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À Bruxelles, la France est complètement à l’ouest

Isolement / mardi 15 avril 2008 par Marc Fressoz
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Y être mais en se tenant le plus éloigné possible de la Commission et du Parlement européen. Depuis sa représentation permanente, la France va exercer une présidence du conseil pour le moins décentrée. À Bruxelles, l’exception française passe d’abord par la géographie.

Pas très « bling bling » l’endroit où battra le cœur tricolore de l’Europe à partir du 1er juillet. L’adresse indique « 14 place de Louvain ». En fait de place, – la Belgique est le pays où est né le surréalisme… – c’est plutôt une rue sans âme et en travaux. Située derrière le siège du quotidien belge Le Soir, c’est ici que se cache la triste représentation permanente française, un choc pour l’honneur national. Sarko Ier va-t-il faire son grand soir dans l’Union européenne ? En tous cas, la France prend son rôle très au sérieux. La preuve, la « RP » (représentation permanente en langage diplomatique) de Bruxelles est devenue « la seconde ambassade étrangère, après celle de l’ONU à New York », indique-t-on fièrement sur place.

La délégation française la joue perso

Depuis quelques mois, les effectifs sont montés en flèche, sans compter les crânes d’œufs qui font la navette depuis Paris à 1h20 en TGV, près de 220 hauts fonctionnaires s’agitent à présent dans cet immeuble, au lieu de 160 en temps normal. Ils s’affairent à préparer les dossiers chauds à venir, de la future présidence française du conseil européen. Et à assister la petite Slovénie, l’actuel pays président un peu court en fonctionnaires pour animer les innombrables réunions avec les ministres des différents pays. Du coup, les services du consulat ont été priés de trouver asile ailleurs dans la capitale belge pour faire de la place. Car la RP devrait aussi accueillir un certain nombre de réunions avec les chefs de gouvernements ou les ministres des autres pays. De quoi sacrement déplacer le centre de gravité de l’Europe bruxelloise.

La représentation française bien excentrée, à Bruxelles - JPG - 57.4 ko
La représentation française bien excentrée, à Bruxelles
© Soularue

Car c’est le plus étonnant. De tous les pays fondateurs, la France est celui dont la délégation est la plus à l’ouest. Au sens géographique bien sûr… En regardant un plan des institutions européennes distribué par le conseil, l’exception hexagonale saute aux yeux. À Bruxelles, la France a choisi le splendide isolement. Une position qui reflète l’espèce d’attirance-répulsion de la technostructure pour l’Europe. Elle se tient à la marge du quartier communautaire et surtout le plus loin possible des centres de pouvoir que sont la Commission et le Parlement.

Résultat, la première a été tenue à distance de 1,6 km à vol d’oiseau. Le second, dont l’importance grandit dans le processus de décision, repoussé à 2 km. « Il est certain que nous ne sommes pas tout près, mais si vous coupez par le parc de Bruxelles, vous pouvez attraper ensuite un bus », explique un fonctionnaire un peu penaud. Pour le métro, il faut changer. Résultat, une bonne marche de près d’une demi-heure pour gagner le centre névralgique. De là à expliquer la perte d’influence en Europe, il n’y a pas qu’un pas, mais plusieurs !

Le « rectangle d’or » : the place to be

Moins dédaigneux vis-à-vis des institutions fédérales et surtout beaucoup plus pragmatiques, les États membres historiques ont au moins implanté leurs troupes au cœur du rectangle d’or, « là où s’élaborent des directives qui influenceront 80% des législations nationales », rappelle un fonctionnaire bruxellois. La palme de l’européanisme revient au pays le moins européen de tous, la Grande-Bretagne. La perfide Albion, qui s’y connaît en matière de lobbying, s’est placée à deux pas de la Commission, du Conseil européen et non loin du Parlement. Tout comme l’Autriche et le Portugal.

Quand la RP pointe TF1 du doigt

Il n’y a pas qu’en matière de présence officielle que les troupes françaises sont à la ramasse. C’est aussi le cas pour les médias. De quoi désoler les membres de la représentation permanente française. Dans une note intitulée « lobbyistes bruxellois : une stratégie d’influence », ils fustigent la faiblesse des troupes. « Sur 1 300 journalistes recensés en 2006, on compte seulement 85 Français (parmi lesquels seule une quarantaine est véritablement active), au quatrième rang derrière l’Allemagne qui en compte plus du double, soit 150, et derrière le Royaume-Uni qui en a 120 ». Camouflet intolérable, « les journalistes français sont à peu près au même nombre que les néerlandais, alors que la France est environ six fois plus peuplée que les Pays-Bas », s’étranglent les hauts fonctionnaires. Ce sont surtout les chaînes de télévision qui les irritent le plus, avec en tout et pour tout, trois correspondants pour France 2, France 3 et France 24. « Mais la chaîne TF1 n’est pas présente, même si LC1 vient d’ouvrir un bureau à Bruxelles ». Et de conclure « Il est illusoire de penser qu’on peut depuis Paris assurer une information pertinente sur les affaires européennes ». Transmis à Martin Bouygues, l’ami de Sarko, futur empereur d’Europe.

Les autres peuplent le quadrilatère que dessinent les deux grands axes de la géographie communautaire : l’interminable rue de la Loi et la rue Belliard. Lesquelles sont jalonnées d’annexes de la Commission, de diverses institutions communautaires, ainsi que des représentations de la plupart des régions des États membres. Là aussi, les conseils régionaux, arrivés depuis peu pèsent peu face à leurs gros homologues étrangers allemands. Quant aux dix nouveaux pays membres qui ont adhéré depuis 2004, ils ne sont pas bêtes. Malgré le prix des loyers en hausse, il y a bien longtemps qu’ils ont compris l’intérêt de pratiquer le collé-serré avec les lieux de pouvoir bruxellois. Malte, 400 000 habitants, a ainsi pris pied à trois rues du Parlement. Tous ont inséré leur RP là où les divers lobbies – 15 000 personnes pour 25 000 fonctionnaires européens ! – ont laissé un peu de place.

Seule exception, comme la France, la Pologne, plus gros nouvel entrant, fait bande à part, plus éloignée encore que la France du centre. Mais totalement à l’est, ce qui va de soit… Snif, nous ne sommes plus une exception à Bruxelles.

Voir en ligne : in Bakchich n°76

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9 MESSAGES
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Forum

  • À Bruxelles, la France va à vélo
    le lundi 20 octobre 2008 à 01:40, gogoTUNNEL a dit :
    Vosu n ’avez rien compris c’est Borloo qui a demandé à nos eurocrates de prendre le velo pour compenser le co2 dégagé par notre vibrionnant président intérimaire de l’ Europe !!!
  • À Bruxelles, la France est complètement à l’ouest
    le mardi 15 avril 2008 à 14:23, Timothée a dit :
    Je trouve ça assez dommage de faire bande apart, du moins de se situer plutôt loin de tout le monde à bxl alors qu’on va présider l’UE pendant 6 mois en 2008 ! sachant que chez les fonctionnaires européens de bxl, tout se sait, tous se connaissent ! et comment faire par rapport aux miliés de lobbyistes présents là bas ? on se met en marge là aussi ? c’est peut-être pas plus mal remarque, quand on connaît le goût de notre Président pour les groupes de pression…
  • À Bruxelles, la France est complètement à l’ouest
    le mardi 15 avril 2008 à 14:01
    Votre article est sympa, mais même si la RP était au centre du Rond point Schuman, elle serait à l’ouest en terme de lobbying. Faire du lobbying dans un système politique aussi fluide implique de se défaire d’une vision purement institutionnelle de la politique pour tisser des liens, parfois ad hoc et éphémères, avec les entreprises européennes, les ONGs européennes, les groupes politiques du PE qui souvent ne demandent que pour peu qu’ils y trouvent leur intéret. Il sera grand temps d’avoir quelques Hot-shot lobbyistes dans cette RP ; Bruxelles n’en manque pas, il faut juste se défaire d’une vision enarco-centrée de la politique plus si étrangère que cela.
    • À Bruxelles, la France est complètement à l’ouest
      le mercredi 16 avril 2008 à 09:36
      allez en parler sur kydiz.com
  • Quel âne a pris cette décision ?
    le mardi 15 avril 2008 à 12:34, Keloglan a dit :

    Il serait intéressant de savoir comment cette décision a été prise, par qui, à quel coût et quel était la liste des autres bâtiments disponibles.

    Car tout est stupide dans cette implantation. Pour au moins un demi-siècle, Bruxelles sera le centre névralgique des prises de décision dans l’Union européenne. Les rencontres ne se font pas que dans les salles de réunion mais aussi dans les rues et les restaurants du "quartier européen". En outre, la visibilité et la proximité du bâtiment avec toutes les autres composantes de la vie européenne sont des facteurs essentiels dans la représentation et la communication, qu’il s’agisse de l’activité politique ou diplomatique.

    Le coin est sinistre : quelques snacks, quelques restaurants déjà occupés par les élus du parlement fédéral belge, la joyeuse et désormais inutile Banque de Belgique, l’arrière folichon de la Cathédrale Ste Gudule (dite St-Michel) , la triste "Cité administrative" et sa désespérante esplanade…

    Un bien joli gâchis, si vous me demandez mon avis.

  • À Bruxelles, la France est complètement à l’ouest
    le mardi 15 avril 2008 à 11:09, Françoise Ninauve a dit :
    Votre commentaire est amusant et l’analyse géographique assez adéquate. Même s’il faut mieux connaitre Bruxelles ! En effet, c’est une ville de 1 000 000 habitants seulement et son role de capitale européenne ne lui a pas enlevé un certain charme. C’est pourquoi les institutions ont été au coeur d’un pôle international (détails sur http://www.eurobru.com/inter00.htm) où ce sont des questions de mobilité urbaine qui bien souvent ont décidé du choix des localisations des représentations étrangères. Il n’y a guère de parkings publics dans les environs de la Commission et du Parlement ! Il est donc bien plus facile de s’y rendre à pied ! Eventuellement en métro où, dans le passé, on rencontrait souvent M. Jacques Delors qui y appréciait son contact avec la population. A noter enfin qu’il n’y a pas que les représentations de pays à jouer à ce jeu ; l’église de scientoligie s’est également installée à 250 m de la Commission !
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