, fait mine de se fâcher. Sur ce sujet assez pointu, le tout nouveau patron de l’IPGP, qui est loin d’être un expert en volcanologie, s’oppose à son aîné de 23 ans, Haroun Tazieff. Ce dernier consacre sa vie à l’étude des volcans depuis 1948 et il est précisément responsable de la surveillance de la Soufrière depuis 1973, en tant que responsable du service volcanologique de l’IPGP.

Allègre promet dur comme fer une éruption dangereuse, avec « nuées ardentes », Tazieff calme le jeu. Ses analyses n’annoncent pas une montée du magma, il pronostique une simple « éruption phréatique », sans réel danger. Le préfet déclenche finalement l’évacuation générale de la population, qui attendra trois mois une catastrophe, laquelle ne viendra pas.

La négation des dangers de l’amiante

20 ans plus tard, a contrario, Claude Allègre n’a pas peur de l’amiante. Depuis 1976, justement, les personnels du campus de Jussieu à Paris se bagarrent pour que des mesures soient prises afin de les protéger de cette dangereuse fibre qui a été massivement utilisée pour protéger contre le feu la structure métallique de ce vaste bâtiment. Ils ont découvert le scandale plus général de l’amiante : on sait depuis le début du siècle que les fibres d’amiante provoquent de terribles cancers des poumons et de la plèvre (le mésothéliome), jusqu’à 50 ans après l’exposition. Des milliers de morts se profilent à l’horizon, mais l’industrie a réussi à maintenir le couvercle sur la marmite. Dès 1976, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classait l’amiante parmi les « cancérigènes certains » pour l’homme.

Mais un scientifique, Claude Allègre, dira haut et fort que l’amiante n’est pas si dangereux, tirant de son chapeau des chiffres et des théories personnelles sur la question, clouant au besoin le bec de ses contradicteurs à l’aide d’arguments aussi scientifiques que : « ce n’est pas au géologue que je suis que l’on va apprendre ce qu’est l’amiante » (souvenir personnel d’un ancien salarié de Jussieu). Selon Claude Allègre, l’amiante n’est dangereux qu’à haute dose, ne sont en danger que les personnels travaillant directement à son contact. Il suffit donc de « plâtrer » l’amiante de Jussieu pour la stabiliser, et basta !

L’avis du scientifique…

Comme souvent, l’argumentation d’Allègre est à double détente : l’amiante n’est pas dangereux, et d’ailleurs, « Le refus du risque, voilà l’ennemi ! » (Le Figaro du 26 décembre 1996). En avril 2005 encore, dans sa chronique hebdomadaire dans l’Express, le chercheur dénonce « la folie de l’amiante », « une psychose créée par un groupe de gauchistes irresponsables ». Allègre, dans sa chronique, rappelle, sans doute pour nous rassurer, « les chiffres de Jussieu : on y a compté une dizaine de morts, tous en contact avec la poussière d’amiante à haute dose ». Et conclut en réaffirmant sa doxa : « Je le dis et je le répète : à faible dose, la poussière d’amiante n’est sans doute pas plus dangereuse que la poussière de silice que l’on respire sur la plage ». On appréciera le « sans doute », venant après « je le dis et je le répète ».

Le sujet est venu récemment se rappeler à notre bon souvenir, en octobre dernier, lorsque le Bulletin épidémiologique hebdomadaire a publié une étude signée par des chercheurs de l’INVS (Institut national de veille sanitaire) et de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Ils ont étudié le cas de cinq personnes n’ayant eu aucun contact rapproché, professionnel ou autre, avec l’amiante (une enseignante en mathématiques, un vulcanologue, un physicien, un paléontologue et un ingénieur en océanographie), mais qui sont néanmoins décédées d’un mésothéliome diagnostiqué entre 2001 et 2002.

Est-ce que Claude Allègre a quelque chose à leur dire ? Malgré les hauts cris du dégraisseur de mammouth, le coûteux chantier de désamiantage de Jussieu a débuté en 1997, il pourrait se poursuivre jusqu’en 2010. Et depuis 1997, l’usage de l’amiante est interdit en France.

OGM : Claude les aime

Autre sujet sur lequel Claude Allègre s’illustre par la finesse de son argumentation : les OGM (organismes génétiquement modifiés). Quelques jours après le passage sur Arte de l’excellente enquête de Marie-Monique Robin, Le monde selon Monsanto, on apprécie tout particulièrement la tactique de Claude Allègre consistant, comme souvent, à jeter dans un même sac toutes les formes de contestation des OGM avec des formules aussi mesurées que :« En fait, cette opposition aux OGM est purement politique et philosophique, c’est le refus du progrès, de la société capitaliste, c’est l’antiaméricanisme, c’est la repentance de l’Occident ». (Ma vérité sur la planète, Plon, 2007).

Dans le même ouvrage, le géologue nous affirme qu’il a bien étudié la question, de A à Z, et que vraiment, il n’y a pas à s’alarmer : les OGM n’ont que des avantages, tous les inconvénients ont été éliminés. Enfin, ceux que l’on connaît.

L’incroyable culot du personnage, lorsqu’il défend ses idées, apparaît tout nu dans la vidéo ci-dessous. Invité de Jean-Jacques Bourdin sur RMC, le grand scientifique, tout à sa fougueuse démonstration de la parfaite innocuité des OGM, « puisque-je-vous-le-dit », avance l’argument qui tue suivant :

« Quand vous greffez un pommier, vous faites des manipulations génétiques. Ça se fait depuis que le monde est monde. Alors il faut arrêter cette phobie… »

Voir sur l’interview de Claude Allègre sur RMC, le 10 mai 2007, et particulièrement ses propos éclairants à partir de la douzième minute de la vidéo :


Claude Allègre invité de Bourdin RMC
envoyé par rmc

N’importe quel biologiste vous dira le contraire : sur un pommier (ou poirier…) greffé, le porte greffe et le greffon, qui sont de deux variétés différentes, gardent chacun leur patrimoine génétique distinct et intact.

La suite, demain mercredi 19 mars : Claude Allègre n’est pas très réchauffé !


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34 MESSAGES
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Forum

  • Allègre, le mammouth auquel vous avez échappé
    le samedi 23 mai 2009 à 19:32, cassandre a dit :

    Même "l’écolo sponsorisé par les plus grands pollueurs de la planète", grogne à l’idée d’Allègre au gouvernement.

    Allègre au gouvernement serait "un bras d’honneur"

    Afp| 23.05.2009

    C’est ce qu’estime Nicolas Hulot, pour qui l’éventuelle nomination de Claude Allègre serait un "signal tragique" avant une conférence importante sur le climat.

  • Allègre, le mammouth auquel vous avez échappé
    le vendredi 22 mai 2009 à 14:17
    Eh bien NON ! Vous n’y échapperez pas :-))) Vous en avez de la chance…
  • Allègre, le mammouth auquel vous avez échappé
    le lundi 24 mars 2008 à 10:21

    Le livre de MONTALDO sur l’or du Pérou n’est-il plus d’actualité ?

    Ceci dit dans la famille j’échangerai bien l’oncle Kouchner contre l’oncle Allègre

    Longue vie à Bakchich

    >Philippe

  • Inserm…
    le vendredi 21 mars 2008 à 07:25, Chois a dit :
    L’Inserm, c’est l’Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale. Les statistiques, c’est à l’Insee !
    • Inserm…
      le vendredi 21 mars 2008 à 08:20, rédac bakchich a dit :
      L’ Inserm, c’est la santé, of course. Merci de nous avoir signalé cette coquille, aussitôt corrigée.
    • Inserm…
      le vendredi 21 mars 2008 à 20:42, pvdg a dit :
      Cause probable de mon lapsus : j’ai travaillé pendant 6 ans à l’URS (Unité de recherche statistique) de l’Inserm ;- !
  • Allègre, le mammouth auquel vous avez échappé
    le jeudi 20 mars 2008 à 17:23, J_P_M a dit :
    Par trois fois, sauf erreur, vous mettez amiante au féminin. Eh non ! C’est un nom masculin…
    • Allègre, le mammouth auquel vous avez échappé
      le jeudi 20 mars 2008 à 22:46, pvdg a dit :
      http://fr.wiktionary.org/wiki/amiante
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