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Alfred Sirven : « Pasqua, c’est Fouché »

lundi 26 juin 2006 par La Rédaction
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Renvoyé devant le tribunal correctionnel pour financement illégal de sa campagne en 1999, Charles Pasqua, l’ancien ministre de l’Intérieur, n’en est pas à ses premiers démêlés judiciaires. Cité dans l’Angolagate (ventes d’armes à l’Angola), le trafic pétrole contre nourriture (Irak), "Môssieur Charles" était aussi apparu dans l’affaire Elf aux côtés du truculent Alfred Sirven.

Ces frasques, Sirven ne les a jamais racontées. Jamais, sauf sur le tard et au compte-gouttes durant les quelques échanges nourris qu’il eut avec nous entre novembre 2004 et janvier 2005, alors que le procès en appel de l’affaire Elf venait de se terminer. Un représentant du Parquet particulièrement virulent avait réclamé contre lui de huit à dix ans de prison, alors qu’il avait déjà fait cinq ans de détention. Le jugement avait été mis en délibéré au 31 mars. Alfred les « avait à zéro », pour reprendre ses propres termes. Lors de plusieurs rencontres chaleureuses et bien arrosées, nous retrouvions un Alfred apparemment en pleine forme dans plusieurs de ses cantines préférées : « Chez Lapérouse », où il avait ses habitudes, au « Salon des amours », un boudoir privé, à la brasserie « La Lorraine », place des Ternes, ou encore aux « Innocents », rue Robert-Estienne, à deux pas des Champs Elysées, où Alfred avait vécu durant les années fastes d’Elf. Entre truculences et magouilles, on ne s’ennuyait guère avec cet amoureux de la vie…

Vin blanc pour tout le monde

Riesling, huîtres, tarte au saumon… Ce samedi 20 novembre 2004, l’entretien avec Alfred Sirven est vite interrompu par le maître d’hôtel de « La Lorraine » : « Trois de nos clients à la table à coté, trois jeunes, voudraient vous faire passer un message. Ils ont la plus grande admiration pour votre parcours, ils voudraient vous offrir une petite coupe. » Sans s’émouvoir, l’ami Alfred a cette réponse de star : « Le champagne, c’est vulgaire et petit-bourgeois. Nous, on est au vin blanc. Mais vous les remercierez, qu’ils nous offrent le café. »

« Le dernier anar »

« Je suis le dernier anar de France, le seul personnage humain de cette histoire Elf. J’ai le mépris de l’ordre établi, j’obéis à mes propres lois. Je voudrais écrire un livre de fables, un livre pour les citoyens, leur dire, citoyens, voici la vraie vie, le reste, on vous ment. Reste que le 31 mars, je les aurai à zéro. La vieille garde n’a jamais reculé, mais là… Je suis le seul debout, j’ai été cohérent, je n’ai pas sorti un seul nom… Mais j’ai amassé un grand mépris pour la classe politique. Je n’ai jamais donné de l’argent sans que l’on me le demande, et avec insistance. Je te le dis, avec in-sis-tan-ce. Je vais leur dire aux Français, pauvres connards, c’est votre faute à tous si vous êtes bernés ! »

« Vilma, fais tes valises ! »

« Maître chanteur, on ne le devient pas à mon âge. Mais si je dois retourner en cabane, alors oui, cela change les choses. Je dis à Vilma (la femme d’Alfred Sirven, ndlr), fais tes valises, retourne aux Philippines et à nous deux la France ! »

« Le Floch, c’était l’Emir… »

« Le Floch avait un esprit stratégique, d’énormes qualités. Mais d’énormes défauts aussi, un immense sentiment d’ego. J’ai été nommé sur ma valeur à la tête d’Elf qu’il disait, tu parles ! (rires). Le Floch, on l’appelait « l’Emir ». Tarallo, c’était « le Général » et Chirac, « le Grand »…

Les 45 millions de Biya

« Un jour, j’étais reçu à la présidence camerounaise par le président Paul Biya. Il avait besoin de 45 millions pour sa campagne. J’étais seul avec lui, ces gars-là, ils ne font confiance à personne. Ils ont besoin de cash et ils ont besoin que ce cash échappe à leur ministre des Finances. C’est pour cela que le groupe Elf monte des off shore qui échappent à tout contrôle, y compris au contrôle des autorités locales qu’ils ne sont pas sûrs de tenir. »

Des nouvelles du Congo

« Le Général Oba, je l’ai vu il y a quinze jours, c’est lui à la tête de la police qui fait trembler tout le monde au Congo… Je lui ai demandé si le contentieux que le Congo avait avec le Libanais Antoine Tabet, un ami du clan Pasqua, était réglé, il a eu l’air dubitatif… »

« Pasqua, je l’appelais chef »

« J’étais dans le clan Pasqua. Sarko, pour nous, c’était le traître, celui qui avait battu Charles à la mairie de Neuilly, je ne l’aimais pas. Mais le temps est passé, faut reconnaître qu’il bosse. Pasqua, je l’appelais chef. Il avait fait acheter par Elf le terrain d’Issy-les-Moulineaux. Il y a eu une lettre de dénonciation sur la répartition des commissions avec les noms de Fred et de Carlo. Alors, en première instance, le président du tribunal me demande : « C’est qui Fred ? » J’aurais eu mauvaise grâce à ne pas lui dire que c’était moi (rires). « Et Carlo ? », il me demande ? Voyons, je ne vois pas, ai-je répondu (rires encore). Non, je lui ai dit, je ne vois vraiment pas (rires toujours)… » « Quand Jaffré a pris la direction d’Elf, Geneviève Gomez est partie en Suisse pour trouver celui de Daniel Leandri, le fidèle bras droit de Charles. Elle ne le trouvera pas, j’avais fait le ménage. Au final, un autre a balancé, et les juges suisses ont trouvé le pauvre Daniel. »

Charles, Dumas, Mitterrand…

« C’est là, rue Robert-Estienne dans l’appartement que j’occupais, que ça se passait. Là, que Roland Dumas et Charles Pasqua se rencontraient régulièrement . L’un ou l’autre m’appelaient, j’organisais. C’était Vilma, ma femme, ou sa fille, qui leur servaient une collation. Quand ils avaient fini, ils passaient un coup de turlu à la fille du bar. Le bar où Christine (Deviers-Joncourt), Daniel (Leandri) et moi on se retrouvait pour les attendre, on y mangeait d’ailleurs très bien. Charles, c’était Fouché… Et l’autre, Dumas, c’était Talleyrand. J’ai même organisé des rencontres entre Mitterrand et Pasqua dans le château qu’Elf avait racheté au docteur Laurent Raillard, le compagnon de golf du Président. Avec Daniel et Raillard, on s’inclinait devant « Dieu », on le laissait ensuite avec Charles. On allait boire un coup, histoire d’attendre que les deux Auguste aient fini leur petite affaire. En sortant, Charles était tout content, il était enchanté d’avoir rencontré un intellectuel. »

« Recaser Jean-Christophe »

« Quand Mitterrand a compris que cela ne se passait plus bien à la cellule Afrique de l’Elysée dirigée par son fils Jean-Christophe, il l’a viré. Il y a eu des hurlements de Danièle, il a fallu le recaser. On lui a donné 100 000 balles par mois grâce à une fondation en Suisse. Il n’était pas nul d’ailleurs, ce type, du moins quand il était à jeun. »

Le grand, le Corrézien et les faux culs

« Pasqua a des convictions, Chirac n’en a aucune … » « J’ai le même avocat, Pierre Haïk, que « le Corrézien ». Celui que j’appelle « le Corrézien », c’est Patrick Maugein, le grand pote de Chirac, qui allait en Afrique ou ailleurs avec la bénédiction du Grand… Je l’ai rencontré chez mon avocat, je lui ai dit : « Tu m’as manqué. Tu es un enfoiré, tu n’as pas été voir le Grand pour moi. » Il était très embêté, m’a dit qu’il n’avait pas vu Chirac depuis des mois. Faux, évidemment. J’aime pas les faux culs….. C’est comme pour la loi sur l’abus de bien social. Trois fois ils ont voulu changer les choses, trois fois le Grand a lâché… Les amis de Chirac m’ont dit qu’il avait expliqué sa prudence à cause de la presse, de l’opinion, de la raison d’État et je ne sais quoi encore. En fait, la presse et le reste nous auraient cassé les couilles pendant quinze jours et après, ça se serait calmé. En fait, quand le Grand parle de la raison d’Etat, je vais te traduire, ça veut dire , bordel de Dieu, les autres, on les laisse tomber, c’est tout.

Un jour durant le procès en première instance, Le Floch a failli lâcher le morceau à propos de l’usine de Corrèze que Elf a financée à la demande de Chirac. Loïk m’a cherché du regard … Putain, j’ai tourné la tête et regardé mes souliers. Même sa défense était divisée. Maître Bourdon le poussait à tout balancer, l’autre non. »

La juge Eva Joly

« Quand elle m’a arrêté, elle a bu le champagne. Le président du tribunal lui a dit qu’elle n’avait qu’à le payer elle-même, ce champagne. C’est ma taupe là-bas au palais de justice qui me l’a raconté. Aux Philippines où je me suis enfui avec Vilma, ma femme, elle aurait pu me trouver. Il y a un proverbe qui dit : « cherchez la femme »… Mais Eva, elle, a fait le raisonnement inverse, c’est le dernier endroit où elle a cherché. Sa virée en Afrique du Sud où elle a cru me trouver, ça a été un coup monté. J’avais des gens à Interpol et à la DGSE, j’ai tout arrangé. (Rires). Allez, galopez jeunes gens… » (A suivre)

Propos recueillis par Nicolas Beau, membre du bureau du club Bakchich


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